L'infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018

 

RÉMUNÉRATION EN VILLE ET À L’HÔPITAL

Actualité

Véronique Hunsinger  

Le ministère de la santé a publié en mai un appel à manifestation d’intérêt dans le but d’expérimenter à partir de l’année prochaine des financements au parcours de soins pour la prothèse de hanche. C’est une idée inspirée de la Suède et des États-Unis, à laquelle tient énormément le directeur de l’Assurance maladie, Nicolas Revel. Pour favoriser le virage ambulatoire, il a proposé au gouvernement d’expérimenter des financements au parcours de soins incluant la ville et l’hôpital. Message reçu par le ministère de la Santé qui a publié en mai un appel à manifestation d’intérêt dans le but d’identifier et de susciter des initiatives et des réflexions sur le sujet. La Cnamts pourra ensuite rédiger un cahier des charges en vue d’expérimentations en 2019. Celles-ci pourront être financées par le fonds de financement pour l’innovation créé par l’article 51 du budget de la Sécu. Pour lancer la machine, Nicolas Revel a proposé l’exemple de la prothèse totale de hanche. « Il s’agit d’une chirurgie qui peut être aujourd’hui réalisée en ambulatoire, a-t-il rappelé lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale, fin mai. Nous souhaitons, dans un premier temps, que les établissements MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) publics et privés nous proposent une organisation qui puisse prendre en charge le patient tout au long de son parcours en associant aussi des professionnels de santé libéraux. » Dans ce cadre, l’Assurance maladie ne financerait plus chacun des acteurs du parcours de soins individuellement mais verserait une enveloppe globale à l’hôpital ou à la clinique. À charge pour l’établissement de répartir ensuite ce forfait entre les différents acteurs, y compris les Idels.

Les Idels mises en garde

Le modèle économique n’est pas encore tout à fait stabilisé, reconnaît Nicolas Revel. Il faut dire qu’il rencontre une méfiance importante chez les chirurgiens. La Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) et le syndicat de chirurgiens libéraux Le Bloc ont même demandé un moratoire sur ce projet. « Notre première crainte est que ce forfait soit inférieur à la somme des actes réalisés par les différents acteurs du parcours », souligne le Dr Philippe Cuq, coprésident du Bloc. Autrement dit, que la Cnamts en profite pour faire des économies. Que se passera-il, par ailleurs, en cas de complications ou si le patient a besoin d’être réopéré ? La question n’est pas encore tranchée à ce jour, selon Nicolas Revel. « Ce qui nous paraît dangereux est le risque de sélection des patients, ajoute Philippe Cuq. Il n’y a évidemment pas les mêmes risques de complications après l’opération d’une prothèse de hanche chez un homme âgé de 120 kg diabétique et hypertendu que chez une femme de 62 ans qui pèse 50 kg et qui souffre d’arthrose de hanche invalidante sans autre comorbidité. » Le chirurgien met également en garde les Idels contre le risque de perte de leur indépendance professionnelle et surtout contre celui de ne récupérer que les miettes du forfait en n’arrivant qu’au bout du parcours du patient. « Qui va décider du nombre d’interventions des Idels pour les pansements, les injections d’anticoagulants ou la surveillance du patient au domicile ? », se demande-t-il. L’appel à manifestation d’intérêt du ministère devra être le moment d’y réfléchir.

* À consulter via le lien raccourci bit.ly/2sxFZVV