L'infirmière Libérale Magazine n° 346 du 01/04/2018

 

Allergie

Cahier de formation

Point sur

Anne-Lise Favier  

S’il existe différentes manières de traiter une allergie (par éviction de l’allergène et traitements symptomatiques), seule la désensibilisation permet d’apprendre au système immunitaire à tolérer un ou plusieurs allergènes.

Contexte

→ L’Organisation mondiale de la santé classe les allergies au quatrième rang mondial des maladies chroniques : on estime ainsi qu’elles touchent environ 25 à 30 % de la population dans les pays industrialisés (dont la France) et pourraient atteindre un individu sur deux d’ici 2050.

→ De plus en plus fréquentes chez les enfants, elles touchent également les adultes, avec un spectre de réactions variées, pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique qui est une urgence vitale.

Diagnostic

→ Outre un interrogatoire du patient concernant ses antécédents et habitudes de vie (environnement, exposition aux animaux, tabagisme passif), un examen clinique est mené pour observer les signes d’atteinte (pulmonaire, cutanée, ophtalmique, etc.).

→ En cas de suspicion d’allergie, l’allergologue procède à des tests cutanés – les prick-tests – qui consistent à déposer une goutte contenant un extrait allergénique sur la peau et à piquer superficiellement à l’aide d’une mini-aiguille. En cas d’allergie, une réaction locale se produit. Lorsque ces tests ne sont pas disponibles, on procède directement à un dosage sanguin des IgE (immunoglobulines spécifiques de l’allergie) pour l’allergène que l’on souhaite identifier.

→ Le traitement de désensibilisation est proposé après le diagnostic de l’allergie.

Principe du traitement

Également appelée immunothérapie allergénique, la désensibilisation consiste à exposer l’organisme, de manière répétée, régulière et prolongée, à un ou plusieurs allergènes afin de supprimer la réponse immunitaire qu’ils entraînent. Le traitement peut durer de trois à cinq ans. Les bénéfices peuvent néanmoins être observés dès la première année.

Pour quelles allergies ?

→ Celles aux venins d’hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons).

→ Celles induites par les pneumallergènes (ou aéroallergènes), mis en cause dans les rhinites, conjonctivites et asthmes allergiques (pollens de graminées et autres herbacées, d’arbres, acariens, moisissures, poils et squames de chat et de chien).

→ En cas de polyallergie (concernant de 60 à 75 % des patients traités), il est possible d’utiliser un mélange de deux allergènes appartenant à la même famille (par exemple, deux pollens), exceptionnellement trois allergènes (par exemple, trois espèces d’acariens), mais il est recommandé d’utiliser en cas de besoin une double désensibilisation simultanée.

En pratique

Trois voies de désensibilisation existent : la voie injectable, la voie orale sublinguale et sous forme de lyophilisat. Le traitement consiste à administrer dans un premier temps des doses croissantes d’extraits allergéniques que l’on mesure en indice de réactivité (IR) : celles-ci vont permettre au système immunitaire de réduire progressivement la réaction de l’organisme. Une fois la dose thérapeutique atteinte, on passe à une phase d’entretien pendant laquelle cette même dose sera administrée.

Voie injectable sous-cutanée

Pendant longtemps, la désensibilisation n’existait que sous cette forme.

→ La première injection est obligatoirement effectuée sous surveillance médicale (risque de choc anaphylactique) ; les suivantes sont réalisées une fois par semaine voire toutes les deux semaines, en administrant une dose croissante d’extrait allergénique.

→ Ce type de traitement est utilisé pour la désensibilisation aux venins d’hyménoptère et bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Un protocole accéléré effectué en hôpital de jour permet d’atteindre la dose d’entretien en un ou deux jours.

À noter : cette voie est actuellement provisoirement suspendue pour les pneumallergènes, pour des raisons réglementaires.

Voie orale sublinguale

→ La voie sublinguale est arrivée sur le marché du traitement des allergies dans les années 1990. Contrairement aux formes injectables, elle ne bénéficie pas d’une AMM et fait partie des traitements personnalisés que l’on appelle “allergènes préparés spécialement pour un seul individu” (APSI).

Les patients nécessitent donc une prescription personnalisée d’un allergologue, qui détermine les doses à préparer (en fonction de la sensibilité du patient, permettant une administration de doses croissantes de l’allergène, exprimées en IR). Les produits sont ensuite fabriqués par le laboratoire, à la demande, pour un patient donné.

→ Dans le cadre de ce traitement, les doses sont administrées sans surveillance médicale particulière. Du fait de sa grande tolérance, les protocoles d’administration sont simplifiés et permettent d’atteindre les différents paliers et donc la dose d’entretien plus rapidement que dans le cas de la voie injectable.

→ Cette désensibilisation par voie sublinguale est disponible uniquement pour les pneumallergènes.

Lyophilisats

Depuis quelques années sont apparus des traitements sous forme de lyophilisats qui permettent de s’affranchir de la phase de progression de dose. Pour ces traitements, le patient n’a qu’un lyophilisat oral à prendre par jour, à dose d’allergène constante. Le produit est maintenu une minute sous la langue avant de l’avaler.

Ces lyophilisats bénéficient d’une AMM et sont prescrits dans le cadre des allergies aux acariens et des allergies saisonnières aux pollens de graminées. Dans ce dernier cas, le patient peut bénéficier d’un traitement pré et co-saisonnier, ce qui réduit considérablement sa durée.

Choix de la voie d’administration

Le choix de la voie injectable, sublinguale (liquide ou comprimés) ou en lyophilisats repose sur l’expérience et les habitudes de l’allergologue, et sur le profil du patient. Il tient compte du type d’allergie (seule ou multiple) et du confort de prise selon le patient. Les gouttes sublinguales quotidiennes peuvent représenter une contrainte chez certains patients qui ont tendance à oublier les prises mais peuvent être pratiques pour traiter un enfant. Les injections permettent un traitement plus espacé. Les lyophilisats présentent, eux, l’avantage d’être rapidement disponibles (statut d’AMM, médicament en pharmacie, qui ne nécessite pas une fabrication sur commande) et donc de démarrer rapidement un traitement, ce qui s’avère pratique en cas d’allergie saisonnière aux pollens, par exemple.

Des traitements moins remboursés ?

En décembre dernier, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un projet de recommandations qui a suscité un tollé chez les allergologues : les experts de la HAS concluent en effet que les traitements allergènes préparés spécialement pour un seul individu (APSI), selon les données disponibles, « montrent une efficacité faible et mal démontrée » et qu’ils « ne présentent pas d’intérêt pour la santé publique ». Les auteurs de ce document accompagnent ces conclusions de recommandations d’un déremboursement complet de la forme injectable et d’un remboursement limité à 15 % pour les formes sublinguales. Une idée qui ne passe pas auprès des allergologues qui craignent que certains patients, face à l’absence de prise en charge, finissent par ne plus se soigner. Ce qui au final reviendrait plus cher compte tenu des complications que les allergies peuvent induire et de leurs conséquences (crises d’asthme, absentéisme professionnel, traitements symptomatiques).

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.