UN JOUR À LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE
Dossier
Le temps d’une journée, nous avons assisté à quatre audiences de l’instance disciplinaire nationale de l’Ordre des infirmiers, qui se prononce en appel sur les conflits entre IDE, entre IDE et patients, entre IDE et d’autres professionnels. Drames humains, tensions, menaces… : voyage exceptionnel dans la face obscure du monde infirmier.
Rue du Faubourg-Saint-Martin, à Paris, trois lettres sur l’interphone discret d’un immeuble banal, dans ce quartier à l’ombre de la gare de l’Est. C’est ici, répartis sur deux étages de bureaux peints en blanc et plutôt chichement meublés, que sont installés le conseil départemental de l’Ordre infirmier de Paris et le Conseil national de l’Ordre infirmier. La salle d’audience de la chambre disciplinaire nationale se trouve au premier étage et, pour y accéder, le visiteur doit passer trois portes fermées par des digicodes. C’est une pièce de taille moyenne, avec quelques tables sur roulettes du côté où s’assoient les membres de la chambre, et, en face, une dizaine de chaises en plastique blanc pour les infirmiers convoqués. La juridiction est présidée par Yves Doutriaux, membre du Conseil d’État. Il est assisté de cinq assesseurs. Tous sont infirmiers et élus à l’Ordre, mais leur exercice diffère. En ce jour de juin 2017, sont présents une Idel, Myriam Petit, une infirmière retraitée, deux salariés du privé et une du public. Une demi-heure avant la première convocation, les assesseurs arrivent dans la salle et se saluent pendant qu’à l’extérieur les protagonistes de la première affaire sont déjà là. Les séances étant publiques, la porte de la salle de jugement reste ouverte, et le bruit des photocopies couvre parfois les voix des assesseurs, idem pour la climatisation poussive au fond de la salle. On éteint le refroidisseur d’air et on tend l’oreille.
La première affaire oppose deux Idels, Nicole et Nathalie. La première entre dans la salle accompagnée de son avocat ; la seconde est absente, seul son avocat la représente. Nicole a un cabinet infirmier depuis plus de vingt ans et a recruté Nathalie pour un remplacement. Satisfaite de cette collaboration, elle lui propose une association. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où les patients commencent à se plaindre auprès de Nicole. Nathalie « va trop vite » et « travaille moins bien [qu’elle] ». Sentant que le travail en commun va être difficile, Nicole envoie un courrier à Nathalie en lui enjoignant soit d’améliorer la qualité de ses soins, soit de lui revendre son tiers de clientèle, voire, en dernier recours, de se séparer en laissant aux patients le choix de garder l’une ou l’autre. Nathalie ne tarde pas à riposter et reproche alors à Nicole son manque de sérieux dans les cotations, le fait qu’elle a continué à tout régenter comme si elle était seule à bord et son utilisation du cabinet à des fins personnelles.
Des conciliations au conseil départemental de l’Ordre sont organisées, sans résultat, d’autant plus que Nathalie ne s’y présente pas. La tension monte d’un cran entre les deux Idels. Nathalie refuse de parler au téléphone avec son ancienne collègue, bloquant systématiquement tous ses appels, et finit par dénoncer à la caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) ce qui lui semble être des erreurs de cotation de Nicole. Un contrôle a lieu sur l’activité… des deux Idels. Au final, Nathalie est condamnée à verser 55 000 euros à l’Assurance maladie. Nicole, de son côté, reconnaît qu’elle a aussi été condamnée à des indus, mais refuse d’en indiquer le montant de peur que Nathalie utilise cet argument contre elle en la faisant passer pour une mauvaise professionnelle.
Finalement, elles décident de se séparer. Après une nouvelle conciliation auprès de l’Ordre, les deux Idels choisissent de demander aux patients s’ils souhaitent continuer avec Nathalie, Nicole, ou tout simplement changer de cabinet. Sur les vingt-huit patients interrogés, vingt-cinq choisissent Nicole et seulement trois, Nathalie. Cette dernière accuse alors Nicole de les avoir influencés et de détourner sa patientèle, surtout que, sans patient, ses revenus chutent de façon vertigineuse « à moins de 600 euros par mois ». Dans le même temps, une plainte manuscrite et dactylographiée, signée par une dizaine de patients accusant Nicole de mauvais traitements, apparaît. Nicole et Nathalie finissent par porter plainte l’une contre l’autre devant l’Ordre. L’instance, au niveau régional, condamne Nicole à un avertissement sanctionnant l’utilisation du cabinet à des fins personnelles (elle y avait effectivement entreposé des affaires). Nathalie, contre laquelle Nicole a porté plainte pour absence de bonne confraternité, détournement de patientèle et non-respect des valeurs professionnelles, est, elle, condamnée à un mois d’interdiction d’exercer, dont quinze jours avec sursis. C’est ce jugement que Nathalie conteste en appel devant la chambre disciplinaire nationale.
