EXERCICE PROFESSIONNEL
Votre cabinet
Le contrat forme la loi des parties et doit être exécuté de bonne foi, rappellent souvent les juristes. Il a été rendu obligatoire dans les rapports professionnels. Petit aide-mémoire avant de s’engager.
Un contrat est avant tout un accord de volontés : une ou plusieurs personnes s’obligent à faire ou ne pas faire quelque chose envers une ou plusieurs autres. Dans le monde des affaires, cet accord peut s’échanger oralement. C’est le fameux « tope là ! » des marchands de foire. Il existe toutefois plusieurs limites à cette manière de procéder : d’une part l’obligation légale de concrétiser l’engagement dans un document écrit, d’autre part, en son absence, la difficulté d’apporter la preuve de l’engagement et/ou de son étendue.
Les obligations que vous contractez à l’égard de vos collègues doivent être consignées dans un contrat écrit. L’article R 4312-73 du Code de la santé publique (CSP), tiré du Code de déontologie, précise en effet que « tout contrat ou avenant ayant pour objet l’exercice de la profession est établi par écrit. Toute association ou société à objet professionnel fait l’objet d’un contrat écrit. » La convention nationale des infirmières libérales, signée avec l’Assurance maladie, rappelle également cette exigence. Les statuts de société doivent par ailleurs faire l’objet d’un écrit qui doit être déposé auprès du registre du commerce. Dans le cadre d’une collaboration, cet écrit est exigé, sous peine de nullité de l’accord (article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005).
En cas de litige entre les contractants, la connaissance des circonstances qui ont amené à la signature du contrat va souvent aider le magistrat saisi à interpréter des clauses mal rédigées.
Doivent être mentionnés, a minima, les noms et prénoms, adresses professionnelles et personnelles. À l’heure des poursuites pour inexécution des obligations prévues, il sera indispensable de savoir où les parties pourront recevoir le courrier recommandé, voire la signification de l’huissier. Cela vous paraît évident, et pourtant, nombre de contrats types, téléchargés et remplis à la sauvette, ne les mentionnent même pas !
Elles sont reprises dans des clauses indispensables pour bien délimiter ce à quoi chaque partie s’est engagée, tant à l’égard de son cocontractant que des tiers au contrat. Elles doivent être rédigées avec un maximum de rigueur, sans ambiguïté, afin de n’être ni annulées ni interprétées par les tribunaux.
Il en sera ainsi, par exemple, des clauses :
→ de non-concurrence, qui devra non seulement être délimitée dans le temps et dans l’espace, mais aussi être justifiée par les intérêts de celui qui en bénéficie (lire aussi p. 57),
→ de celle précisant la date (ou la période) à laquelle les paiements prévus seront exécutés et les modalités de versement (chèque, virement). Ainsi, dans un contrat de remplacement, il conviendra de bien spécifier quand et comment la remplaçante sera rémunérée : à la fin de sa mission, quand l’infirmière remplacée aura elle-même perçu les fonds de l’Assurance maladie ou de tout autre organisme payeur ? Une rétrocession ou une participation aux frais de cabinet est-elle prévue ? Si oui, sous quelle forme ? Un pourcentage ? Mais sera-t-il appliqué au regard du chiffre d’affaires hors déplacements ou intégrant les indemnités kilométriques ? Un réajustement en fin d’année comptable dans le cas d’une collaboration sera-t-il envisagé ? Tous ces points, s’ils ne sont pas précisés, peuvent être sources de discordes avant de devenir bases de contentieux.
Elles doivent faire l’objet d’une rédaction claire et précise. Seront mentionnées les modalités de l’expression de la rupture (classiquement une lettre recommandée avec avis de réception à adresser au domicile des autres parties), après un temps déterminé, ou pas, d’exercice en commun, avec indication d’une durée de préavis à respecter ou encore avec obligation de préciser le ou les motifs de la rupture, ou pas.
L’article R 4312-73 du CSP précise que les contrats et leurs avenants doivent être communiqués au conseil départemental de l’Ordre dont l’infirmière relève. Ce conseil vérifie leur conformité avec les principes du Code de déontologie ainsi que « les clauses essentielles » des contrats types, établis par le Conseil national.
Le conseil départemental peut, s’il le juge utile, transmettre pour avis au Conseil national les contrats ou avenants ainsi que les statuts d’association ou de société.
Les contrats d’association ou de société ayant un objet professionnel entre une ou plusieurs infirmières d’une part, et un ou plusieurs membres de professions de santé ou toute autre personne d’autre part, doivent également être communiqués au conseil départemental de l’Ordre. Ce dernier doit les transmettre, avec son avis, au Conseil national, qui « examine si le contrat est compatible avec les lois en vigueur, avec le Code de déontologie et notamment avec l’indépendance des infirmiers ».
Les projets des contrats et/ou avenants peuvent être soumis au conseil départemental, qui doit faire connaître ses observations dans un délai d’un mois. L’infirmière doit également remettre une déclaration aux termes de laquelle elle affirme sur l’honneur qu’elle n’a passé aucun autre contrat ou avenant différent de ceux qu’elle soumet à l’examen du conseil.
Le décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016 portant Code de déontologie des infirmiers indique dans son article 2 que les contrats professionnels signés avant la date de sa publication au Journal officiel, à savoir le 27 novembre 2016, doivent être rendus conformes aux dispositions du Code de déontologie au plus tard deux ans après sa date de publication, soit le 27 novembre 2018. Ne manquez pas cette occasion d’échanger avec vos collègues sur vos contrats, voire de revoir ou de préciser vos modalités d’exercice.
De nombreux sites Internet proposent des contrats types. Le Conseil de l’Ordre a rendu les siens publics (lien : bit.ly/2hNqacq). Ils doivent être considérés comme des guides et des aides à la rédaction. Attention de renseigner correctement la trame proposée. Il n’est pas rare de voir des contrats types signés mais à moitié remplis, où apparaissent les différents choix proposés, sans qu’aucun ait été retenu, ou bien des clauses barrées, mettant ainsi à mal la cohérence même du contrat. De tels contrats ne permettent pas de savoir ce que les parties ont réellement souhaité, ce qui s’avère problématique pour trancher un litige opposant les cocontractants.
Un dernier conseil : n’hésitez pas à faire relire vos contrats par des juristes.