L'infirmière Libérale Magazine n° 342 du 01/12/2017

 

Lutte contre la douleur

Cahier de formation

Point sur

Denis Stora  

En raison de l’impossibilité récente d’utiliser la codéine, antalgique de référence de palier 2 chez l’enfant avant 12 ans, des solutions faisant intervenir d’autres antalgiques de palier 2 et 3 sont mises en avant.

Définition et problématique

Les antalgiques de palier 2

Ils sont indiqués chez l’enfant dans la prise en charge médicamenteuse des douleurs d’intensité modérée à intense ou ne répondant pas à l’utilisation d’antalgiques de palier 1 (paracétamol, ibuprofène…).

La codéine est l’antalgique de référence du 2e palier. Néanmoins, des événements indésirables graves et des décès ont été rapportés après son administration chez l’enfant en post-amygdalectomie ou en cas d’obstruction des voies aériennes et de dépression respiratoire. Ces situations ont conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament, en 2013, à limiter son utilisation aux enfants à partir de 12 ans en raison de son action dépressive sur les centres respiratoires. Il existe des alternatives médicamenteuses à son utilisation dans la prise en charge de la douleur aiguë ou chronique chez l’enfant.

Les antalgiques de palier 3

La morphine est l’antalgique majeur de palier 3 en cas de douleur aiguë ou chronique. Elle est recommandée dans la prise en charge des douleurs intenses ou en cas d’échec d’antalgiques moins puissants. Elle est la molécule de choix pour ce type de douleurs chez l’enfant à partir de 6 mois.

Les pathologies aiguës

Les pathologies aiguës fortement douloureuses rencontrées en pédiatrie sont fréquemment des brûlures résistantes aux antalgiques de palier 1, des fractures très douloureuses ou encore des pharyngites sévères.

Les produits disponibles

La codéine

Il n’existe actuellement pas de produit disponible, le Codenfan 1 mg/ml sirop flacon de 200 ml ayant été supprimé.

Le tramadol

Cet antalgique de palier 2 est recommandé en alternative à la codéine chez l’enfant de plus de 3 ans pour une douleur intense d’emblée ou en cas d’échec du paracétamol et de l’ibuprofène, antalgiques de palier 1.

Présentation

Le tramadol à libération immédiate possède un délai d’action de 30 à 60 minutes et une durée d’action de 4 à 6 heures.

→ Contramal, Topalgic soluté buvable en gouttes, flacon de 10 ml ; 1 goutte = 2,5 mg.

→ Contramal, Topalgic en comprimé dosé à 50 ou 100 mg.

Les formes à libération prolongées (LP) ont un délai d’action de 2 à 4 heures et une durée d’action de 12 heures.

→ Contramal LP, Topalgic LP comprimé dosé à 100 mg, 150 mg ou 200 mg.

Posologie

Chez l’enfant à partir de 3 ans, faire prendre en gouttes 1 à 2 mg/kg/prise toutes les 6 à 8 heures et au maximum 100 mg/prise.

Chez l’enfant de plus de 12 ans, 1 prise toutes les 12 heures en comprimé LP. Pas d’administration de tramadol à action immédiate avant l’âge de 15 ans.

Précautions d’emploi

Étant donné que le métabolisme du tramadol suit la même voie que celui de la codéine, des événements indésirables graves peuvent survenir.

Effets indésirables

→ Troubles neuropsychiques : vertiges, sueurs, somnolence, rares confusions.

→ Troubles digestifs : nausées, vomissements, constipation.

→ Syndrome de sevrage à forte dose et en usage prolongé.

La morphine orale en goutte

La morphine est disponible par voie orale en gouttes à action immédiate. Elle possède un délai d’action de 30 à 60 minutes et une durée d’action de 4 heures. Les formes en comprimés LP ont un délai d’action de 2 à 4 heures et une durée d’action de 12 heures.

Présentation

→ Oramorph 20 mg/1 ml, flacon compte-gouttes de 20 ml : 1 goutte contient 1,25 mg de morphine et 8 gouttes en contiennent 10 mg par exemple.

→ Actiskenan 5, 10, 20 ou 30 mg. USkenan LP 10, 30, 60, 100 ou 200 mg en gélule.

