L’offre de soins à Ouessant, commune la plus à l’ouest de France, n’est pas fragile, assure l’ARS. Pourtant, des patients expriment une gêne et une Idel remplaçante souligne le coût de l’activité insulaire. Reportage.
Le contrat local de santé (CLS) signé fin août entre Ouessant (Finistère) et l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne
Les conditions d’accueil des professionnels de santé sont-elles pour autant suffisantes ? Dans son diagnostic, l’ARS plaide pour « une organisation capable de [les] garantir ». Si les Idels bénéficient de tarifs insulaires pour l’avion (entre 54 et 115 € l’aller-retour contre 141,70 € pour les continentaux) et le bateau (environ 15 € l’aller-retour au lieu de 30 €), le coût de l’activité sur l’île reste élevé. « J’ai d’abord loué une voiture, 300 € pour trois semaines, puis j’ai fait venir la mienne (180 € de transport), mais le prix de l’essence reste supérieur à celui du continent », liste Nelly, Idel qui a exercé sur l’île comme remplaçante. Autre difficulté : le logement. Sur l’autre île finistérienne où elle travaille désormais, un logement collectif destiné aux soignants lui coûte 30 € par mois. « Cela relève du secteur privé, argue de son côté la municipalité d’Ouessant. Ici, il y a un parc de 35 logements communaux, mais ils sont à partager entre les saisonniers et ceux qui font des remplacements à la maison de retraite. » Pour pallier cette carence, Armelle, propriétaire du cabinet infirmier, a repensé l’organisation de son activité : deux remplaçantes, dix jours par mois, qu’elle héberge dans un logement qu’elle loue (400 € par mois). « Je facture les nuitées à mes remplaçantes. »
Nelly a fait partie de l’équipe d’Armelle. L’Idel, qui se voyait bien finir sa carrière dans l’île de la mer d’Iroise, a assuré des remplacements au cabinet, de février à juillet 2017. Mais très vite, elle redoute une situation estivale tendue à cause du coût de la vie, mais aussi du turnover des collègues, des tournées à rallonge soumises aux liaisons avec le continent et de l’augmentation du nombre de patients. Un dernier point dont se félicite au contraire Armelle : « J’ai pu prendre en charge 60 patients de plus durant la saison. C’est autant de touristes supplémentaires qui font vivre l’île. » Du 10 juillet au 22 août, elle a assuré seule les tournées.
Côté patients, âgés de plus de 75 ans à 20 % (la moyenne des îles du Ponant est de 14,4 % ; la moyenne régionale de 10,3 %)
Des pistes émergent toutefois, à la faveur d’équipes soignantes renouvelées. L’arrivée du successeur du médecin de l’île en fait partie. L’idée d’un regroupement des soignants dans une maison de santé ou un centre de soins fait son chemin. « Rien n’est fixé, tempère l’ARS. Chaque île a ses singularités. Il faut en prendre note, faire preuve d’imagination et développer, ensemble, des formes d’organisation nouvelles. » L’adjointe en charge des affaires sociales croit, elle, au développement de la télémédecine avec les hôpitaux de Brest. Un axe qui correspond pleinement aux objectifs du CLS. « Les travaux de rénovation à l’Ehpad vont permettre la création d’une salle dédiée aux téléconsultations, pour tous les îliens. » Le système, prévu à l’horizon 2019, est déjà effectif pour les résidants actuels. Quant à Armelle, l’Idel installée depuis huit ans, elle aimerait voir se développer la formation des aides à domicile du centre communal d’action sociale de l’île pour « travailler en binôme. Cela me permettrait d’alléger la tournée et de m’occuper mieux des locaux. »
(1) Un CLS a été signé entre l’ARS et chacune des onze îles membres de l’Association des îles du Ponant.
(2) De mars à juin 2016, les travaux ont associé plus de 90 experts : élus et professionnels de santé des îles, établissements de santé, services départementaux d’intervention et de secours, Société nationale de sauvetage en mer, Groupement des armateurs de services publics maritimes de passages d’eau, Assurance maladie, conseils départementaux, conseil régional.
(3) Ordre national des pharmaciens, novembre 2017/Insee, 2014.
(4) Insee, 2012.
• Dans un prochain numéro, nous embarquerons à nouveau pour une île en donnant la parole à une infirmière récemment installée sur l’île d’Aix, un peu plus au sud…