L'infirmière Libérale Magazine n° 344 du 01/02/2018

 

DÉSERT PARAMÉDICAL

L’exercice au quotidien

Jean-Michel Delage*   Emmanuel Kerner**  

Infirmière au centre hospitalo-universitaire de Dijon, Sophie Simula a des doutes sur son avenir. Jusqu’à une petite annonce postée sur Facebook…

Après mes études à l’école de la Croix-Rouge de Quetigny, près de Dijon (Côte-d’Or), j’ai débuté au centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, en gériatrie, où je suis restée un an et demi. Les conditions de travail ne me convenaient pas. Je suis partie en pédiatrie, où j’ai passé quatre ans et demi. Puis j’en ai eu assez du CHU ! J’ai pensé à quitter le domaine de la santé… quand est arrivée une annonce sur Facebook. Les habitants de l’île d’Aix, au large de la Charente-Maritime, recherchaient une Idel. J’ai contacté la personne à l’origine de l’appel, et je suis venue passer quelques jours en juin 2017. La mairie m’a fait savoir qu’on m’aiderait à m’installer. Il y avait bien une consœur avant moi, mais elle n’est restée que trois mois. Du coup, les habitants devaient aller faire leurs soins sur le continent. Arrivée en septembre, je loue chez l’habitant en attendant qu’un logement mis à ma disposition soit prêt. Ce n’est pas évident ! Mais j’ai du temps pour la dizaine de patients que je vois chaque jour. Ils sont heureux d’avoir enfin une infirmière qui les suit au quotidien. En revanche, sur l’île, je suis une étrangère ! Quelques échos me reviennent… notamment parce que j’effectue ma tournée en voiture alors que la plupart des gens se déplacent à pieds ou à vélo. Ma tournée fait 15 km et je la fais trois fois par jour. Pour les livraisons de médicaments, je faxe la commande à la pharmacie du continent et on me livre par le dernier bateau du soir. Pour les analyses des patients, les prélèvements sont confiés au capitaine du bateau, et un coursier les récupère de l’autre côté, à Fouras. Je savais que ce ne serait pas simple ici. Je vais me démener pour m’en sortir et rester. Le médecin de l’île me soutient pour obtenir de l’Agence régionale de santé une prime d’astreinte en période hivernale. Je me suis engagée dans une démarche pour devenir infirmière-pompier et j’aimerais aussi travailler avec l’association des sauveteurs en mer. J’attends la saison estivale, quand l’île passera de 150 habitants à 1 000 personnes par jour ! D’ici là, les habitants de l’Île d’Aix ont besoin d’une infirmière. »

Stéphanie Peronne, auxiliaire de vie et habitante de l’île d’AIx,à l’origine de l’appel sur Facebook pour trouver une Idel

« Insulaire “pur jus”, je suis très attachée à mon île. Notre médecin va bientôt partir à la retraite, et nous avons peur de nous retrouver isolés du monde. Ici, quand on est sérieusement malade, c’est l’hélicoptère. La population est vieillissante : près de 30 % des habitants ont plus de 80 ans. Contre ce désert médical, j’ai d’abord lancé une pétition : 160 personnes ont répondu sur une population d’environ 200 âmes. Et puis j’ai mis ce post sur Facebook, pour trouver une infirmière libérale : 1 300 partages jusqu’à la réponse de Sophie. Son arrivée est une première victoire, et nous allons nous battre pour qu’elle reste. Nous essayons de frapper à toutes les portes pour obtenir des subventions ou des aides. Une infirmière à Aix, c’est un réel besoin. Notre prochain combat : la création d’une maison médicale sur l’île… »