Cahier de formation
Savoir faire
La découverte des récepteurs des hormones au cours du XXe siècle a ouvert des perspectives à une nouvelle pharmacologie. Des médicaments avec des propriétés hormonales sont aujourd’hui utilisés dans des thérapeutiques palliatives en cas de carence physiologique en hormones endogènes.
C’est le cas avec les œstrogènes et progestatifs lorsque l’activité ovarienne cesse à la ménopause, ou avec la testostérone pour l’hypogonadisme chez l’homme.
La ménopause est un phénomène naturel qui survient généralement autour de 50 ans et peut naturellement débuter entre 40 et 55 ans. Elle correspond à l’arrêt de la production d’hormones ovariennes, œstrogène et progestérone, à la suite de l’épuisement du capital folliculaire ovarien. Le terme “climatère”, synonyme de ménopause, désigne cette période de modification biologique.
Après l’âge de 50 ans, l’association d’une aménorrhée et de bouffées de chaleur suffit à poser le diagnostic. Un dosage de l’œstradiolémie et de la FSH n’est utile qu’en cas d’hystérectomie où l’aménorrhée ne peut être interprétée. En cas de ménopause, l’œstradiolémie est diminuée et la FSH augmentée.
Avant 45 ans, une aménorrhée justifie un dosage systématique de FSH pour ne pas méconnaître une autre étiologie de l’absence de règles. Un taux de FSH élevé avant 40 ans entre dans le cadre d’une insuffisance ovarienne prématurée, encore appelée “ménopause précoce”. Ce terme est aujourd’hui évité. D’une part parce que l’insuffisance ovarienne prématurée n’est pas toujours définitive, contrairement à la ménopause physiologique, d’autre part à cause de l’impact négatif du terme “ménopause” sur les jeunes patientes lors du diagnostic.
La ménopause est précédée d’une phase dite « préménopause », ou “périménopause”, qui débute environ cinq ans avant l’interruption définitive des règles
Un syndrome climatérique est présent dans environ 50 à 70 % des cas
→ bouffées de chaleur et crises sudorales, surtout nocturnes, qui entraînent ou aggravent des troubles du sommeil ;
→ des troubles de l’humeur (irritabilité, anxiété, insomnie…), inconstants, qui peuvent conduire à une dépression ;
→ une atrophie de la muqueuse vulvo-vaginale et une diminution des sécrétions vaginales, qui peuvent provoquer une douleur lors des rapports sexuels (dyspareunie) ;
→ une sécheresse cutanéo-muqueuse, avec notamment un amincissement et une perte d’élasticité de la peau…
Le déficit en œstrogènes provoque des douleurs ostéoarticulaires fréquentes (dans environ 40 % des cas) et une accélération rapide de la perte osseuse qui peut atteindre 4 % par an après la ménopause
Le risque d’accidents cardiovasculaires, infarctus ou accident vasculaire cérébral, augmente après la ménopause et se rapproche de celui observé chez l’homme. La « protection » cardiovasculaire liée aux œstrogènes chez la femme disparaît avec l’arrêt de leur sécrétion ovarienne.
Baisse de la libido, troubles de l’humeur, irritabilité ou syndrome dépressif seraient liés à la carence œstrogénique. Il n’existe pas de preuves formelles d’un lien entre cette carence et la survenue de troubles cognitifs ou de maladie d’Alzheimer.
Compte tenu des risques associés au traitement hormonal de la ménopause (THM) (voir tableau p. 45), la Haute Autorité de santé (HAS)
→ réserver le THM aux symptomatologies gênantes au point d’altérer la qualité de vie ;
→ prescrire le THM à dose minimale et pour une durée limitée ;
→ évaluer le rapport bénéfice/ risque propre à chaque femme ;
→ réévaluer le traitement chaque année pour ajuster les doses.
Il est démontré que le THM :
→ améliore les symptômes liés à la carence œstrogénique de la ménopause (sueurs, bouffées de chaleur, douleurs diffuses…) ;
→ prévient le risque d’ostéoporose et de fractures ostéoporotiques : c’est une indication de seconde intention du traitement.
En France, l’œstrogène le plus utilisé est le 17-bêta-œstradiol, œstrogène naturel administré par voie orale, percutanée (gel) ou transdermique. Ces deux dernières voies d’administration permettent d’éviter le premier passage hépatique et de limiter l’augmentation des facteurs de la coagulation. Cela pourrait expliquer qu’elles ne présentent pas un sur-risque d’accidents veineux thromboemboliques constaté avec les traitements per os.
La dose quotidienne de 17-bêta-œstradiol permettant une prévention de l’ostéoporose est de 1 à 2 mg per os, ou de 50 à 100 mg par voie transdermique
L’œstradiol est dit « naturel » quand sa structure chimique est très proche de celle de l’œstradiol endogène, bien que synthétisé en laboratoire.