Le rapporteur, assesseur chargé de présenter l’affaire, lit le résumé des faits, puis les avocats des deux Idels prennent la parole. Pendant les plaidoiries, les membres de la chambre interviennent peu. Seule Myriam Petit interroge : « Mais qui signait les feuilles de soins ?
- C’est elle !
- Non, c’est elle ! », s’échangent vivement les deux avocats. L’assesseure Idel rappelle que, quelles que soient les circonstances et la manière de faire des collègues, une professionnelle est toujours responsable de ses cotations. Le président lève la séance et annonce que la décision sera rendue dans quinze jours (lire l’encadré p. 31). Le groupe sort. La salle reprend son calme quelques secondes avant que quatre personnes entrent dans la pièce.
Ce nouveau cas oppose M. Thomas à Emmanuel, Idel. Ce dernier s’est occupé de Mme Thomas, atteinte d’un handicap physique et neuropsychologique, pendant des années. Les faits qui lui sont reprochés ? Un jour, M. Thomas a surpris sa femme en train de faire une fellation à l’infirmier. Il a porté plainte auprès de l’Ordre, qui, au niveau régional, a condamné Emmanuel à trois ans d’interdiction d’exercice, dont un avec sursis. L’Idel fait aujourd’hui appel de cette décision.
Après le résumé de la situation, un assesseur questionne Emmanuel : « Quand avez-vous senti que vous deveniez proche de la patiente » La voix cassée, il répond : « Je ne sais pas, c’est une complicité de tous les jours… » Il passe les mains sur son visage. L’assesseur reprend : « Tout professionnel a obligation de prévenir les proches quand il sent une mise en danger dans ses soins ! Avez-vous dit à M. Thomas : “C’est fini, je ne peux plus soigner votre femme” ? » Emmanuel baisse la tête et souffle : « Non… » C’est l’avocate de la défense qui s’exprime en premier : pour elle, la plainte doit être annulée, car M. Thomas n’a pas le droit de porter plainte pour sa femme. Elle explique que Mme Thomas, même diminuée physiquement, reste une femme en pleine possession de ses droits, y compris sexuels, d’ailleurs elle n’est pas sous protection de justice. Or ce n’est pas elle qui porte plainte, mais le mari, qui, selon l’avocate, n’a aucune légitimité pour le faire. Il s’agit d’un coup de cœur entre Emmanuel et sa patiente, l’acte qu’il reconnaît est regrettable mais humain, et le fait que Mme Thomas ne porte pas plainte prouve qu’elle était parfaitement consciente de ce qu’elle faisait. Une condamnation pour un acte isolé et exceptionnel est donc largement disproportionnée.
L’avocat de M. Thomas rappelle que le rôle d’un soignant est de protéger le patient et sa famille. M. Thomas est l’aidant de sa femme. La présence des infirmiers et la confiance qu’il leur portait lui permettaient de sortir un peu de la maison et de souffler pendant les soins. L’avocat dit ne pas comprendre la technique de la partie adverse puisqu’il s’agit simplement d’évaluer des faits qui ne sont même pas contestés. Il précise, pour conclure, que son client a été très étonné de voir, à peine trente minutes après les faits, la femme d’Emmanuel débarquer à son domicile pour lui parler. Une réaction aussi rapide l’amène à se demander si ce genre de comportement n’est pas une habitude chez l’infirmier. Mais l’avocate d’Emmanuel s’insurge : « Pas du tout ! Vous veniez de le menacer de les détruire, lui et sa famille. C’est son rôle de femme, de mère, de protéger sa famille ! »
Emmanuel et M. Thomas ne disent presque rien pendant les plaidoiries. Ils ne se regardent pas, restent fixes, crispés, chacun assis à l’opposé de la première rangée de sièges. Une fois les plaidoiries terminées, le président demande si quelqu’un a quelque chose à ajouter. La séance est levée, les quatre protagonistes s’en vont, emportant avec eux la tension nerveuse de la pièce.
