L'infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018

 

Maladie chronique auto-immune

Cahier de formation

Point sur

Florence Leandro*   Dr Laurent Chiche**  

Le lupus érythémateux aigu systémique, aussi appelé “lupus érythémateux disséminé” ou tout simplement “lupus”, est une maladie auto-immune complexe et polymorphe. Pour un contrôle optimal de sa maladie, le patient est encouragé à appliquer des mesures hygiéno-diététiques et à se faire suivre régulièrement en plus des traitements médicamenteux.

Symptômes

→ Étymologiquement, lupus signifie “loup” en latin, pour désigner l’éruption cutanée caractéristique des patients lupiques : des lésions sur le visage qui prennent la forme d’un masque de loup de carnaval. Dans l’imaginaire collectif, le lupus est donc avant tout une maladie de peau. C’est parfois vrai, il s’agit alors d’un lupus cutané “pur”, relativement bénin quoique très gênant au quotidien.

→ Mais le lupus est bien souvent une maladie globale pouvant atteindre de nombreux organes : essentiellement la peau (lupus aigu, subaigu ou chronique) et les articulations (rhumatisme inflammatoire non déformant et non destructeur touchant les mains, les poignets, les genoux, les chevilles…), mais aussi le rein (glomérulonéphrite), le cœur (péricardite) ou le cerveau (neurolupus). Dans ce dernier cas, le pronostic vital peut être engagé en fonction des organes atteints.

→ Le lupus est une maladie chronique où alternent poussées et périodes d’accalmie : les rechutes peuvent concerner toujours les mêmes organes ou bien en toucher de nouveaux. Il s’agit d’une connectivite ou collagénose : l’inflammation chronique associée à ce type de maladie provoque les différents symptômes et augmente le risque cardiovasculaire.

→ Enfin, le lupus est régulièrement associé à d’autres pathologies auto-immunes : thyroïdite de Hashimoto, syndrome de Gougerot-Sjögren (aussi appelé “syndrome sec”), polyarthrite… Le patient peut également être atteint du syndrome des antiphospholipides (SAPL) : des auto-anticorps dirigés contre les phospholipides, constituants principaux des membranes cellulaires, provoquent thromboses et fausses couches à répétition.

Physiopathologie

Le lupus est une maladie auto-immune, marquée par un système immunitaire hyperactif et déréglé et la présence d’auto-anticorps. Ceux-ci s’attaquent aux cellules de l’individu plutôt que de les tolérer, d’où l’accumulation de complexes immuns et le développement de lésions tissulaires. Des prédispositions génétiques créent une sorte de terrain génétique favorable ; pour autant, le lupus n’est pas à proprement parler une maladie génétique transmissible. Parmi les facteurs externes : l’exposition solaire, le tabac, certains médicaments, les œstrogènes (d’où une rémission souvent observée lors de la ménopause), le stress, des virus, des polluants…

Personnes concernées

Le lupus est une maladie rare dont la prévalence est estimée à environ 40/100 000 en France. La maladie touche surtout les femmes (90 %), et plus particulièrement les jeunes femmes. Mais n’importe qui peut développer la maladie, sans distinction d’âge ni de sexe. Le lupus est plus fréquent dans les populations noires et asiatiques.

Diagnostic

→ Difficile de poser le diagnostic d’une maladie lorsque celle-ci s’exprime de façon aussi variable. De plus, les symptômes en présence sont non spécifiques ou atteignent des patients a priori moins à risque de lupus : enfants, hommes, personnes âgées…

→ La biologie est très contributive : des anomalies non spécifiques telles que des cytopénies ou des signes biologiques d’insuffisance rénale sont associées à la présence d’auto-anticorps dans le sang. Des anticorps antinucléaires sont fréquemment retrouvés mais ne sont pas spécifiques du lupus ; les anticorps anti-ADN natif sont plus spécifiques mais moins souvent présents ; autres anticorps : anti-Sm, anti-SSA, anti-SSB, anti-RNP… et, bien entendu, anti-phospholipides en cas de SAPL.

→ Le diagnostic associe des critères cliniques et biologiques : sur les onze critères retenus par les sociétés savantes, seuls quatre sont nécessaires pour poser le diagnostic. Le patient lupique peut ensuite bénéficier d’une prise en charge pour affection de longue durée (ALD 21). À noter que la biopsie de certains tissus ou organes, en particulier le rein, est parfois nécessaire pour préciser le diagnostic et guider la thérapeutique.

Principaux traitements

→ La prise en charge dépend des organes touchés.

→ Pour les formes cutanées et/ou articulaires, le traitement est d’abord symptomatique. Des dermocorticoïdes sont prescrits en cas de lupus cutané, tandis que des anti-inflammatoires (stéroïdiens et/ou non stéroïdiens) soulagent les arthralgies. Si cela ne suffit pas : mise en place d’un traitement immunomodulateur à base de corticoïdes et/ou d’immunosuppresseurs.

→ Pour les formes viscérales de la maladie, notamment celles qui touchent le rein et le cerveau, le traitement immunomodulateur est instauré d’emblée.

→ À l’inverse, le traitement de fond est commun à la quasi-totalité des lupus. Il repose sur l’hydroxychloroquine (Plaquenil), un antipaludéen de synthèse.

→ Certains traitements du lupus sont disponibles uniquement à l’hôpital : perfusions intraveineuses de cyclophosphamide, de bélimumab, de rituximab (ce dernier est hors AMM). D’autres médicaments sont prescrits si besoin : par exemple, des anticoagulants en cas de SAPL.

→ Dans tous les cas, le traitement est celui d’une maladie chronique, c’est-à-dire un traitement au long cours.

Conseils aux patients

→ L’observance médicamenteuse est essentielle pour maintenir la maladie sous contrôle, mais ne suffit pas.

→ Les mesures hygiéno-diététiques comprennent la mise en place d’une photoprotection efficace, l’éviction des médicaments inducteurs, la prescription d’une contraception adaptée, la lutte contre le stress ou encore la prévention du risque cardiovasculaire. Le tabac est déconseillé car il participe au risque cardiovasculaire, à l’inflammation chronique et à une moindre efficacité de l’hydroxychloroquine. Face à l’immunodépression induite par les médicaments et la maladie elle-même : prévention du risque infectieux et mise à jour des vaccins (attention : vaccins vivants atténués contre-indiqués sous immunosuppresseurs).

→ Le suivi du patient est régulier : surveillance de la fonction rénale, dosage des auto-anticorps, contrôle ophtalmologique sous hydroxychloroquine, supplémentation vitamino-calcique pour prévenir l’ostéoporose due à la corticothérapie au long cours…

→ Contrairement aux idées reçues, une grossesse est possible du moment que la maladie est stabilisée depuis au moins six mois.

→ Pour sortir de son isolement, le patient est encouragé à participer à des ateliers d’éducation thérapeutique ou à adhérer à une association.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.