Pathologie génétique
Cahier de formation
Point sur
L’hémochromatose est la maladie génétique la plus répandue en France, mais aussi l’une des plus méconnues. Diagnostiquée précocement, elle se soigne facilement. Mais chez une majorité de patients, le diagnostic est posé tardivement, parfois après des années d’errance thérapeutique, à un stade où la pathologie a déjà fait des “dégâts”.
C’est une maladie génétique qui se caractérise par une surcharge de l’organisme en fer. Elle touche environ 200 000 personnes en France, soit un Français sur 300 (en comparaison, la mucoviscidose, maladie génétique plus connue, touche 5 000 à 6 000 personnes en France).
Elle est due à une mutation du gène codant l’hepcidine (mutation C282Y et plus rarement H63D) qui intervient dans la régulation du métabolisme du fer. Lorsque le gène est muté, l’hepcidine ne remplit plus sa fonction et le fer, plutôt que d’être éliminé, s’accumule de manière anormale, d’abord dans le sang, puis dans les organes (foie, cœur, pancréas, articulations, peau) en provoquant des dommages irréversibles si la maladie n’est pas prise en charge suffisamment tôt.
→ À titre d’exemple, chez un individu normal, le corps renferme 4 g de fer (le poids d’un clou), se répartissant essentiellement dans les globules rouges (hémoglobine), les muscles (myoglobine), les macrophages, le foie (ferritine et hémosidérine) et enfin la moelle osseuse. Avec l’apport de l’alimentation, l’individu reçoit en moyenne 20 mg de fer, dont seulement 1 à 2 mg sont absorbés par l’organisme. Le reste est rejeté dans le tube digestif.
→ Dans le cas d’un malade atteint d’hémochromatose, le fer est absorbé par l’organisme en grande partie (jusqu’à 8 mg par jour), l’hepcidine ne remplissant plus son rôle régulateur. Le fer s’accumule, la transferrine, molécule transportant le fer, est alors saturée : c’est d’ailleurs un indice biologique de la présence d’un surplus de fer dans l’organisme. La surcharge en fer peut atteindre 40 g et cet excès est toxique pour l’organisme.
La maladie peut rester silencieuse pendant plusieurs années avant que n’apparaissent des manifestations cliniques, telles que la fatigue, des douleurs articulaires, des troubles sexuels, une arythmie cardiaque, un essoufflement ainsi qu’une hyperglycémie et une hypertransaminasémie. Certains symptômes, comme la fatigue, non spécifiques de la maladie, conduisent parfois les patients dans une errance thérapeutique car le diagnostic n’est pas correctement posé.
Lorsque le diagnostic est établi tardivement, le fer s’est accumulé dans les organes. Apparaissent alors des symptômes plus notables : dans une majorité des cas, on observe une mélanodermie (hyperpigmentation des zones exposées au soleil et des cicatrices, pigmentation des conjonctives également), parfois même une déformation des ongles et une diminution de la pilosité.
Outre une fatigue intense, les patients ressentent souvent des douleurs articulaires dues aux rhumatismes (doigts, chevilles, hanches, genoux, épaules) et à une atteinte osseuse (ostéoporose).
Dans 55 % des cas, des lésions hépatiques apparaissent, conduisant à une cirrhose et au cancer hépatique : l’hémochromatose peut donc être mortelle si la charge en fer est forte et impacte le foie. Du côté du pancréas, l’accumulation conduit à un diabète sucré (40 % des cas) dû à la destruction des cellules β des îlots de Langerhans. L’insulinorésistance combinée à la cirrhose complique le diabète.
Le dépôt de fer dans le myocarde peut conduire à une anomalie de remplissage du ventricule gauche (dilatation), conduisant à une cardiomyopathie avec insuffisance cardiaque.
Le fer s’accumulant dans l’hypophyse mène à un défaut de sécrétion des hormones sexuelles : chez l’homme, cela induit une diminution de testostérone et conduit à l’impuissance, tandis que chez la femme, le déficit hormonal induit une aménorrhée voire une ménopause précoce.
Le diagnostic tarde à être posé chez une majorité de patients (80 % d’entre eux sont diagnostiqués entre 45 et 70 ans, quand la maladie a déjà causé des “dégâts”). De fait, elle peut être mortelle en conséquence des complications observées : le risque de maladie cardiaque grave est ainsi multiplié par 5, celui de cirrhose par 13 tandis que le risque de survenue d’un cancer hépathique est multiplié par 23.
Deux tests biologiques réalisés à la suite d’une simple prise de sang permettent de déterminer la surcharge en fer :
→ le coefficient de saturation de la transferrine (qui est entre 25 et 45 % en temps normal), qui dépasse les 50 % ;
→ la ferritinémie (entre 20 et 300 µg/L chez un individu normal), qui dépasse alors les 300 µg/L.
Ce double examen biologique se complète d’un test génétique lorsque le test biologique montre une surcharge en fer : il permet notamment de détecter la mutation du gène HFE (High, élevé en français, et le symbole du fer)
Simple (hépatologue, gastro-entérologue, voire médecin généraliste), lorsque l’individu est diagnostiqué précocement et qu’il n’y a pas d’atteinte spécifique. Pluridisciplinaire si les atteintes sont plus profondes, nécessitant un suivi des organes potentiellement touchés par la maladie.
Le traitement contre l’hémochromatose consiste à enlever l’accumulation de fer. Le plus simple, le plus efficace, le moins cher est de pratiquer des saignées à intervalles plus ou moins réguliers.
→ En traitement d’attaque, des saignées de 400 à 500 mL, hebdomadaires, bimensuelles ou mensuelles, peuvent être pratiquées : elles obligent l’organisme à puiser dans ses réserves de fer pour former de nouveaux érythrocytes. L’efficacité du traitement est mesurée en surveillant la ferritinémie (qui doit descendre autour de 100 ng/mL) et la tolérance biologique pour éviter malaise et anémie (l’hémoglobinémie doit rester supérieure à 11 g/dL).
→ En traitement d’entretien, lorsque la ferritine est stabilisée, les saignées peuvent s’espacer à un rythme d’une à quatre par an pour maintenir une ferritinémie autour de 100 ng/mL.
Ces saignées peuvent être réalisées à l’Établissement français du sang (depuis 2009, les dons issus de saignées sont éligibles au don du sang), à l’hôpital ou à domicile, même si les contraintes logistiques sont plus fortes.
D’autres traitements – plus rares – peuvent être mis en place en cas de contre-indications absolues aux saignées, en utilisant des chélateurs du fer qui captent la surcharge en fer. Néanmoins, ces traitements présentent des effets secondaires divers.
Il n’existe, pour l’heure, aucun dépistage organisé de la maladie. Elle reste pourtant la maladie génétique la plus répandue et ses conséquences peuvent être graves lorsqu’elle est diagnostiquée tardivement. Seul un dépistage familial (remboursé par la Sécurité sociale) peut être mis en œuvre lorsqu’un individu présente, dans son histoire familiale, un membre atteint de la maladie, ce qui permet d’identifier les autres personnes atteintes avant que la maladie n’ait causé de dommages visibles.
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.
Association Hémochromatose France : www.hemochromatose.fr Tél. : 04 66 64 52 22.