Anticiper 2030 dès aujourd’hui - L'Infirmière Libérale Magazine n° 343 du 01/01/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 343 du 01/01/2018

 

PROSPECTIVE

Actualité

Isabel Soubelet  

Directement impactés par les changements sociétaux et l’augmentation des attentes des patients, les professionnels de santé, dont les infirmières, voient leurs métiers changer.

L’offre de santé de proximité à l’horizon 2030 a été l’un des thèmes débattus lors de la deuxième édition des Agoras organisées par l’Agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur en novembre, à Marseille (Bouches-du-Rhône). En ligne de mire : la nécessité d’anticiper et d’accompagner l’évolution des métiers des professionnels de santé de demain, dont les infirmières.

Perspective universitaire

En 2030, on estime que l’espérance de vie aura augmenté de trois ans, soit 88 ans pour les femmes et 82 ans pour les hommes. En parallèle, 30 % de la population aura plus de 60 ans. Le défi sera celui des maladies chroniques (cardiopathies, accidents vasculaires cérébraux, cancers, affections respiratoires chroniques, diabètes…), en forte augmentation. Dans le même temps, les experts tablent sur une hausse de 50 % de la prise en charge en ambulatoire, avec une réduction importante du nombre de jours en hospitalisation complète. Selon le docteur Virginie Piano, médecin algologue au centre hospitalier de la Dracénie (Var) et pilote de la coordination territoriale des aînés Var-Est, l’objectif sera de « limiter l’hospitalisation de la personne âgée, avec un transfert de l’hôpital vers la ville et une hausse des soins en ville ».

Dans ce futur dont les contours sont déjà perceptibles, le patient et le citoyen, en attente d’une offre de soins adaptée et de plus en plus personnalisée, seront connectés via des applications spécifiques de suivi sur smartphone, qui permettront par exemple de contrôler les maladies chroniques simples ou le diabète, la prise d’un médicament ajustée au mode de vie du patient, son activité physique et ses types de repas. L’ensemble de ces éléments contextuels auront (quand ce n’est pas déjà le cas) des conséquences directes sur les professions de santé.

Professions dont, à l’avenir, les modes d’exercice pourraient par ailleurs se rapprocher. « Il y a aujourd’hui un écart entre la durée des formations paramédicales et celles des médecins généralistes et des spécialistes, estime Georges Leonetti, vice-président de la région PACA, doyen de la faculté de médecine, praticien hospitalier, chef du service de médecine légale de l’AP-HM. Il existe des expérimentations en sciences cliniques infirmières depuis 2009. L’évolution de la profession infirmière vers l’universitarisation aura deux vertus. D’abord, elle va permettre de repenser et réorganiser le système de santé. Ensuite, elle va donner aux infirmières une perspective universitaire. À mon sens, le modèle médical avec, d’un côté la pratique et de l’autre l’enseignement et la recherche, doit être appliqué à la profession infirmière. Cette évolution, qui se met en place, apporte une réelle ouverture et doit aussi permettre de sortir du système hospitalo-centré dans lequel nous sommes depuis longtemps. Autre point important, l’universitarisation comporte un enjeu phénoménal à relever : celui de la transversalité. Il faut apprendre à travailler ensemble, médecins, infirmières et professionnels des sciences de la réadaptation. Avec cette évolution, nous allons assister à un continuum de soins et de la prise en charge du patient. »

Un décret très attendu

Le cadre légal des infirmières de pratiques avancées (IPA) est apparu dans la loi de modernisation de santé de 2016. Son décret d’application, très attendu, mais toujours dans les tiroirs, doit en délimiter les compétences, le statut et la rémunération. De nouvelles façons de travailler ensemble s’imposent. David Darmon, médecin, chercheur, en donne un exemple : « À la faculté de Nice, nous avons mis en place cinq ateliers de simulation avec des étudiants en soins infirmiers. Le but est de chercher à développer le niveau de compétences de chacun. Mais la première chose à casser, c’est l’idée selon laquelle, “je prescris, donc je suis le chef !” » Une approche partagée par Patrick Chamboredon, qui s’exprimait en tant que président du conseil interrégional de l’Ordre des infirmiers PACA-Corse*. L’IDE estime que « l’évolution en cours pose la question de la collaboration, du leadership et de son partage au bénéfice du patient ». Le décret sur les IPA est annoncé pour juin 2018. Pas sûr qu’à lui seul, il pourra venir à bout d’une telle (r)évolution, sans compter que les prévisions d’effectifs d’IPA, en France, sont évaluées entre 3 et 5 % de l’ensemble de la profession infirmière.

* Depuis les Agoras, il a été élu président de l’Ordre des infirmiers au niveau national.