Alors qu’a été annoncé un effort supplémentaire de 143 millions d’euros en faveur des Ehpad, le compte n’y est pas pour les initiateurs du mouvement social qui anime les établissements depuis le début de l’année.
Le 30 mai, Agnès Buzyn a dévoilé sa feuille de route “grand âge et autonomie”, censée répondre au malaise des personnes âgées, de leurs familles et de ceux qui les prennent en charge. Au premier rang des mesures annoncées en clôture de la journée de travail de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et de l’Assemblée des départements de France, des crédits additionnels pour les Ehpad, avec « un effort supplémentaire de 143 millions d’euros qui s’ajoute aux 217 millions d’euros déjà prévus sur la période, soit au total 360 millions d’euros de 2019 à 2021 destinés au recrutement de personnels soignants ». Le ministère de la Santé entend par ailleurs poursuivre l’expérimentation d’un dispositif permettant la présence d’une infirmière de nuit mutualisée entre différents établissements pour 26 millions d’euros en 2019 et 2020. Il prévoit également de financer pour 15 millions d’euros supplémentaires les plans de prévention en Ehpad, et promet qu’au moins 100 millions seront consacrés à l’investissement.
Cette pluie de millions n’est pas suffisante pour calmer les attentes des professionnels du secteur. « Avec 10 millions par an, on ne peut recruter que 280 infirmières pour exercer la nuit dans les 7 500 Ehpad », détaille Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC) dans un communiqué. « La ministre joue au marchand de sable pour nous endormir », s’emporte-t-il. Caroline Fiat, députée (France insoumise) et aide-soignante qui avait co-signé un rapport parlementaire sur les Ehpad en mars, est sur la même ligne : « La ministre ne veut pas entendre, c’est plus qu’une grande déception, c’est une grande colère. »
Du côté des responsables d’établissement, le ton est plus mesuré, mais la déception est aussi de mise. « Beaucoup de ces mesures étaient déjà votées », constate Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). La seule véritable nouvelle réside selon lui dans les 143 millions d’euros pour recruter des personnels soignants sur trois ans. « Cela fait 1 500 postes dans 7 500 établissements, soit grosso modo huit minutes d’accompagnement en plus par jour, calcule-t-il. Avec huit minutes, vous ne changez rien au problème. » Pour l’intersyndicale qui mène avec l’AD-PA depuis le mois de janvier un mouvement de protestation dans les Ehpad, le verdict est donc sans appel. « Le compte n’y est pas, la colère va continuer à monter », ont déclaré ses responsables lors d’une conférence de presse consécutive aux annonces ministérielles. Ceux-ci estiment qu’une nouvelle journée d’action pourrait avoir lieu après l’été.
• Une annonce ministérielle semble rassurer au moins certains membres du mouvement social : le plan d’Agnès Buzyn prévoit d’organiser « un large débat associant l’ensemble des acteurs et des citoyens pour imaginer le modèle de prise en charge de l’âge et de la perte d’autonomie de demain et qui permettra à la France d’être au rendez-vous en 2030 ». Ce débat doit s’ouvrir dans les semaines qui viennent. Romain Gizolme, directeur de l’AD-PA, s’en félicite. « C’est pour nous le signe que l’État envisage de proposer des choses », veut-il croire.