Un seul médicament, Progynova 1 ou 2 mg, est indiqué dans le traitement des symptômes de déficit en œstrogènes chez les femmes ménopausées. Progynova 2 mg est aussi indiqué dans la prévention de l’ostéoporose postménopausique.
Le traitement œstrogénique peut être administré seul chez les femmes ayant subi une hystérectomie. Dans le cas contraire, il est obligatoirement associé à un progestatif au moins dix jours par mois (voir tableau p. 44), qui s’oppose à l’effet prolifératif des œstrogènes sur le tissu endométrial, en prévention du risque d’hyperplasie, et donc de cancer, de l’endomètre. Le traitement associant œstrogène et progestatif peut être pris :
→ de façon cyclique : œstrogènes et progestatifs sont pris certains jours du mois et les règles surviennent tous les mois ;
→ de façon continue : les hormones sont prises ensemble tous les jours et il n’y a plus de règles. Le médecin peut alors déclencher des règles après quelques mois de traitement pour éviter un épaississement de l’endomètre.
L’éthinylœstradiol, dérivé synthétique de l’œstradiol, est le seul œstrogène “artificiel” commercialisé en France. Il est indiqué :
→ dans l’amélioration de la glaire cervicale dans le traitement de l’hypofertilité et dans la préparation cervicale à certains examens gynécologiques, comme la colposcopie ou l’hystéroscopie (Éthinylœstradiol Effik 50 µg) ;
→ dans la contraception hormonale orale en association à des progestatifs dans les pilules œstroprogestatives (lévonorgestrel, norgestrel, gestodène, drospirénone…) (voir tableau p. 44).
Les médicaments à base d’œstriol sont indiqués dans différentes indications liées à la carence œstrogénique :
→ en comprimés (Physiogine) dans le traitement de courte durée des insuffisances ovariennes primitives ou secondaires naturelles ou artificielles ;
→ sous forme de crème vaginale (Physiogine, Trophicrème, Gydrelle) ou d’ovule (Physiogine) : même indications que ci-dessus plus ulcérations ;
→ sous forme de gel vaginal (Blissel), dans le traitement local de la sécheresse vaginale chez les femmes ménopausées présentant une atrophie vaginale.
L’adaptation de la posologie du traitement œstrogénique se fait sur la clinique, pas sur des dosages hormonaux. La tolérance et l’efficacité du traitement sont évaluées dans les trois à six mois.
→ Signes de surdosage : tension douloureuse des seins, prise de poids, gonflement abdominal, nervosité, irritabilité.
→ Signes de sous-dosage : persistance ou réapparition d’un syndrome climatérique (bouffées de chaleur, fatigue, céphalées, état dépressif, douleurs articulaires, sécheresse vaginale…).
Certains effets indésirables sont fréquents et beaucoup sont communs aux différents traitements œstrogéniques (tableau ci-dessous).
Les principaux risques identifiés des THM sont le cancer du sein, de l’endomètre, de l’ovaire, le risque thromboembolique veineux et d’accident vasculaire cérébral
Il est admis que le THM associant œstrogènes et progestatifs entraîne une augmentation du risque de cancer du sein, surtout après cinq ans de traitement. Ce risque est lié à l’imprégnation œstroprogestative physiologiquement issue de l’activité ovarienne entre la puberté et la ménopause. Les THM prolongeant cette imprégnation naturelle exposent logiquement à un niveau de risque supérieur à celui observé en l’absence de traitement.
Les traitements à base d’œstrogènes seuls, qui sont réservés aux femmes ayant subi une hystérectomie, sont associés à un risque de cancer du sein moins élevé que les associations œstrogènes/progestatifs, même s’il n’est pas possible d’affirmer qu’ils sont sans danger
→ les œstroprogestatifs à base de dydrogestérone (Climaston) n’augmenteraient pas le risque de cancer du sein sur une courte durée, mais l’accroissent avec un traitement de plus de cinq ans
→ les autres traitements œstroprogestatifs augmentent le risque de cancer du sein en cours de traitement, même prescrits sur de courtes périodes. Ce sur-risque disparaît après l’arrêt d’un traitement de moins de cinq ans
En chiffres absolus, la différence de risque entre les femmes traitées ou non traitées reste relative. Sans THM, 450 femmes sur 10 000 présenteront un cancer du sein entre 50 et 70 ans ; elles sont huit de plus chaque année en cas de THM administré pendant une durée cinq ans
Le risque de cancer de l’endomètre augmente significativement avec les œstrogènes seuls. C’est pourquoi ils sont associés à des progestatifs, qui s’opposent à la prolifération de l’endomètre. Néanmoins, l’absence de risque avec l’ajout de progestatifs n’est pas certaine et dépendrait de la composition du progestatif et de sa posologie :
→ le risque de cancer de l’endomètre serait augmenté avec une prise de progestatif moins de dix jours par mois ;
→ il ne serait pas modifié et pourrait être réduit avec une prise de plus de douze jours par mois
Les œstrogènes seuls ou associés à des progestatifs entraîneraient une augmentation modérée du risque de cancer de l’ovaire. Ce risque serait de l’ordre de 1 cas de cancer supplémentaire pour 1 000 utilisatrices d’un THM et de 1 décès supplémentaire par cancer de l’ovaire pour 1 700 utilisatrices. Ce risque diminue progressivement après l’arrêt du traitement.
