L'infirmière Libérale Magazine n° 345 du 01/03/2018

 

La vie des autres

Ici

Laure Martin  

Il est arrivé à l’Assurance maladie par le biais d’une petite annonce. Et, il y a dix ans, il a revêtu les habits de délégué de l’Assurance maladie.

Avec l’ambition d’être un facilitateur du travail des professionnels de santé.

Aujourd’hui délégué de l’Assurance maladie (DAM), Paul Chanteloup s’est orienté dans cette voie par hasard. À l’origine, il suit un BEP/CAP puis un BTS action commerciale, avant de se tourner vers un diplôme de technologie appliquée en marketing et communication. « Je suis très communicant, mais j’ai compris lors de ces études que je ne voulais pas m’orienter dans la voie du commerce », rit-il. Il prend une année sabbatique. Il lit une annonce dans Le Parisien pour un poste d’agent de saisie pour les feuilles de soins à la CPAM de Paris, qu’il intègre en 2004. Il s’essaye à plusieurs postes : après agent de saisie, il devient technicien puis travaille au sein de l’Assurance maladie Paris en ligne, à la plateforme de scannérisation, pour finalement intégrer un centre d’Assurance maladie dans le XIe arrondissement de Paris, de 2006 à 2007.

« Ma responsable de l’époque m’a informé de l’existence des DAM, raconte-t-il. Il me paraissait compliqué d’envisager des relations avec des professionnels de santé sans l’être moi-même, mais elle m’a motivé et convaincu à la suite de la parution d’une vacance de poste. » En 2007, à l’âge de 30 ans, il intègre ce service, aujourd’hui composé de 24 DAM, dont quatre en cours de certification (lire l’encadré page de droite).

« Modifier le comportement des soignants »

Le DAM a pour mission d’aller à la rencontre des professionnels de santé sur le terrain, afin de promouvoir la « maîtrise médicalisée », établie au regard des orientations de la politique de santé publique et de l’Assurance maladie, et que Paul Chanteloup définit comme « soigner aussi bien et même mieux à un moindre coût ».

« Notre intervention doit entraîner une modification du comportement des professionnels de santé, explique-t-il. Chaque année, l’Assurance maladie rembourse des soins réalisés par les Idels. Nous intervenons afin de les guider vers une application plus efficiente de la législation et aboutir à un meilleur usage du système de santé. » La communication est cruciale. Les DAM entendent aussi être partenaires des professionnels de santé pour faciliter leur travail. Ils se déplacent au cabinet afin de présenter les nouvelles conventions adoptées par les instances représentatives de la profession et l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie, ainsi que leurs avenants. Ils les informent des services dédiés aux patients et à eux-mêmes. Ou encore utilisent des études réalisées par l’Assurance maladie dans le but d’améliorer « l’efficience de la régulation », qui vise à assurer la qualité et la sécurité des soins avec une utilisation optimale des ressources. Paul Chanteloup l’illustre par le fait que les IDE peuvent prescrire des dispositifs médicaux, ce qui permet une prise en charge plus rapide et évite au patient de retourner chez le médecin pour cette prescription.

130 Idels à visiter par trimestre

« Les DAM cherchent à anticiper les problèmes, rapporte Paul Chanteloup. À chaque nouvelle convention, avenant ou dispositif, sont organisées des campagnes de rencontres. » Chaque CPAM communique sur des thématiques nationales comme la maîtrise médicalisée ou la prévention, auxquelles s’ajoutent des thèmes locaux. En 2015, la CPAM de Paris a ainsi lancé une campagne afin de présenter aux Idels le Prado (Programme de retour à domicile) pour l’insuffisance cardiaque. Les DAM ont aussi rappelé les modalités de facturation, de prescription, de formation des Idels, et évoqué l’intérêt du dispositif de transmission SCOR (scannérisation des ordonnances).

Les DAM se concertent. En 2015, deux chefs de projet ont décortiqué le texte de la convention des Idels de 2007 ainsi que l’avenant de 2014. Ils en ont ensuite fait une présentation aux autres DAM. « Nous avons mieux cerné la manière dont travaillent les Idels, les nouveautés introduites par l’avenant, la façon de les mettre en place et ainsi défini le discours à tenir », indique Paul Chateloup. Il ajoute : « Nous communiquons beaucoup entre nous car nos remontées de terrain sont très différentes selon les arrondissements de Paris. Nous essayons de perfectionner nos approches et de parler d’une seule voix aux professionnels. »

À la CPAM de Paris, chaque DAM a environ 130 Idels à voir sur un trimestre. La première prise de contact se fait par téléphone pour fixer un rendez-vous, le DAM s’adaptant le plus possible aux horaires des Idels. Outre l’échange verbal, le DAM remet des documents sur la campagne en cours, les mêmes à chaque professionnel. Les Idels ne sont pas obligées d’accepter les visites des DAM. Mais, « lorsqu’elles me disent au téléphone ne pas être intéressées par ma venue, j’essaye de les convaincre, car, après notre passage, les professionnels sont, en général, satisfaits de ce que nous avons pu leur apporter. »

À l’issue de chaque visite, les DAM effectuent des mesures d’impact pour observer l’évolution des prescriptions des professionnels de santé et constater les changements.

Un professionnel certifié, une visite normée

La visite des DAM chez les professionnels de santé est normée ISO 9001-2008. Les DAM ont donc des règles de conduite à appliquer : assurer une présentation standardisée, à toutes les Idels visitées, des documents afférents à la campagne, effectuer des remontées de terrain. De fait, avant de pouvoir exercer, le futur DAM suit une formation qualifiante d’un an auprès d’un organisme de formation professionnelle. La formation est organisée autour de différents modules sur les statistiques, l’histoire de l’Assurance maladie, l’hospitalisation, la communication. Il suit également une formation médicale sur les pathologies ou encore la prévention. Une évaluation donne lieu à une note de contrôle continu. Le DAM doit également produire un mémoire et le présenter lors d’une soutenance en présence d’un représentant de la caisse nationale d’Assurance maladie, d’un expert métier (le manager DAM) et d’un représentant de l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale. Après cette année de formation, certifié, il peut exercer.

Il dit de vous !

« Généralement, nous sommes bien accueillis par les Idels, il y a peu de refus de visite. Nous avons un réel cadre d’échange et nous sommes facilitateurs de leur pratique. La difficulté pour les Idels, c’est qu’elles travaillent sur prescription. Lorsqu’elles me remontent des problèmes de terrain, par exemple que les médecins ne font pas toujours de prescription pour la DSI, les DAM font un rappel sur le thème à l’ensemble des médecins généralistes. J’informe également les médecins de la possibilité pour les Idels de prescrire certains dispositifs. On leur donne d’ailleurs des mémos en rapport avec le thème présenté chez les Idels. Par ailleurs, nous constatons que des Idels font encore des erreurs de cotation, notamment entre l’AMI et l’AIS, ou sur les indemnités de déplacement. Elles ne doivent pas hésiter à appeler l’Assurance maladie pour avoir des informations. »