Un colloque du Comité pour la valorisation de l’acte officinal sur les plaies et pansements ranimela polémique sur l’intervention des pharmaciens dans les champs de compétences infirmières. Et le démenti n’a pas éteint la colère.
À peine le Comité pour la valorisation de l’acte officinal (CVAO) avait-il tenu son colloque, le 23 novembre à la Maison des Pharmaciens, à Paris, sur le rôle du pharmacien dans la prise en charge des plaies aiguës et chroniques en ville, que les syndicats infirmiers dénonçaient avec virulence cette nouvelle attaque contre leur profession.
Dans un contexte déjà très tendu par l’expérimentation de la vaccination contre la grippe par les pharmaciens (lire page suivante), l’ordre du jour de ce colloque prenait, pour la profession, des allures de provocation. « Bientôt le pharma-infirmier », ironise la Fédération nationale des infirmiers (FNI), qui propose que les Idels soient autorisées, en retour, à une dispensation partielle de médicaments.
Pour le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), la réponse est également un « non », clair et définitif, à cette nouvelle mainmise des pharmaciens sur « une compétence infirmière ». Et ce, accuse le Sniil, « pour de simples raisons mercantiles ». Le syndicat infirmier en veut pour preuve une estimation du CVAO selon laquelle « l’incidence de l’ulcération de la peau, estimée à 2 millions de cas, peut représenter potentiellement, pour une officine moyenne, un pourcentage de 6 à 13 % de son chiffre d’affaires, et cela sans compter la vente de produits résultant du conseil associé ». Une ingérence inacceptable pour le Sniil, qui rappelle, plusieurs études d’Unions régionales des professionnels de santé à l’appui, que les plaies et pansements constituent la majorité des actes réalisés par les Idels.
Sommés par les infirmières de se concentrer sur leurs compétences propres, les pharmaciens du CVAO assurent que leur intention a été mal comprise. Portés par l’avenant à leur convention signé l’été dernier, qui évoque l’expertise du pharmacien en matière de technologie du pansement et les outils opérationnels en matière de suivi, les pharmaciens du CVAO se sont penchés sur cette spécialisation, notamment en vue d’améliorer l’efficience des ulcères veineux, des escarres et des pieds du diabétique. « Notre but est d’être utiles au patient et à ses proches. Dans le cas des plaies chroniques, notre interlocutrice opérationnelle, naturelle et privilégiée, est l’infirmière. D’ailleurs, lors de toute initiation de traitement, nous recommandons de vérifier que le patient a trouvé une infirmière », se défend Jean-Michel Mrozovski, pharmacien et président du CVAO. Et d’affirmer : « Les infirmières sont bien évidemment les spécialistes des soins de la plaie. Le pharmacien peut rechercher, en synergie avec elles, des solutions sur les pansements complexes. » Il estime que cette interprofessionnalité est nécessaire et valorisante pour tous les intervenants, et utile au patient et à ses aidants.
Mais les syndicats infirmiers ne l’entendent pas de cette oreille et dénoncent une « nouvelle offensive » contre la profession, par des pharmaciens acculés aux difficultés économiques. Aussi, la FNI demande aux infirmières libérales d’engager le dialogue sur le terrain avec les pharmaciens et « de réaffirmer que les soins requièrent des compétences qui sont au cœur de la profession infirmière ». Le Sniil rappelle lui aussi que « le traitement des plaies et la cicatrisation font l’objet d’un enseignement spécifique dispensé en IFSI, et même d’un diplôme d’université en faculté de médecine (accessible aux infirmières) ». De plus, insiste le syndicat, « la prise en charge des patients, dans ce domaine, ne dépend pas seulement des connaissances théoriques, ni de la très bonne maîtrise technique des produits. [Elle résulte] aussi de la connaissance des habitudes de vie, de l’observation clinique et du savoir-faire infirmiers ».
Le Sniil en veut pour preuve le droit de prescription de dispositifs médicaux (dont les pansements font partie) qu’ont obtenu les infirmières (et auquel notre magazine consacre chaque année un hors-série spécial). Le syndicat s’empare d’ailleurs de l’occasion pour proposer la création d’une consultation infirmière rémunérée de premier recours en matière de plaies et de cicatrisation. Une manière de clore le débat. Et de botter en touche l’initiative officinale.