Le maintien à domicile des patients peut être facilité par le recours à des équipements techniques. Mais ces aides sont souvent peu ou mal utilisées par les professionnels, comme l’a montré une journée organisée à l’INRS, intitulée Aide et Soins à la personne. Explications.
« Sur le plan de la formation initiale, les IFSI se concentrent sur le soin et le relationnel, souligne Laurent Dazin, responsable pédagogique du Syndicat des instituts de formation en ergothérapie de France (Sifef). Les aides-soignants partent pour leur premier stage pratique sans avoir suivi le module consacré aux aides techniques. Chez les masseurs-kinésithérapeutes, le transfert des patients est complètement banalisé. » En conséquence de quoi, de nombreux professionnels de santé ne sont pas formés à l’usage de ces équipements. Au point que Laurent Dazin estime nécessaire qu’une réingénierie des diplômes permette l’intégration du recours à ces technologies.
Car il observe qu’il est beaucoup plus aisé de former des étudiants que d’intervenir en formation continue. « Il y a alors beaucoup de résistances à lever : depuis l’indisponibilité du matériel jusqu’à la conviction que l’installation ou le déplacement du matériel est une perte de temps… », poursuit Laurent Dazin. Les soignants rechignent en effet encore trop souvent à l’usage de ces équipements, en établissement comme à domicile. « Ils arguent qu’ils n’ont pas le temps d’aller le chercher dans la chambre voisine », observe Jean-Philippe Sabathé, ergonome et responsable formation au sein du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph (Paris). Et d’ajouter : « Les soignants sont formés au soin et n’ont donc aucune croyance en la prévention. »
Pourtant, les aides techniques représentent une mesure de prévention des maladies professionnelles de type troubles musculo-squelettiques (TMS) ou accidents du travail. « Même si l’on peut observer que leur déploiement entraîne dans un premier temps une augmentation des accidents du travail ou maladies professionnelles déclarées », précise Isabelle Lambersend, référente en prévention des risques professionnels du service d’aide et de soins à domicile du Nord-Libournais (Assad). Une conséquence des formations qui accompagnement l’arrivée de ces dispositifs et sensibilisent les professionnels à déclarer leurs atteintes. « Après la première année en revanche, nous avons constaté une baisse drastique des arrêts de travail et des accidents de manutention », souligne Jean-Philippe Sabathé.
À condition bien sûr d’avoir été conçus au bénéfice de l’aidé comme de l’aidant. Une démarche que les industriels affirment suivre. « Mais attention, passer du port de charge au tirer-pousser ne supprime pas nécessairement le risque de survenue de TMS », précise Laurent Kerangueven, ergonome et expert en prévention des TMS à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). « Si on doit manœuvrer dans des espaces réduits, amorcer des mouvements de manière répétée ou réaliser des efforts importants, par exemple sur de la moquette ou pour passer une barre de seuil, le risque demeure. »
Le matériel de maintien à domicile est considéré comme dispositif médical, il doit être prescrit par un médecin, peut être remboursé par l’Assurance maladie et/ou les mutuelles et répond à des exigences de qualité. Une évaluation clinique est notamment obligatoire, en plus du travail de conception et de simulation d’utilisation qui peut être fait en laboratoire. « Le fabriquant doit mettre en œuvre des essais en vie réelle chez le patient, indique Pascale Cousin, représentante du Snitem. S’il n’existe pas de dispositif équivalent sur le marché, il doit également fournir des études précliniques. Et s’il existe déjà quelque chose (un “me too”), le produit pourra être lancé plus rapidement, mais accompagné d’études de suivi posmarketing. »
Seuls les ergothérapeutes semblent donc véritablement formés à la manipulation des aides techniques. Ceux-ci représentent de ce fait des acteurs essentiels de l’accompagnement des professionnels et sont généralement mobilisés par les organisations qui financent l’aide à domicile : conseils départementaux ou caisses de retraite, voire des employeurs. « Dans mon service, il se déplace à domicile pour former les utilisateurs au matériel dont il a recommandé l’usage, les lève-personne notamment », conclut Isabelle Lambersend.