À la tête de l’Ordre national des infirmiers (ONI) depuis le mois de décembre, Patrick Chamboredon entend faire de cette institution contestée le pilier de la profession. Celui qui était jusqu’alors président du conseil régional de l’Ordre infirmier de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) explique comment il compte s’y prendre.
Patrick Chamboredon : Je m’étais déjà présenté au Conseil national il y a trois ans, mais je n’avais pas été élu. Cette année, nous étions trois candidats : Didier Borniche [le président sortant], Thierry Amouroux et moi-même. Je pense que plusieurs choses ont pu faire la différence. D’une part, je ne suis pas parisien [contrairement à Thierry Amouroux], et d’autre part, je n’étais pas aux affaires au niveau national lors de la mandature précédente [contrairement à Didier Borniche] En revanche, j’ai œuvré en région PACA pendant neuf ans, et je pense que j’y ai eu de bons résultats. J’imagine que cela a pu plaider en ma faveur.
P. C. : Nous avons lancé un audit au mois de février, les résultats seront restitués au printemps en Conseil national. Ce n’est pas une chasse aux sorcières, mais au moment où nous prenons en main les affaires, nous avons besoin de savoir où nous allons. Je ne peux pas me projeter si je ne connais pas l’état de la structure. Cet audit nous permettra de voir comment nous allons grandir. Chacune des équipes précédentes a fait face à des séquences qui ont contraint le développement de l’Ordre. Nous avions des missions à remplir sans avoir les moyens correspondants. Nous n’avons donc pas pu communiquer sur notre valeur ajoutée, et nous n’avons pas eu le poids politique que nous aurions dû avoir. Cela a eu des conséquences très néfastes en termes d’image, et créé une forme de schisme avec la profession. Si je suis là, c’est peut-être aussi parce qu’un redressement est nécessaire.
P. C. : L’une des solutions est de positionner l’Ordre aussi comme un offreur de services, par exemple en développant l’entraide. Avec tous les suicides à déplorer ces derniers temps, on ne peut plus se satisfaire de communiqués de presse. Il faut passer à la confraternité active. Nous réfléchissons donc aux moyens d’avoir une hotline que les personnes en détresse pourraient appeler. Dans un tout autre domaine, nous voulons développer la permanence juridique pour répondre aux questions des infirmières. Nous avons actuellement une juriste qui travaille avec nous une demi-journée par semaine, et nous sommes en train de recruter. Nous comptons également développer des services avec d’autres ordres professionnels, à l’image de ce qui a été fait en PACA avec l’Ordre régional des experts-comptables [des séances collectives ou individuelles d’information et de conseil réunissant des membres des deux ordres, lire notre numéro 341 de novembre 2017].
P. C. : Sur le plan personnel, le libéral est pour moi une terra incognita : j’ai toujours travaillé à l’hôpital. Mais je suis conscient de la difficulté du travail des Idels. Je ne pense pas qu’il s’agisse de nanties. Elles font beaucoup d’heures, et quand on compare à ce qu’elles gagnent, on se rend compte qu’elles ne sont pas extrêmement bien payées. Heureusement qu’elles sont là : elles assurent le lien ville-hôpital, qui est primordial. Et sans elles, il n’y aurait pas de virage ambulatoire !
P. C. : Nous sommes justement en train de faire un recensement de la situation ville par ville sur ce sujet. C’est une discussion difficile, car nous avons des interlocuteurs multiples, et la situation varie en fonction des endroits. Dans telle agglomération, le stationnement coûte 300 € par an aux Idels, alors que, dans d’autres villes, c’est gratuit ! Nous allons donc voir comment faire baisser les prix. Il faut souligner que sur un dossier comme celui-là, l’Ordre a deux atouts. Tout d’abord, nous sommes une institution, et les villes ont besoin de parler avec des institutions. D’autres part, nous pouvons nous coordonner avec d’autres ordres, comme celui des médecins, qui rencontrent des problèmes similaires.
P. C. : C’est un sujet sur lequel nous avons une pression de l’Union européenne et de l’Autorité de la concurrence. Nous avons dû supprimer cette interdiction, mais nous ne préconisons pas de salarier une aide-soignante ou une autre infirmière pour autant. Nous déplorons cette situation, mais nous devons en prendre acte, c’est la loi. [Plus généralement], sur notre site, nous accompagnons les professionnels en leur proposant des modèles de contrats.
P. C. : Très peu de protocoles de coopération se sont traduits dans les faits. Sur le terrain, leur réussite dépend de relations interpersonnelles : ce n’est pas toujours facile de trouver des professionnels qui veulent travailler ensemble. Par ailleurs, trop souvent, le but est de libérer du temps médical à court terme. Il faudrait une réflexion de long terme dans deux directions : l’extension du métier socle, avec de nouvelles missions et de nouveaux actes d’une part, et les pratiques avancées d’autre part. Sur ce sujet, les négociations ont recommencé début janvier, et nous y participons. Ce que nous défendons, c’est une infirmière de pratique avancée qui peut être un premier recours… même si nous savons qu’en France, ce n’est pas encore à l’ordre du jour.
P. C. : La cotisation à l’Ordre est actuellement de 30 € pour les salariées, de 75 € pour les libérales. La différence s’explique par le fait que les libérales peuvent la faire passer en frais professionnels. Au final, le coût pour l’individu est le même. Ce montant restera identique : nous sommes sur des sommes très abordables, et nous voulons maintenir ce principe de modération.
Créé en 2006 et véritablement fonctionnel depuis 2008, l’ONI n’a jamais réussi à se faire accepter par l’ensemble de la profession. Début 2018, il ne revendiquait que 243 000 adhérentes sur les 600 000 infirmières exerçant en France. Une situation qui pourrait changer cette année avec la parution prochaine d’un décret prévoyant l’inscription automatique des infirmières salariées au tableau de l’Ordre.