Il est presque midi lorsque le jury s’isole pour délibérer sur les deux cas du matin. Au bout d’une heure à huis clos, ses membres rouvrent la porte de la salle d’audience. On déplace un peu les tables, et un rapide déjeuner s’improvise avec des sandwichs et de petites salades de carottes râpées livrés le matin. On échange des propos sur les grandes batailles des infirmières ou l’état de la profession. Mais à peine le repas avalé, il est déjà 14 heures, et les audiences reprennent.
La première affaire de l’après-midi concerne Madeleine, une infirmière d’une petite cinquantaine d’années. Un problème de train a retenu en province son avocat, mais aussi la partie adverse, le représentant et l’avocat de la CPAM. Madeleine est donc toute seule face aux six membres de la chambre, au premier rang de cette pièce quasi vide.
Un assesseur rappelle les faits : Madeleine a été condamnée à payer 45 000 euros à la CPAM, assortis de six mois d’interdiction d’exercice, pour des faits d’escroquerie sur des cotations et des contrats remontant à la période 2008 à 2010. Elle comparaît aujourd’hui car, après avoir payé sa dette à la CPAM, elle fait appel de l’interdiction d’exercice. Le président lui demande si elle souhaite s’exprimer. Madeleine prend une grande respiration et commence d’une voix faible : « Tout d’abord, je tiens à dire que je reconnais mes erreurs, je n’avais pas fait de formation sur la cotation, je n’en voyais pas l’utilité. Les contrôleurs de la Sécu venaient tous les ans sans jamais rien me dire, donc je pensais être dans mon droit. J’ai voulu faire au plus simple… Mais ça m’a emmenée bien loin ! Je tiens juste à dire que la CPAM me demandait au départ 90 000 euros et que j’ai finalement été condamnée à payer 45 000 euros… »
Une des assesseures cherche à comprendre : « Vous avez été cadre dans une clinique avant de faire du libéral, donc vous savez bien ce qu’est une convention, un contrat, une cotation…
- Oui, bien sûr, mais personne ne me disait jamais rien… Alors je pensais bien faire…
- Pourquoi ne pas avoir suivi de formation ?
- Parce que je n’en ressentais pas le besoin, j’ai préféré me former à la sophrologie, qui est plus dans l’éthique de mes soins… »
Le président reprend la parole : « Et depuis la condamnation, vous avez entrepris une formation » Madeleine hoche la tête plusieurs fois : « Ah oui, deux même !
- Et vous avez signé des contrats ?
- Oui, je suis titulaire, et j’ai un collaborateur, avec lequel j’ai signé un contrat bien sûr ! Vous savez, après le contrôle, les gendarmes qui sont venus me chercher et tout ça, j’ai fait un burn-out. Je suis restée neuf mois sans pouvoir travailler, ça a été très dur… Là, je sors juste la tête de l’eau, je me suis installée dans une autre région… Six mois d’interdiction c’est très dur… » Un silence se fait. Le président la rassure : « Bien sûr, mais l’élément important, c’est que vous avez fait une formation aujourd’hui… » Madeleine relève la tête un instant et s’essuie les yeux. « Vous savez, je suis seule à travailler et j’ai deux enfants, c’est vraiment difficile… » Un nouveau silence, et le président lève la séance.
Sans attendre, deux hommes et une femme prennent place dans la salle. L’homme, grand, musclé, les cheveux courts, semble particulièrement tendu et ne desserre pas les mâchoires. De l’autre côté de la salle, l’avocat et sa cliente, une femme d’une petite quarantaine d’années en robe fleurie. Comme de coutume, un assesseur lit le résumé des faits. L’homme est André, un Idel qui travaillait avec une associée, Odile, absente ce jour-là à l’audience. André a employé Sophia, la jeune femme ici présente, ponctuellement, puis pour le remplacement d’Odile lors de son congé maternité. Mais le remplacement se passe mal, et André se sépare de Sophia… qui décide de monter un cabinet à 200 mètres de chez lui. Au retour de son congé maternité, Odile quitte André à son tour pour rejoindre Sophia dans le nouveau cabinet. Mais au bout de quelques mois, cette nouvelle association fait long feu, et Odile part à son tour monter son propre cabinet, 200 mètres plus loin… « Bref, j’étais seul [dans ce territoire], et maintenant on a trois cabinets ! », résume nerveusement André.
