L'infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018

 

SUBSTITUTS NICOTINIQUES

Actualité

Thierry Pennable  

Après des gommes à mâcher, des patchs sont désormais pris en charge par l’Assurance maladie comme des médicaments remboursables. Le forfait annuel de prise en charge de 150 euros pour les substituts nicotiniques, prescriptibles par les IDE, est toutefois maintenu jusqu’à fin 2018.

Les gommes à mâcher Nicotine EG fruit ou menthe (voir tableau ci-dessous) ont été les premiers substituts nicotiniques inscrits sur la liste des médicaments remboursables par l’Assurance maladie le 22 mars dernier. Suivis le 16 mai par les patchs Nicoretteskin 16 heures, premiers patchs nicotiniques remboursables, produits par les laboratoires Johnson & Johnson. « L’inscription au remboursement de la forme patch répond à une demande des professionnels de santé. C’est la forme privilégiée par les prescripteurs », souligne Aurore Scouarnec, responsable des affaires médicales chez Johnson & Johnson Santé Beauté France.

Une démarche progressive

Passer du forfait d’aide au sevrage tabagique de 150 euros à un remboursement classique des substituts nicotiniques est un mouvement progressif qui implique une démarche des laboratoires, annonçait le plan “priorité prévention” du gouvernement présenté le 26 mars. En effet, « les laboratoires doivent faire la démarche d’inscrire leurs produits sur la liste des médicaments remboursables par l’Assurance maladie, explique Aurore Scouarnec. Pour obtenir cette inscription, les laboratoires doivent présenter un dossier à la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé, qui évalue l’intérêt thérapeutique de ces médicaments qui ont déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché [AMM]. S’ensuit alors une négociation sur les prix, puis le remboursement est effectif quatre jours après la publication de l’inscription du médicament au Journal officiel ». Cette démarche qui dépend de la volonté des laboratoires explique l’arrivée progressive des substituts nicotiniques remboursables sur prescription.

Jusqu’alors, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé autorisait les infirmières à prescrire des substituts nicotiniques pour donner accès au forfait d’aide au sevrage tabagique aux patients. Aujourd’hui, « les professionnels de santé autorisés à prescrire ces médicaments sont ceux autorisés par la loi du 26 janvier 2016, quel que soit le mode de remboursement de ces médicaments, indique la Cnamts(1), interrogée par nos soins. Cette loi autorise, en sus des médecins et des sages-femmes, les médecins du travail, les chirurgiens-dentistes, les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes à prescrire des traitements nicotiniques de substitution. »

Sous certains critères pour les IDE

La validité de la prescription de l’IDE reprend les mêmes critères que ceux de la prescription de substituts nicotiniques dans le cadre du forfait d’aide au sevrage tabagique de 150 euros(2). Ainsi, le remboursement des substituts ne peut bénéficier qu’« aux seuls patients dont l’infirmière assure la prise en charge et uniquement pendant la durée de la prescription médicale d’actes infirmiers, sauf indication contraire du médecin », souligne l’Assurance maladie. Rappelons que cette activité infirmière n’est pas spécifiquement rémunérée.

Comme tout autre médicament

Le taux de remboursement des substituts inscrits par l’Assurance maladie est fixé à 65 %, mais « la plupart des mutuelles vont prendre en charge le différentiel comme pour tout médicament remboursé à ce taux », rappelle Aurore Scouarnec. Leur prix de vente limite est fixé par décret. Ces substituts nicotiniques restent par ailleurs disponibles en vente libre, sans ordonnance, au prix fixé sur la liste des médicaments remboursés. « La limitation du nombre de substituts nicotiniques [reprend] les règles habituelles s’appliquant pour la prise en charge d’un médicament remboursable. En l’occurrence, une durée maximale de prescription de douze mois avec des délivrances faites par le pharmacien pour une durée d’un mois », précise l’Assurance maladie. Le forfait d’aide au sevrage tabagique de 150 euros étant maintenu jusqu’à la fin de l’année 2018, jusqu’à cette date, les infirmières sont autorisées à prescrire soit des substituts nicotiniques remboursés comme un autre médicament, soit dans le cadre d’un forfait.

(1) Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés.

(2) Pour la prescription des substituts nicotiniques avec ou hors forfait, lire notre n° 335 d’avril 2017.

Les pharmaciens veulent une plus grande marge de manœuvre

Le syndicat d’officinaux USPO demande aux autorités de permettre aux pharmaciens, qui n’ont pas le droit de prescrire les substituts nicotiniques, de conseiller ceux pris en charge par l’Assurance maladie, relève Le Quotidien du pharmacien du 28/3. Le président de l’USPO plaide aussi « pour que les officinaux puissent conduire des entretiens de motivation sur les six premiers mois d’un sevrage tabagique, dans le cadre conventionnel avec l’Assurance maladie ».

LES FRANÇAIS FUMENT MOINS

La prévalence du tabagisme a connu une baisse significative entre 2010 et 2016 en France, de l’ordre d’1,4 million de fumeurs en moins parmi les 18-75 ans. Pour la première fois depuis 2000, la prévalence du tabagisme diminue chez les plus défavorisés, passant de 38,8 % en 2016 à 34 % en 2017 pour les revenus les plus faibles et de 49,7 % à 43,5 % chez les chômeurs. Baisse aussi parmi les hommes de 45-54 ans et les femmes de 55-64 ans, deux tranches d’âges où le tabagisme était en constante augmentation depuis 2005. Cette baisse « d’une ampleur inédite depuis une dizaine d’années » laisse supposer une efficacité de l’intensification des mesures réglementaires et préventives, comme l’augmentation fin 2016 de 50 à 150 euros du forfait de prise en charge des substituts nicotiniques prescrits, le paquet neutre, l’opération “Mois sans tabac” ou la nouvelle application pour mobile Tabac info service. Ces résultats incitent donc à poursuivre les actions. D’autant qu’avec 31,9 % de fumeurs au moins occasionnels parmi les personnes interrogées en 2017, la France fait toujours moins bien que l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas (environ 25 % de fumeurs) et que l’Italie (environ 20 %).

Source : Santé publique France, “La consommation de tabac en France : premiers résultats du baromètre santé 2017”, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, février 2018 (lien raccourci : bit.ly/2sDEBRL).