Son histoire a fait les gros titres d’un quotidien local, avant d’être reprise par la presse nationale. Depuis le mois de novembre, cet homme de 67 ans, habitant Perpignan, est à la recherche d’une infirmière libérale. Mais les Idels ne peuvent « porter seules la responsabilité de ce dysfonctionnement », rétorque une syndicaliste.
« Mon père s’est fait opérer en 2003. À la suite de l’opération, il a attrapé un staphylocoque doré, raconte la fille du patient. S’en suivent plus de 17 opérations (broches, vis, rotule enlevée). » Le patient reste plus d’un an à l’hôpital, avant d’être admis en hospitalisation à domicile (HAD) à Brest (Finistère). Après avoir déménagé vers Toulouse (Haute-Garonne), il est suivi à l’hôpital, puis par des Idels « qui passaient trois fois par jour, même débordées », rapporte sa fille. Il déménage de nouveau, à Perpignan (Pyrénées-Orientales), et se fait poser, en 2017, un pacemaker. « Depuis novembre, il a besoin d’une infirmière à domicile, indique sa fille, citant, selon ses termes, l’aide à la toilette, la préparation et l’administration des médicaments, le suivi cardiaque, la prise des constantes. Nous avons téléphoné à plus d’une quarantaine d’Idels, mais aucune n’a voulu le prendre en charge. »
Début janvier, l’état du patient s’aggrave, il se met à tousser et sa famille s’en inquiète. Son médecin le fait hospitaliser, il est gardé quarante-huit heures et renvoyé chez lui. « Mon père ne voulait pas sortir, notamment parce que nous savions que nous n’aurions aucune infirmière mais on nous a certifié qu’une solution allait être trouvée », poursuit sa fille, précisant que, finalement, il n’a toujours pas de place en HAD, ni d’Idel. Sa famille prend alors le relais : « Nous lui posons les aérosols, surveillons sa tension et sa saturation, et ma mère ne dort plus car elle passe son temps à le surveiller, déplore-t-elle. Nous avons décidé d’alerter la presse locale pour faire réagir. Nous sommes épuisés, ce n’est pas notre rôle ! Mon père a plus de dix médicaments par jour à prendre. Que se passera-t-il si l’on se trompe ? » Depuis, l’homme a de nouveau été hospitalisé en cardiologie.
D’après la fille du patient, les Idels se justifient en expliquant « être débordées, ne pas être du secteur, ne pas être intéressées ou ne pas pouvoir le prendre en charge car son cas est trop lourd ». La présence d’un chien, qui s’est avérée problématique pour une infirmière à l’ancien domicile du patient, pourrait-elle aussi expliquer la situation ? La fille du patient estime que cette hypothèse ne peut être retenue car son père n’a jamais précisé avoir un chien aux Idels contactées, et a déménagé depuis cet incident.
Pour la présidente de la Fédération national des infirmiers (FNI) des Pyrénées-Orientales, Christine Soulé-Gazeu, impossible, en tout cas, de ne pas réagir à l’article de presse. L’image donnée des Idels dans l’article passe mal. « J’ai eu l’impression qu’on sous-entendait que les Idels choisissent leurs patients en fonction de ce qu’ils rapportent, regrette-t-elle. Il en a découlé un sérieux doute sur l’éthique des Idels et on ne peut pas laisser penser cela. » La présidente de la FNI 66 s’enquiert de la situation et recueille plusieurs versions. Elle se questionne sur l’organisation du parcours de ce patient resté sans soin après hospitalisation. Pour tous les patients, quelle que soit la pathologie, « la sortie d’hospitalisation n’est envisageable qu’après coordination avec les professionnels de santé de ville afin d’assurer une prise en charge adaptée et d’éviter toute rupture dans le parcours de soin », rappelle la FNI 66 dans un communiqué. Si la pathologie s’avère trop lourde et le maintien à domicile difficile, la personne doit être dirigée vers un établissement de soins de suite. « Cette démarche a-t-elle été engagée ou même envisagée, s’interroge la représentante. Pourquoi le patient n’a-t-il pas été admis en soins de suite ou en HAD ? Sur notre territoire, nous avons aussi une MAIA [méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie]. Les Idels arrivent en bout de course : nous ne pouvons pas porter seules la responsabilité de ce dysfonctionnement. »
Le département des Pyrénées-Orientales est le troisième de France le mieux doté en Idels avec 1 300 titulaires et 400 remplaçants. Christine Soulé-Gazeu précise que de nombreuses Idels recherchent des soins sur le territoire mais il est difficile de mettre en lien l’offre et la demande. Une plateforme numérique pour faciliter la prise en charge des patients en sortie d’hospitalisation, inzee.care, a été déployée par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS)-Infirmiers Occitanie et devrait régler en partie le problème.