La clause de non-réinstallation - L'Infirmière Libérale Magazine n° 345 du 01/03/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 345 du 01/03/2018

 

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FICHE PRATIQUE

Annabelle Alix  

La clause de non-réinstallation (CNR) vise à éviter le détournement de patientèle, à l’instar de la clause de non-concurrence (CNC) dont elle est une variante moins contraignante (lire notre n° 342 de décembre 2017. À l’issue du contrat qui la contient, la (ou les) partie (s) concernée (s) devra (ont) s’abstenir de s’installer dans un périmètre proche du cabinet d’origine, pour une durée limitée. Mais, à condition de respecter les principes de déontologie, elle (s) pourra (ont) – à la différence d’une CNC – soigner les patients vivant dans ce périmètre.

Des limitations

Comme la CNC, la CNR doit être limitée dans le temps et l’espace. Son contenu doit également être proportionné aux intérêts légitimes à protéger, à savoir la patientèle du cocontractant.

Ces restrictions visent à préserver les libertés d’exercice de la profession et de choix du patient. Ces impératifs poussent d’ailleurs la Cour de cassation à interpréter les CNR de façon restrictive. Ainsi, « l’interdiction de s’installer » dans un périmètre défini n’inclut pas d’emblée celle de soigner des patients résidant dans cette zone. « Les clauses de non-réinstallation conclues entre professionnels de santé, susceptibles de porter atteinte tant à la liberté d’exercice de la profession qu’à la liberté de choix des patients, sont d’interprétation stricte et ne peuvent être étendues au-delà de leurs prévisions », indique la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 2015.

L’interdiction dépend donc précisément des termes de la clause. Si celle-ci interdit « l’exercice du métier » dans un rayon défini, l’infirmière ne pourra ni s’y installer, ni y soigner les patients. Certaines clauses excluent même tout mode d’exercice (en association, en collaboration…). On parle alors de clauses de non-rétablissement, autre variante de la clause de non-concurrence.

En cas de violation

La violation d’une de ces clauses autorise d’emblée le cocontractant à réclamer des dommages et intérêts, sans avoir à prouver qu’il a perdu des patients. Par ailleurs, une CNR restrictive ne prive pas celui qui doit la respecter de ses obligations déontologiques : il doit, bien entendu, s’abstenir de tout procédé de détournement de patientèle et de concurrence déloyale.

La CNR admise en cas de collaboration

Le collaborateur libéral exerce son métier chez un autre IDE dans le cadre d’un contrat de collaboration, en toute indépendance et sans lien de subordination. Ce statut facilite l’insertion des IDE nouvellement installées en libéral. Le collaborateur peut en effet profiter de la structure d’un cabinet existant pour démarrer son activité. Il travaille avec ses propres feuilles de soins, il facture et verse une redevance à l’infirmière qui détient la patientèle. Il peut se constituer une patientèle personnelle, dans les conditions prévues par son contrat.

En 2012, la cour d’appel de Nancy juge la CNR incompatible avec le statut de collaborateur : une telle clause priverait le collaborateur du droit de se constituer une clientèle et de pouvoir continuer à la suivre, une fois le contrat de collaboration rompu. Mais, le 11 mars 2014, la Cour de cassation casse cet arrêt d’appel, retenant qu’une CNC – ou CNR – peut tout à fait être insérée dans un contrat de collaboration, conformément au souhait des parties signataires, à partir du moment où elle est limitée dans le temps et l’espace.

Si la CNC classique n’est pas interdite par principe en cas de collaboration, la CNR semble être une bonne alternative : elle impose au collaborateur de s’installer hors d’un périmètre défini, tout en lui permettant de conserver la patientèle qu’il aurait éventuellement développée dans ce périmètre.

UN GARDE-FOU SUPPLÉMENTAIRE

Également concernée par cette problématique, l’Association nationale française des ergothérapeutes propose un garde-fou supplémentaire pour préserver les droits des deux parties et « bien délimiter les clientèles respectives de chacun » : elle conseille de dresser « une liste des patients personnels du collaborateur, tenue à jour tout au long de l’exécution du contrat. Cette liste serait composée des patients qui auront demandé le collaborateur lors de la première prise de rendez-vous, ou qu’il aura eu l’occasion de traiter durant les heures consacrées à son exercice personnel, ou selon tout autre critère à définir entre les parties. »