Il porte alors plainte contre Sophia pour détournement de clientèle et installation abusive. La plainte est d’abord déclarée non recevable par le conseil régional de l’Ordre, puis classée sans suite, car Sophia n’est pas inscrite à l’Ordre à la date des faits. André fait donc appel devant la chambre nationale. Il demande en outre 21 000 euros de dommages et intérêts. L’assesseure Idel demande :
« Sophia, aviez-vous un contrat lorsque vous remplaciez André ? - Mais non, pas du tout ! Je travaillais la nuit dans une clinique en attendant d’avoir une situation. Lui, il ne voulait pas me le faire signer. Odile m’assurait qu’elle était d’accord, mais qu’André, lui, ne voulait pas… » André intervient : « Elle a eu un contrat pour le remplacement de congé maternité… mais ce contrat à disparu ! » La chambre interpelle de nouveau Sophia : « Mais alors, sans contrat, comment vous payait-il » Avec un fort accent du sud, celle-ci laisse alors échapper : « Au black ! Je le retrouvais à la fin de la tournée sur un parking et il me donnait des rouleaux de billets sans même descendre de sa voiture ! Ah non, mais j’en avais marre moi, entre lui qui était tout le temps à l’étranger et Odile qui n’était jamais là, j’étais toujours toute seule pour faire tourner le cabinet. » André intervient à nouveau : « Odile était en congé maternité… » Le président : « Bon, et ce contrat, où est-il aujourd’hui » André : « Il y a eu un contrat entre Odile et Sophia pour le congé maternité, mais il était dans mon cabinet qui a été fracturé après mon dépôt de plainte… Il fait sans doute partie des papiers qui ont disparu. » Le président donne la parole à l’avocat de Sophia qui dit ne pas bien comprendre la demande d’André… qui était, selon elle, largement fautif en ne signant aucun contrat. L’Idel s’agite franchement sur sa chaise. Le président se tourne vers lui et lui demande de résumer précisément le cas. Tout en agitant un peu les bras, André reprend : « En fait, elle n’a travaillé que quelques jours pour nous sans contrat. Après, elle est partie avec ma collègue et mon avocat ! Elle n’avait pas à s’installer sur mon secteur, elle n’a pas le droit de mettre ses œufs dans mon nid ! »
Le président lui demande combien cela lui a coûté. André hausse les épaules : « Je ne sais pas exactement… J’ai demandé 215 euros par jour, mais c’est surtout parce que je défends la profession. En plus, après, elle a viré Odile avec l’aide de mon ancien avocat ! Et il est encore là ! » L’avocat d’Odile s’agite à son tour et demande la parole. « Monsieur le président, j’ai été mis en cause, alors je dois m’expliquer ! André a été mon client lors de son différend avec Odile. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Sophia, qui a apprécié mon travail, c’est tout ! André ne l’a pas supporté et, depuis, il fait tout pour me discréditer. Il est même venu à mon cabinet, sans rendez-vous, pour me traiter de “pourriture” et me dire que je ne finirais pas l’année ! Mes deux secrétaires peuvent en témoigner, en trente ans de carrière, je n’ai jamais vu ça ! Pour résumer ce cas : le dossier est vide ! Les patients qui le souhaitaient sont restés avec André, donc il n’y a rien dans ce dossier, c’est le vide abyssal ! La plainte d’André n’est pas recevable. »
Le président laisse un petit silence passer, puis il annonce que la séance est levée. André ne l’entend pas de cette oreille. Clairement excédé, il veut continuer à débattre et revient sur un détail du dossier, attaquant son ancien avocat à propos d’une autre affaire qui n’a jamais été jugée. L’avocat lui répond, le ton monte franchement. Le président les fixe un instant du regard puis leur rappelle, poliment mais fermement, que la séance est levée. La petite troupe finit par quitter la salle.
Les membres de la chambre ferment les portes de la salle pour délibérer une quarantaine de minutes sur les deux dossiers examinés cet après-midi. À leur sortie, ils se disent « à la prochaine fois ! » avant de s’éparpiller en courant dans la rue du Faubourg-Saint-Martin, juste au moment où un gros orage éclate sur la ville, rafraîchissant enfin la chaleur écrasante de la journée.
Dans un souci d’anonymat, tous les prénoms, noms et localisations ont été modifiés.
1 Cette journée d’audience à laquelle nous avons assisté pour réaliser ce dossier était-elle ordinaire ? Oui, hormis [le dossier à connotation] sexuelle.
