L'infirmière Libérale Magazine n° 347 du 01/05/2018

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

Thierry Pennable  

La contribution des activités sportives à la prévention et à l’amélioration de nombreuses pathologies chroniques n’est plus à démontrer. Les auteurs d’un rapport sur la pratique du « sport santé » en France recommandent une clarification du concept et un engagement financier de l’État.

L’inactivité physique associée à une alimentation déséquilibrée est devenue la première cause de mortalité évitable dans le monde, alerte l’Organisation mondiale de la santé. Elle serait ainsi à l’origine de 21 à 25 % des cancers du sein et du côlon, et de 27 % des diabètes. En Europe, l’inactivité physique est à elle seule responsable de 10 % des décès. C’est dans ce contexte que le rapport remis – conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) – le 16 mars à la ministre de la Santé et à la ministre des Sports fait le point sur le concept de sport santé en France.

Initiatives hétérogènes

C’est une instruction interministérielle de 2012 et la loi de modernisation du système de santé de 2016 qui ont instauré en France la pratique d’activités physiques et sportives comme facteur de santé publique. Depuis, toutes les régions disposent de plans « sport santé bien-être » cogérés par les Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et les Agences régionales de santé. Ces plans s’adressent à un public « à besoins particuliers », comme les personnes handicapées, atteintes de maladies chroniques ou avançant en âge, mais ne bénéficient que dans une faible mesure au public ciblé. Le sport santé a aussi donné lieu à diverses initiatives, principalement menées par des acteurs associatifs, le plus souvent avec la contribution des collectivités locales. « De multiples dispositifs existent déjà grâce au travail des acteurs impliqués sur l’ensemble des territoires (…). Nous devons nous inspirer de cette expérience de terrain pour aller plus loin au niveau national », constatait Laura Flessel, ministre des Sports, lors des Assises européennes du sport santé sur ordonnance, en octobre 2017.

Des freins à la prévention

Le sport santé manque de lisibilité. Peu relayé auprès des professionnels de santé, le concept de « soins préventifs » souffre d’un manque d’appropriation par les médecins traitants et d’un défaut de prise en charge par l’Assurance maladie, souligne le rapport de l’IGAS/IGJS. Les recommandations opérationnelles validées scientifiquement sont trop rares. Elles ne permettent pas aux professionnels de guider le public vers une activité physique ou sportive adaptée au profil de chacun, surtout en présence d’une pathologie. « C’est un des objectifs des futures recommandations de la Haute Autorité de santé qui vont être publiées prochainement », informe le Dr Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg et membre du Comité de pilotage de la stratégie sport santé installé depuis quelques semaines à Paris. « Ce sera un outil d’aide à la prescription d’activités physiques adaptées à des pathologies comme le diabète, l’obésité, les pathologies cardiovasculaires, les cancers ou la dépression. Ce “guide” aura aussi vocation à favoriser la promotion du sport santé par les professionnels impliqués », ajoute le médecin, à l’initiative du premier dispositif « Sport Santé sur ordonnance » mis en place à Strasbourg en novembre 2012.

500 maisons sport santé

En dévoilant en mars sa stratégie pour le sport santé élaborée en collaboration avec la ministre des Solidarités et de la Santé, Laura Flessel a émis le souhait de créer cinq cents maisons sport santé. « Elles seront un intermédiaire entre l’hôpital et le retour à la pratique dans un club. Des lieux de rencontre et de partage autour du sport pour amener à une pratique durable », a précisé la ministre. Les auteurs du rapport préconisent que le concept et l’intérêt des « maisons sport santé » soient bien définis, avec un cahier des charges précis avant leur mise en place. « Le ministère des Sports est très volontariste. Nous espérons le même volontarisme du ministère de la Santé, souligne le Dr Alexandre Feltz. Lorsque la ministre de la Santé parle du diabète, elle ne cite que des professionnels de santé : médecins généralistes, endocrinologues, pharmaciens, infirmières, sans évoquer l’apport nécessaire des intervenants spécialisés en activités physiques adaptées. Alors que la prise en charge, au moins partielle, du sport sur ordonnance par la Sécurité sociale est une recommandation du rapport. » L’évolution des mentalités vers une « prise en soin » de prévention pourrait passer par une demande forte de la population. Encore faut-il que celle-ci soit informée sur l’intérêt et la mise en œuvre de tels soins préventifs…