L'infirmière Libérale Magazine n° 345 du 01/03/2018

 

ALIMENTATION

Actualité

Marie Fuks  

Dans Le régime cétogène pour votre cerveau (lire aussi p. 25), le Dr Bernard Armanda, neurologue et micronutritionniste, défend l’idée selon laquelle une alimentation riche en graisses et pauvre en glucides peut participer à prévenir ou freiner l’évolution des troubles et maladies du cerveau.

Comment agit le régime cétogène sur le cerveau ?

Bernard Armanda : En privilégiant les lipides et en réduisant les glucides et les protéines dans un rapport de quatre pour un dans sa version stricte, le régime cétogène favorise la production de cétones. Elles se substituent en grande partie au glucose comme source d’énergie principale pour le cerveau. Si leurs mécanismes d’action ne sont pas élucidés, les évidences s’accumulent pour dire qu’elles rééquilibrent la biochimie cérébrale et agissent sur la normalisation du fonctionnement des cellules et, en particulier, des mitochondries [qui produisent la majorité de l’énergie dont le cerveau a besoin, NDLR].

Mieux vaut alors des cétones que du glucose ?

B. A. : Oui, les cétones ont un meilleur rendement que le glucose. C’est un peu comme si en redonnant le bon carburant aux cellules, en réduisant l’accumulation des déchets et l’inflammation consécutives à l’alimentation riche en glucides, on donnait aux cellules la possibilité de se remettre à fonctionner normalement. Des études réalisées sur les animaux montrent que ce régime augmente le métabolisme des mitochondries, diminue la production de radicaux libres (qui nuisent à la production de l’énergie cellulaires) et le stress oxydatif, délétère pour le cerveau. Cela contribue à freiner le processus inflammatoire dont l’importance est méconnue dans la genèse des maladies neurodégénératives. Cette alimentation limite l’hyperstimulation des neurones et favorise leur stabilité électrique. Elle contribue à la prévention des migraines et de l’épilepsie, augmente le nombre de connexions neuronales et favorise la prolifération de nouveaux neurones. Elle participe à l’harmonie cérébrale.

Vous décrivez « la consistance des observations cliniques et des données scientifiques montrant son potentiel thérapeutique sur la santé cérébrale ». Pourquoi n’y a-t-il pas encore de consensus scientifique ?

B. A. : Le régime cétogène ne constitue pas en soi un traitement intéressant pour l’industrie pharmaceutique. Quelques centres de recherche aux États-Unis travaillent sur l’intérêt de ce régime dans l’épilepsie et des modèles animaux des maladies neurodégénératives. Mais ces travaux restent confidentiels. Les études à grande échelle, qui pourraient déterminer l’impact de cette diète dans la prévention et le traitement de la maladie Alzheimer, ne sont pas pour demain. Pourtant, les personnes à risque et les malades auraient beaucoup à gagner si cette approche nutritionnelle étaient validée et préconisée en complément de la pharmacopée conventionnelle.

Vous allez à l’encontre de décennies de recommandations officielles conseillant de réduire les graisses dans l’alimentation en prévention du risque cardiovasculaire (CV). Qu’en est-il des effets de ce régime sur l’hypercholestérolémie, le système cardiovasculaire, le surpoids… ?

B. A. : Les études chez les souris montrent qu’elles ont des paramètres CV qui ne sont pas perturbés et sont même bons. Le fait d’apporter le matin des graisses contenant du cholestérol est une bonne chose pour l’organisme car la synthèse interne du cholestérol se produit entre 6 heures à midi, ce qui permet au corps de ne fabriquer que le cholestérol résiduel dont il a besoin. Ensuite, le corps va utiliser le cholestérol ingéré pour sa production énergétique de base. Il constitue aussi la matière première pour la fabrication d’hormones et de la vitamine D, entre autres. Bien entendu, quelle que soit la variante du régime choisie, il faut respecter la proportion de glucides car, consommés en trop grandes quantités, ils constituent un facteur de risque CV qu’on sous-estime. J’ai de nombreux exemples de patients qui avaient au départ un cholestérol à 2,50 g/L ou 2,60 g/L et après trois mois d’un régime cétogène adapté (plus souple), un cholestérol à 2,10 g/L. Plusieurs études soutiennent que les apports élevés en gras et en protéines amènent un sentiment de satiété précoce favorisant la perte de poids. Une récente méta-analyse* montre qu’une alimentation cétogène permettrait d’engendrer une perte de poids supérieure à celle observée en cas de régime pauvre en graisse. Elle aurait aussi un impact positif sur la pression artérielle et les triglycérides sanguins, donc sur les facteurs de risque CV.

*Nassib Bezerra Buenos, Ingrid Sofia Vieira de Melo, Suzana Lima de Oliveira, Terezinha da Rocha Ataide, « Very-low carbohydrate ketogenic diet v. low-fat diet for long term weight loss : a meta-analysis of randomised controlled trials », British journal of nutrition, 110, pp. 1178-1187, 2013 (Lien : bit.ly/2CAITMv).

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