2 Comment siège-t-on dans la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre infirmier ? Il faut être élu à l’Ordre, puis postuler pour se faire élire au Conseil national, et on devient assesseur. C’est ouvert à tout le monde. Tous les assesseurs sont infirmiers, alors que le juge est un professionnel du droit issu du Conseil d’État. Lui va savoir trancher les questions strictement juridiques. Mais il a besoin de notre expertise infirmière pour bien comprendre les situations. Nous avons tous des exercices différents (privé, public, libéral), c’est une richesse de plus, nous donnons donc un avis collégial.
3 Qui sont les personnes que vous recevez ? La chambre disciplinaire est un recours. Nous recevons 80 % du temps des infirmières pour des conflits entre consœurs. Mais l’Ordre commence à être connu, donc des patients ou des médecins nous saisissent.
4 Quel conseil donneriez-vous aux infirmières ? Qu’elles sachent bien que l’Ordre est d’abord là pour les aider, les entendre et les orienter. Toutes les plaintes n’arrivent évidemment pas jusqu’à la chambre nationale, il y a plusieurs étapes avant et, chaque fois, nous essayons de concilier les parties parce que c’est cela, le rôle fondamental de l’Ordre. Le seul vrai conseil que l’on peut donner, c’est de toujours respecter le droit et les règles, la nomenclature et, bien sûr, les contrats. Au final, contrairement à ce qu’on croit, cela n’est pas si compliqué de respecter les règles !
Avant la création de l’Ordre infirmier (loi du 21 décembre 2006), les litiges professionnels et déontologiques des IDE étaient examinés devant l’Ordre des médecins. Depuis 2008 et la mise en place des chambres disciplinaires (de première instance au niveau régional et d’appel au niveau national, décret du 13 avril 2007), les IDE sont jugés par leurs pairs au niveau disciplinaire. Ces juridictions de l’ordre administratif, intervenant après une possible conciliation au niveau départemental et avant un éventuel ultime appel en Conseil d’état, peuvent prononcer un avertissement, un blâme, une interdiction d’exercice temporaire ou permanente, une radiation du tableau de l’Ordre. En juin 2017, à la date de notre reportage, les chambres disciplinaires de première instance avaient jugé 538 affaires, dont 98 étaient encore en cours et la chambre disciplinaire nationale 120 affaires, dont 65 alors en cours. Toujours selon des statistiques de son président, le conseiller d’état Yves Doutriaux, la chambre disciplinaire nationale a rejeté la requête 65 fois, prononcé 21 interdictions d’exercer, 12 avertissements, 10 relaxes, 8 désistements (abandons des poursuites par une partie), 7 ordonnances d’incompétence, 4 blâmes… Aucune radiation n’a été prononcée.
Quinze jours après l’audition, l’Ordre a rendu publiques ses décisions.
→ Dans la première affaire, sans nouvel événement probant, la condamnation de Nathalie est confirmée. Elle est interdite d’exercice pendant un mois, dont quinze jours avec sursis. En appel, elle est aussi condamnée à verser à Nicole 1 000 euros de dédommagements pour frais de justice.
→ Dans la deuxième affaire, la chambre disciplinaire nationale rappelle que les faits se sont passés au domicile conjugal des époux Thomas, et qu’ainsi M. Thomas a un intérêt personnel à agir. D’autre part, elle estime qu’Emmanuel n’a pas respecté la dignité et l’intimité du couple, en opposition avec les règles de déontologie de sa profession. Elle confirme donc intégralement le jugement de première instance et la condamnation d’Emmanuel à trois ans d’interdiction d’exercer, dont un avec sursis.
→ Dans la troisième affaire, la chambre estime que « les sanctions contre Madeleine sont justifiées, mais qu’il en sera fait une juste appréciation compte tenu de la circonstance qu’elle a pris conscience de la gravité des faits reprochés et qu’elle a déclaré à l’audience avoir changé de comportement ». Peine prononcée : une interdiction temporaire d’exercer de six mois, mais avec un sursis de six mois (contre une interdiction de six mois, dont “seulement” trois mois avec sursis, en première instance).
→ Dans la quatrième affaire, la chambre dénonce la décision de première instance, car les faits ont bien été postérieurs à l’inscription de Sophia à l’Ordre. De même, elle reconnaît que le comportement de Sophia semble ne pas respecter les règles de confraternité et devrait être sanctionné, cependant, elle note aussi qu’André n’apporte aucune preuve concrète. Simple avertissement contre Sophia et rejet des conclusions d’André.