La Direction générale de l’armement finance l’innovation en santé. Chaque année, elle apporte son soutien au développement de dispositifs médicaux, notamment dans le secteur du pansement.
La Direction générale de l’armement (DGA) investit aussi dans la santé et l’a fait savoir lors de son forum innovation, le 7 décembre, dans les locaux du campus de l’École polytechnique, à Saclay (Essonne). Cette année, quelque soixante-dix projets ont été présentés, dont onze concernaient le soin ou la prévention. Sans surprise, la DGA s’intéresse à tout ce qui peut permettre de contrer ou contenir l’impact des agents chimiques et biologiques sur l’organisme ou à limiter l’infection lors de traumatismes sur le champ de bataille : un détecteur d’agents pathogènes, un dispositif de nébulisation de bactériophages pour traiter les infections pulmonaires, une éponge à même de décontaminer et dégrader des neurotoxiques, etc. Une station de travail médicale extra-hospitalière permettant une meilleure maîtrise de l’intervention médicale d’urgence sur le terrain – expérimentée par le Smur bruxellois – a également été présentée cette année.
La DGA propose différents types de soutien à divers stades de la recherche : les contrats d’étude, le soutien direct à des organismes de recherche, le financement de thèses de doctorat, ou encore celui de laboratoires académiques… « Ce que nous finançons, ce sont des travaux qui ont un intérêt pour la défense, mais pas exclusivement, explique Christophe Renard, pharmacien biologiste au sein du Service de préparation des systèmes futurs et d’architecture de la DGA. Aujourd’hui, pour qu’une innovation soit rentable, il faut qu’elle présente des débouchés potentiels sur le marché civil. » À l’image du pansement Lacto-Tex, financé dans le cadre du dispositif Rapid (Régime d’appui à l’innovation duale), qui s’intéresse aux projets portés par des petites et moyennes entreprises.
L’histoire commence avec le travail d’Éric Chabrière, chercheur en biologie à l’université d’Aix-Marseille et réserviste au Service de santé des armées. Il identifie un jour une enzyme qui dégrade les gaz de combat, présente uniquement dans les sources d’eau chaude émanant du Vésuve, le volcan italien. « Cette enzyme est également capable de couper les axes de communication entre les bactéries, ce qui permet de stopper leur prolifération. »
Mais ni l’université ni l’armée n’apparaissent comme propices au développement de ce produit en dehors des études permettant la compréhension du mécanisme d’action. « En 2013, je décide donc de créer une entreprise, Gene& GreenTK (G&G), afin d’explorer les applications possibles de cette enzyme », poursuit Eric Chabrière. Parmi celles-ci : une peinture maritime peu toxique, un système de décontamination des armes chimiques et le dispositif médical – le pansement étant le projet le plus avancé. G&G se charge de produire l’enzyme concernée, puis s’associe à deux autres spécialistes : Texinov et Urgo. « Aujourd’hui, la technologie est au point, explique Christelle Laurensou, responsable du département Recherche amont chez Urgo. Cela n’a pas été simple, il a fallu trouver comment fixer l’enzyme sans qu’il y ait de relargage, puis l’intégrer dans un pansement stérile. Nous sommes encore dans les essais précliniques sur des animaux et in vitro. Et il faudra attendre un à quatre ans pour que cette innovation arrive sur le marché. »
Chaque année, la DGA met donc à disposition des subventions pour un montant de plusieurs centaines de milliers d’euros pour la recherche sur les pansements (lire aussi l’article sur l’innovation, p. 60 dans notre n° 339). « Jusqu’à présent, nous avions surtout financé des thèses, donc des travaux de recherche fondamentale, qui sont très loin des développements industriels », observe Olivier Gueldry, ingénieur en armement à la Direction de la stratégie de l’architecture, des sciences et technologies de la DGA. À l’exemple des travaux d’Anne-Charlotte Ponsen concernant la compresse hémostatique Hémo-Ionic en 2016. « Et souvent, lorsque nous finançons des travaux à un stade de développement précoce et qu’aucun renouvellement de subvention n’est sollicité, il nous est difficile de savoir ce que deviennent les projets. »