L'infirmière Libérale Magazine n° 342 du 01/12/2017

 

Édito

Mathieu Hautemulle  

Les professions de santé ne font pas partie des secteurs les plus touchés par la consommation de substances psychoactives, licites, illicites ou médicamenteuses, en lien avec le travail. Mais le phénomène existe. Il a été étudié chez les anesthésistes-réanimateurs(1), moins chez les IDE. Votre santé au travail est l’un de nos chevaux de bataille, nous avons donc planché. Avec deux ambitions. D’abord celle d’écouter sans juger, d’expliquer sans justifier. Puis de recenser les solutions. Mais en libéral, les ressources manquent, encore plus que dans le monde de l’entreprise. Le récent rapport de l’Académie nationale de médecine(2) insiste ainsi sur… le rôle du médecin du travail. Autre écueil : cet avis ne s’attaque pas réellement aux racines des addictions. Il s’attarde plus sur leurs effets, comme la perte de production, que sur leurs causes, entre autres la hausse de la productivité. L’une des raisons qui poussent ou plongent certains travailleurs dans l’addiction, c’est en effet la nécessité de tenir face à des cadences toujours plus frénétiques. « Le rythme du travail s’est intensifié au-delà des limites du corps et du psychisme », analyse Marie Pezé, docteur en psychologie(3), avec l’épuisement professionnel comme « rançon de la nouvelle économie de marché ». Cette responsable du réseau Souffrance et travail prend l’exemple de l’hôpital où, pour un chirurgien, le nombre de patients devient un nombre d’actes, et un motif de compétition. La politique du chiffre peut pousser au dopage.

(1) 10,9 % de ces médecins sont abuseurs ou dépendants d’au moins une substance autre que le tabac, selon une étude publiée en 2005 dans les Annales françaises d’anesthésie et de réanimation.

(2) Sur les addictions dans le monde professionnel, publié en octobre sur www.academie-medecine.fr

(3) Lors d’un colloque organisé par l’association Additra, la Fédération Addiction, l’Irema et la Mildeca, le 13/11 à Montrouge (Hauts-de-Seine).