Adeline Cancel, 35 ans, exerce comme Idel. Et en pratique avancée : en ville, elle conduit des consultations infirmières, prescrit, oriente les patients. Un travail pour l’instant bénévole.
J’exerce au sein d’une maison de santé multi-sites de l’Hérault, dans une zone rurale sous-dense en médecins. Je suis libérale, mais également diplômée depuis 2017 d’un master en sciences cliniques infirmières. J’ai mis en place, un ou deux jours par semaine, des consultations de pratique avancée pour répondre à la demande de soins, très importante. Je travaille en collaboration avec un médecin généraliste, qui m’envoie ses patients chroniques stabilisés. Je réalise une dizaine de consultations par semaine, bénévolement, car le décret d’application sur les pratiques avancées n’est toujours pas paru. Le médecin me signe par avance des ordonnances, à son nom, que j’utilise dans mes consultations. J’exerce pour l’instant de manière expérimentale, avec le soutien de l’Agence régionale de santé. Mes consultations durent entre 45 minutes et 1 heure. Mon champ d’action est large : diabète, BPCO, insuffisance cardiaque ou rénale, cancer, démences comme Alzheimer ou Parkinson, etc. Je réalise un examen clinique complet, j’interroge longuement le patient sur ses problèmes, ses besoins, l’observance et la compréhension de son traitement. Je renouvelle les ordonnances, je les adapte parfois, je prescris des prises de sang ou des examens complémentaires. J’oriente si nécessaire vers un médecin spécialiste. Je vais souvent au domicile des patients âgés, où je peux identifier des problèmes sociaux, des risques de chute, de fragilité. Je fais également de la prévention et de l’éducation à la santé. Quand je constate une dégradation de l’état de santé du patient, je l’envoie immédiatement chez le médecin. Avant de débuter cette consultation, j’ai organisé une réunion d’information pour les autres professionnels de santé du secteur, afin de leur expliquer mon mode d’exercice et répondre à leurs craintes, car la pratique avancée est encore très mal connue. Il est important d’expliquer que je travaille en collaboration avec les infirmiers libéraux et que je ne suis pas là pour détourner leur patientèle. Je peux prescrire des actes infirmiers mais je ne les fais pas à leur place ! Ils peuvent aussi s’adresser à moi s’ils sont en difficulté avec un patient complexe : je peux mettre en place une coordination avec les services médico-sociaux, l’hôpital, des médecins spécialistes, etc. J’ai débuté ces consultations il y a trois mois, et la demande est là. Mais je dois me freiner, car je travaille de manière bénévole. »
« Quand le décret sur les pratiques avancées paraîtra en juin, Adeline Cancel pourra exercer réellement en tant qu’IPA. Elle devra sans doute passer par une validation des acquis de l’expérience, car les masters de pratique avancée n’ouvriront qu’en septembre. L’objectif est qu’il y ait, à terme, 3 à 5 % d’IPA, soit 25 000 infirmières. En ville, elles assureront le suivi des patients chroniques stabilisés, dont les consultations chez le médecin seront espacées. L’IPA sera autonome, mais travaillera en étroite collaboration avec le médecin. En ville, il y a cependant toujours un frein : l’absence de modèle économique. Les consultations d’IPA ne seront pas payées à l’acte. Il faut définir autre chose : un paiement à la mission, au parcours, par patient, un statut salarié dans les maisons de santé, etc. Les premières promotions seront diplômées en 2020. »