JUSTICE
Actualité
JUSTICE
Le 13 février, un patient a été condamné à des dommages et intérêts après avoir agressé une infirmière, en Picardie, en juin 2016. Avec plus de 2,45 grammes d’alcool par litre de sang, il avait menacé d’un sabre cette mère de famille de sept enfants pendant plus d’une heure. Elle témoigne.
« Je voyais ce patient pour des anticoagulants. Un soir, ma collègue l’a trouvé tendu. Dans la nuit, il a bu et s’est injecté 14 anticoagulants d’un coup. Le lendemain matin, sa femme m’a expliqué la situation. Je suis monté dans sa chambre, pensant qu’il aurait besoin d’une intervention du Samu. Étrangement, je l’ai trouvé très calme, allongé sur son lit, en train de regarder une vidéo. J’ai commencé à parler avec lui mais il m’a saisie violemment par le poignet et m’a forcée à regarder une vidéo où des femmes se faisaient décapiter. Il a sorti une sorte de grand sabre - qu’il avait fait lui-même - en hurlant qu’il allait me faire la même chose. Il m’a maintenue plus de quarante minutes. Tous mes réflexes de stage en psychiatrie sont revenus et nous avons parlé un moment avant qu’il ne me lâche et que je sorte de sa chambre pour appeler les pompiers… Mais avant qu’ils n’arrivent, il était déjà en bas avec moi, totalement délirant avec son sabre à la main. Je ne pensais qu’à une chose : protéger une petite fille qui était dans la pièce d’à-côté.
Alors, nous avons encore parlementé avant que les pompiers n’arrivent, suivis par les gendarmes qui ont réussi à l’emmener en l’attachant… Tout ça a duré plus de deux heures. J’ai appelé ma collègue mais elle était en vacances. J’ai dû finir ma tournée ce jour-là… et continuer le lendemain. J’ai porté plainte. L’institut médico-légal m’a examiné et constaté mes blessures, des hématomes et un trauma psychologique post-agression : ils ont estimé que je relevais de quatorze jours d’interruption temporaire de travail. Ma collègue est revenue et j’ai pu m’arrêter quinze jours, que j’ai passés à pleurer. Peu à peu, j’ai vraiment compris ce qui s’était passé. Mais je n’osais pas en parler à mon mari pour qu’il ne s’inquiète pas et m’interdise de reprendre le travail. J’ai dû consulter mon médecin traitant. L’Ordre infirmier a fini par être présent, quand j’ai appelé pour expliquer ma situation. Et je les en remercie. Mais je me suis senti très seule. J’ai repris le travail mais ça a été dur. Le premier jour, j’ai pleuré chez presque tous mes patients. Pourtant, il est hors de question que j’abandonne le cabinet. Je me suis rendu compte que certains patients ne voulaient plus me voir… parce que j’avais porté plainte contre un autre patient ! Il a fallu que le journal local parle de mon histoire plusieurs mois après pour que les gens réalisent ce qui s’était passé et, surtout, que je ne suis pas une menteuse. Enfin le procès a commencé. Mais, à la première audience, le patient est arrivé sous l’empire de l’alcool et sans avocat. Le juge a alors reporté l’audience, en demandant un avis psychiatrique. Elle a été reportée deux fois de plus. Deux fois à y penser, à me préparer à le revoir pour apprendre la veille, par mon avocat, que le jugement n’aurait pas lieu. Aujourd’hui, j’ai encore peur quand je fais ma tournée, surtout dans le village où il habite, même si, heureusement, c’est un peu excentré de mon secteur. Il ne fait pas partie de mes patients, et il s’agissait de soins ponctuels. Mais il est revenu chez lui. Je peux donc le croiser n’importe quand… »
→ Le 13 février 2018, le patient a été déclaré irresponsable pour trouble mental mais coupable de faits de violences et de détention d’armes illégales. Lors de la perquisition au domicile du patient, juste après l’agression, les gendarmes avaient découvert 27 armes à feu. Pour ces faits, une interdiction de détention d’arme pendant dix ans a été prononcée. Le patient a été en outre condamné à verser 2 500 € au titre du préjudice moral, 5 331 € au titre du préjudice matériel et 750 € de frais d’avocat à l’infirmière. L’Ordre des infirmiers, représenté à l’audience en tant que partie civile, a reçu un euro symbolique et le remboursement des frais de justice. Le patient avait jusqu’au 23 février pour faire appel.