Une diminution du risque de cancer colorectal a été décrite chez les femmes sous THM. Toutefois, cet effet protecteur des hormones du THM n’est pas encore bien établi car, chez ces femmes traitées, les cancers étaient diagnostiqués à un stade plus avancé que ceux des femmes sans THM
Des symptômes intenses qui altèrent la qualité de la vie quotidienne ou des antécédents familiaux d’ostéoporose justifient une consultation médicale. En revanche, quelques mesures non médicamenteuses peuvent être bénéfiques en cas de bouffées de chaleur modérées et/ou de problèmes de sécheresse vaginale :
→ une alimentation équilibrée, en évitant les aliments épicés, la caféine (y compris dans le thé, le chocolat ou les sodas), et les boissons chaudes ou alcoolisées, qui peuvent elles-mêmes être à l’origine de bouffées de chaleur ;
→ une alimentation enrichie en calcium, par exemple contenant du lait et des produits laitiers, des eaux minérales ou encore des préparations riches en calcium ;
→ la pratique du sport, cette activité permettant en effet d’améliorer le sommeil et de lutter contre la dépression, l’ostéoporose et les maladies cardiovasculaires, en recrudescence chez la femme ménopausée, qui n’est plus protégée par les œstrogènes ;
→ la relaxation, par le yoga, la méditation, le stretching ou par d’autres activités ;
→ les soins du corps, en prenant du temps pour soi, pour les massages, les soins et l’hydratation de la peau, entre autres possibilités ;
→ le développement d’activités et de centres d’intérêts nouveaux ainsi que le maintien d’un cercle d’amis, qui peuvent aider à franchir cette période.
(1) Collège des enseignants en endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, « Ménopause et andropause », Polycopié des enseignants en endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, 3e édition, Elsevier-Masson, 2015.
(2) Société française d’endocrinologie, « Ménopause et andropause », item 120, UE5, cours, épreuves classantes nationales, 2016.
(3) Haute Autorité de santé, « Réévaluation des traitements hormonaux de la ménopause », Rapport d’évaluation de la Commission de la transparence, 28 mai 2014.
(4) Institut national du cancer, “Traitements hormonaux de la ménopause et risques de cancers”, Fiches repères, février 2015.
Mme C. a 52 ans et souffre de symptômes d’une carence œstrogénique en lien avec sa ménopause. Elle a tendance à cumuler les arrêts de travail. Elle vous dit que son gynécologue lui propose un traitement hormonal de la ménopause mais qu’elle hésite à cause du risque de cancer du sein.
Vous reconnaissez que ses craintes sont légitimes car un sur-risque de survenue de certains cancers est associé à ces traitements. Toutefois, les facteurs de ce risque, qu’ils soient ou non associés aux traitements de la ménopause, sont aujourd’hui mieux identifiés et mieux gérés. Vous lui expliquez que si son médecin lui a proposé ce traitement, c’est qu’il estime que le bénéfice qu’elle peut en tirer est supérieur aux risques encourus dans son cas. C’est une décision qu’elle doit prendre avec son gynécologue, qui doit lui donner toutes les informations sur ce point. Dans certains cas, quelques mesures hygiéno-diététiques peuvent avoir un intérêt.
→ En France, les prescriptions de traitements hormonaux de la ménopause (THM) ont augmenté régulièrement jusqu’en 2001 pour chuter de 62 % à partir de 2002, selon les remboursements de l’Assurance maladie
→ En cause, les résultats de l’essai « Women’s Health Initiative », vaste étude américaine qui a confirmé un risque de cancer du sein augmenté par la prise des THM. La diminution la plus importante concernait les femmes de 55-59 ans chez qui le taux de prescription est passé de 38,2 % en 2001 à 14,5 % en 2006
→ Des changements dans le choix de la voie d’administration et du type de progestatif associé ont aussi été observés.
* Institut national du cancer, « Traitements hormonaux de la ménopause et risques de cancers », Fiches repères, février 2015.