Posologie

L’administration respecte le principe de titration*, sauf douleur liée aux soins. La posologie initiale chez l’enfant à partir de 1 an est de 0,2 mg/kg/prise 6 fois par jour (maximum 20 mg). Chez l’enfant de 6 mois à 1 an, de faibles doses doivent être proposées initialement, soit 0,1 mg/kg/prise. L’adaptation des posologies se fait ensuite selon la douleur, avec des augmentations de 50 % par 24 heures. Il existe une dose de charge de 0,4 à 0,5 mg/kg (maximum 20 mg par prise) en cas de douleur très intense.

L’usage de la morphine de la naissance à 6 mois est hors AMM.

Surveillance des effets secondaires

Les enfants doivent être surveillés par un soignant pendant une heure, en particulier après la première administration. La surveillance sera renforcée pour les enfants de moins de 1 an.

Les troubles fréquemment rencontrés sont une sédation et une somnolence. Les effets secondaires de type digestif sont des nausées et des vomissements. Une constipation est quasi constamment rencontrée. Des troubles respiratoires sont des bradypnées et, à forte dose, une dépression respiratoire avec risque de bronchospasme mortel (très rare). Une rétention urinaire est relativement fréquente. L’arrêt brutal du traitement prolongé peut entraîner un syndrome de sevrage.

Les thérapies non médicamenteuses

Des moyens non médicamenteux tels que l’information de l’enfant et de sa famille, la distraction, la relaxation, l’hypnose, etc., contribuent à la diminution de la douleur. En termes d’accompagnement, la présence des parents est un facteur essentiel du soulagement et du sentiment de sécurité.

L’hypnose

L’hypnose permet le passage de l’état ordinaire à des “états modifiés de conscience”. Cette technique permet à l’enfant de moins subir la douleur, voire d’en être soulagé. L’hypnose en elle-même est parfaitement inoffensive. C’est ce que l’on peut en faire qui peut être, soit favorable, soit défavorable à l’enfant.

La relaxation

La relaxation induit une détente et un bien-être tout en détournant l’attention de l’enfant sur sa douleur. Se relaxer diminue l’anxiété, le stress et donc la douleur. L’enfant peut apprendre à devenir autonome et à la pratiquer seul.

La distraction

Le soignant aide l’enfant à focaliser son attention sur autre chose que la douleur, ce qui diminue la perception douloureuse. Les distractions doivent être adaptées à l’âge de l’enfant, à ses envies et tenir compte de sa fatigue et de son aptitude à se concentrer. Il s’agit de manipuler des jouets, de compter avec lui des objets, de raconter une histoire ou d’improviser une aventure dont l’enfant est le héros.

* La méthode de titration vise à obtenir, par augmentation successive, la plus petite dose nécessaire pour soulager la douleur.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Nous ne parlons pas ici des médicaments de palier 1 (paracétamol, ibuprofène, aspirine et AINS). Ces antalgiques sont recommandés pour des douleurs dites “d’intensité faible” et sont indiqués dans le traitement des céphalées, des douleurs dentaires et des douleurs liées à des traumatismes tels qu’entorses, lombalgies, tendinites, etc.

Pour aller plus loin

→ L’association Sparadrap (www.sparadrap.org) fournit de la documentation illustrée aux enfants et à leurs parents pour prendre en charge au mieux la douleur. Elle organise également des formations continues pour les professionnels de santé. En février, Sparadrap a aussi présenté un poster destiné aux médecins et aux infirmières, téléchargeable sur son site (en se créant un compte gratuit), pour « prévenir la douleur provoquée par les soins chez l’enfant : quel médicament, à quel moment ? ».

→ En février 2016, la Haute Autorité de santé (HAS) a mis en ligne une fiche mémo sur les alternatives médicamenteuses à l’utilisation de la codéine dans la prise en charge de la douleur aiguë et prolongée chez l’enfant (lien : bit.ly/2BcldP1). Elle propose également un entretien avec Karine Petitprez, chef de projet au service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS (bit.ly/2zWTGnb).

→ Pascale Wanquet-Thibault, Douleurs liées aux soins, Lamarre, 2015.

→ Pascale Wanquet-Thibault, Nathalie Fournival, Moyens non pharmacologiques de prise en charge de la douleur, Lamarre, 2012.