Les Assises nationales de la qualité de l’environnement sonore ont réuni, fin novembre à Paris, le « peuple du bruit », comme le nomme Dominique Bidou, président du Centre d’information sur le bruit (CIDB). Professionnels de l’éducation, de la santé, pouvoirs publics, associations, « producteurs de bruits » et fervents défenseurs de sa réduction ont fait entendre leur voix. Pas toujours dans le même tempo, mais avec une réelle volonté d’améliorer la prise en compte du bruit dans le quotidien de chaque citoyen, ainsi que dans son parcours de santé.
Alerte de l’OMS
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)(1), 360 millions de personnes, dans le monde, souffrent de déficience auditive incapacitante. En France, on estime que plus de 6 millions de personnes (une sur dix) sont concernées. La limitation fonctionnelle auditive est ainsi le handicap le plus répandu sur le territoire. Parmi les Français malentendants, seulement 15 % portent des aides auditives, contre 27 % au Royaume-Uni, 35 % aux États-Unis et près de 50 % au Danemark. En 2015, l’OMS a estimé qu’1,1 milliard de jeunes (de 12 à 35 ans) risquaient une déficience auditive par exposition au bruit dans un cadre récréatif, et s’est inquiétée fortement du risque que représentent les pratiques d’écoute de la musique. Elle estime ainsi que 40 % des jeunes sont exposés à des niveaux sonores nocifs dans les lieux de musique amplifiée, et que 50 % s’exposent à des niveaux sonores dangereux par l’usage de dispositifs audio individuels (MP3). Par ailleurs, elle a évalué à 1 million le nombre d’années de vie en bonne santé perdu chaque année à cause du bruit, en Europe. De quoi pousser à l’action. C’est le chemin suivi par la France, qui a inscrit le principe de prévention des risques liés au bruit dans la loi de santé du 21 janvier 2016, ainsi que plusieurs actions dans le Plan national santé environnement (PNSE3), qui couvre la période 2015-2019(2).
La France « très en retard »
« Aujourd’hui, le premier dépistage obligatoire a lieu à la naissance, et le second à l’entrée au cours préparatoire, vers l’âge de 6 ans, précise le professeur Hung Thai Van, chef du service d’audiologie et d’explorations otoneurologiques à l’hôpital Édouard-Herriot, à Lyon. Mais ce dépistage auditif à la naissance ne date que de 2012, nous sommes très en retard, en France ! Or un enfant sur 500 naît avec une surdité, quel que soit son niveau, et ce taux est de 1 pour 1 000 pour une surdité profonde. » Il faut rappeler que les problèmes d’audition ont notamment des incidences en termes de stress, de sommeil, de fatigue, de retards dans l’apprentissage et de troubles de la concentration… Ainsi, Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l’action sociale et de la sécurité à la Direction générale de l’enseignement scolaire (ministère de l’Éducation nationale), rappelle que « l’école n’est pas un lieu de soin, mais que la prévention est bien au cœur du parcours éducatif de santé depuis 2013(3). Une visite de dépistage, effectuée par l’infirmière scolaire, se déroule lors de la douzième année de l’enfant. La prévention implique une approche transversale, elle est l’affaire de tous : chef d’établissement, enseignants, infirmière, conseiller principal d’éducation…C’est un travail collaboratif et intercatégoriel ». Une analyse confirmée par Sophie Martinat, infirmière scolaire pendant quinze ans, aujourd’hui infirmière conseillère technique départementale à la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale de l’Indre. « Les infirmières sont en première ligne dans le dépistage, souligne-t-elle. Nous effectuons un dépistage vocal pour évaluer la compréhension, et un dépistage tonal concernant la réception du son. Cette étape fournit une information importante quant à l’acquisition du langage oral et les apprentissages scolaires, car une personne qui n’entend pas va s’exclure d’elle-même. Dans le département, en l’absence de médecin scolaire, nous travaillons en direct avec les médecins libéraux. Il est nécessaire de développer un regard attentif sur les problèmes auditifs. » Si le dépistage est une première étape essentielle, il n’est pas tout. Un suivi doit perdurer tout au long de la vie professionnelle, via la médecine du travail notamment, car plus de 50 % des personnes en activité pensent que le bruit n’a pas d’incidence sur leur santé.
(1) OMS, Aide-mémoire “Surdité et déficience auditive”, février 2017 (lien : bit.ly/1cRsoII).
(2) Ministère des Solidarités et de la Santé, Plan national santé environnement (PNSE3) 2015-2019, 2017 (lien : bit.ly/2B4d67C).
(3) Éduscol, parcours éducatif de santé, 2016 (lien : bit.ly/2CmhKOB).