Amandine Clary, IDE en CHU, a créé avec six autres soignantes l’association Oustal Mariposa. Celle-ci projette d’ouvrir une maison accueillant des personnes gravement malades pour permettre à leurs proches et aux soignants de souffler.
Depuis deux ans, Amandine Clary œuvre à la réalisation d’un rêve : ouvrir un lieu de vie à mi-chemin entre le domicile et l’hôpital, pour permettre aux personnes très malades de se reposer tout en bénéficiant des soins dont elles ont besoin. Une idée née de sa longue expérience en soins palliatifs. Après un premier emploi aux urgences dans l’Aveyron, puis, à La Réunion, dans un service de pédiatrie, la jeune infirmière, originaire d’un village près de Figeac (Lot), arrive en 2009 à Toulouse (Haute-Garonne). Elle intègre alors l’unité de soins palliatifs (USP) de l’hôpital Joseph-Ducuing. « La richesse de l’interdisciplinarité et du questionnement éthique m’a d’emblée beaucoup plu, témoigne-t-elle. Médecins, infirmières, aides-soignantes, psychologue, assistante sociale, agents d’entretien, kinésithérapeutes, bénévoles : tous travaillent ensemble. Dans cette unité, les patients sont accompagnés dans leur globalité, on ne se concentre pas seulement sur la maladie mais aussi sur la façon dont les patients et les familles vivent ce moment. On priorise les actions selon leurs envies. » Amandine Clary, 34 ans, travaille désormais au CHU de Bordeaux (Gironde), dans une équipe mobile de soins palliatifs, un domaine dans lequel elle a obtenu un diplôme universitaire, et comme référente sclérose en plaques au Pôle régional maladies neurodégénératives à Toulouse.
« À l’USP, les soignants accompagnent certains patients sur de longues périodes malgré la stabilisation des symptômes », explique-t-elle. C’est le cas de personnes atteintes d’une maladie grave au pronostic réservé, âgées de moins de 60 ans, qui n’ont pas leur place en Ehpad ou qui se trouvent en situation d’isolement socio-familial. Par exemple des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique, de glioblastome ou d’un cancer. « Mais ce n’est pas une solution satisfaisante, l’hôpital n’étant pas un lieu de vie. » Autre contexte dans lequel on peut recourir à une hospitalisation en soins palliatifs : lorsque le patient est accompagné par un aidant épuisé psychologiquement et physiquement. « Le retour à la maison est alors difficilement envisageable, car il est souvent impossible de mobiliser toutes les aides au domicile nécessaires », pointe Amandine Clary. Or l’hospitalisation « ne répond pas non plus à ses besoins, qui sont ceux d’un citoyen avec des attentes, des loisirs, des passions… Il lui manque une vie sociale. De surcroît, cette solution ne permet pas de soulager les aidants. » D’où la nécessité d’imaginer un autre lieu pour permettre à ceux-ci de souffler. « Une structure agréable, chaleureuse, à mi-chemin entre le domicile et l’hôpital. Une douzaine de lits, pas plus. Avec des normes de sécurité et d’hygiène les plus invisibles possible, où la maladie serait, un temps, écartée, en évitant par exemple la présence des chariots de soins, mais où seraient valorisées les animations socioculturelles comme le jardinage, la lecture, les sorties au théâtre. »
Cette envie, plusieurs soignantes de l’hôpital Joseph-Ducuing la partageaient : Amandine, Joséphine, Virginie, Natacha, Yvelise, « soudées par des valeurs communes sur le besoin d’humanité en fin de vie, militantes dans l’âme pour que soit reconnu le répit pour les aidants. Or nous savions qu’un projet de maison de vie avait été mené avec succès à Gardanne (Bouches-du-Rhône) », indique Amandine Clary (lire encadré). Dès lors, pourquoi pas à Toulouse ? Ainsi est née, en 2016, l’association Oustal Mariposa, dont Amandine Clary est la coprésidente. Au gré des rencontres, d’autres amies et collègues l’ont soutenue ou rejointe. Une psychologue, une cadre de santé, une responsable qualité, une aide-soignante et plusieurs IDE font aujourd’hui partie de l’association, qui peaufine actuellement son projet de lieu de vie.
« Nous avons d’abord rencontré les personnes qui avaient mis en place ce type de projet, indique Amandine. Cela nous a permis de faire le point sur ce qu’il fallait développer ou éviter. » L’équipe d’Oustal Mariposa souhaite proposer trois types d’offres : des séjours de répit programmés dans l’année, un accueil « urgence répit » (au cas où, subitement, l’aidant ne pourrait plus assurer l’accompagnement), et enfin une offre de séjour sur du plus long terme, par exemple pour les personnes en situation d’isolement social. « Côté partenaires, les Petits Frères des pauvres nous aident à établir le projet “bénévoles”, qu’ils nous expliquent comment former, recruter, coordonner et accompagner. Leur place est déterminante pour créer du lien : entretien d’un jardin potager, organisation d’activités artistiques, sorties culturelles… » L’équipe recherche aussi des mécènes pour financer l’achat d’un terrain et la construction d’une maison. Mais pour l’heure, le problème le plus épineux porte sur le budget de fonctionnement. « Nous avons rencontré l’ARS Occitanie, elle soutient notre projet ainsi que deux autres, dans l’Aude et le Tarn. Nous sommes dans un contexte favorable », estime Amandine. Le répit est en effet abordé dans d’autres plans gouvernementaux que celui consacré aux soins palliatifs : maladies neurodégénératives, personnes âgées, handicap, cancérologie. Un « droit au répit » pour les aidants a même été instauré en 2016. Car pour eux, il s’agit aussi de prévention, l’axe fort de la politique de santé du gouvernement.
« Les infirmières libérales sont en première ligne pour accompagner les personnes en fin de vie. À domicile, elles apportent réconfort et chaleur humaine. Leur métier va au-delà de l’acte technique.
Elles jouent un rôle clé pour repérer les signes de mal-être chez l’aidant et le patient car, souvent, elles représentent la seule visite dans la journée. Elles ont une relation privilégiée avec la famille. »
La Maison, à Gardanne (Bouches-du-Rhône), a ouvert en juin 2016 une unité de soins palliatifs long séjour, la Villa Izoï. Les deux Toulousaines Joséphine et Amandine, coprésidentes de l’association Oustal Mariposa, ont découvert cet établissement dans le cadre de leur DU en soins palliatifs. La Maison leur sert désormais de modèle. « L’équipe de Gardanne nous a beaucoup aidées dans la mise en place et la méthodologie », rapporte Amandine. établissement de santé privé à but non lucratif d’intérêt collectif géré par une association et financé par l’état, la Maison bénéficie du soutien de nombreux partenaires : collectivités, fondations, associations, donateurs privés, familles… Outre la Villa Izoï, la structure regroupe deux unités de soins palliatifs, un accueil de jour, une équipe mobile territoriale de soins palliatifs à domicile (en partenariat avec un réseau de soins palliatifs et d’autres unités du département) ainsi qu’un organisme de formation.