Patients, soignants, vaccins et droit - L'Infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018

 

EN PRATIQUE

Votre cabinet

Magali Clausener  

La vaccination fait partie de l’activité de l’infirmière libérale, en termes d’acte d’injection ou d’information aux patients et aux parents.

Les responsabilités des Idels et des soignants

La vaccination fait partie des missions de l’infirmière selon l’article R4311-1 du Code de la santé publique (CSP). Elle est en général pratiquée sur prescription médicale (article R4311-7 du CSP). Une exception : la vaccination antigrippale autorisée par le décret n° 2008-877 du 29 août 2008 (article R4311-5-1 du CSP). « La vaccination est un acte préventif qui ne modifie pas en soi les règles de responsabilité du professionnel de santé », rappelle Nicolas Gombault, directeur général délégué de l’assureur MACSF-Le Sou médical. Les différentes phases de la vaccination (prescription, délivrance, injection, suivi du patient) peuvent engager la responsabilité des acteurs de santé qui interviennent. Concernant l’infirmière, sa responsabilité pour faute est susceptible d’être engagée sur la réalisation de la vaccination et le suivi du patient, l’indication et la prescription relevant du médecin prescripteur. Par exemple, le patient peut reprocher à l’infirmière une erreur de dosage ou de lecture de la prescription, de ne pas avoir recherché de contre-indication, d’avoir mal réalisé l’injection ou bien de ne pas avoir traité un effet indésirable à la suite de la vaccination. Ainsi, un patient pris d’un malaise après une vaccination peut mettre en cause l’infirmière qui a réalisé l’acte.

Si le patient déclare une pathologie à la suite d’une vaccination, il peut se retourner contre le producteur du vaccin pour défaut du produit (directive européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, transposée dans le droit français en 1998 dans le Code civil, article 1245 (1)). La responsabilité du professionnel de santé ne peut être retenue sauf s’il y a faute de sa part. Ainsi, l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux), qui indemnise les personnes malades à la suite d’une vaccination obligatoire, peut poursuivre le professionnel de santé. En matière d’information, la responsabilité du professionnel de santé est totale selon Nicolas Gombault. « L’infirmier a un devoir d’information. Il y a souvent un défaut d’information, or cela peut engager la responsabilité du professionnel. » Le professionnel doit par exemple informer le patient sur les risques encourus (par exemple, la possibilité de déclarer une pathologie en raison de la vaccination) et être à même de démontrer qu’il a apporté cette information, ce qui est loin d’être simple. Des décisions de justice ont même retenu l’obligation d’informer s’agissant d’un risque non démontré scientifiquement, dès lors qu’il y avait controverse.

Dernier point important : l’infirmier qui rédige une fausse attestation de vaccination peut être poursuivi pour faux et usage de faux et encourir une sanction pénale, ainsi qu’une sanction disciplinaire.

L’obligation de vaccination de certains soignants et leur indemnisation en cas de maladie

Dans le cadre d’une vaccination obligatoire pour les professionnels de santé, c’est l’Oniam qui est en charge d’indemniser les victimes. Sont ainsi concernées toutes les personnes ayant subi un dommage à la suite d’une vaccination obligatoire imposée par la législation française et effectuée soit dans le cadre d’une activité professionnelle, exercée dans un établissement ou organisme, public ou privé, de prévention de soins ou d’hébergement de personnes âgées, et exposant à des risques de contamination ; soit dans le cadre d’un cursus scolaire préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé pour lequel une part des études a été effectuée dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins. Une infirmière libérale qui se fait vacciner par exemple contre l’hépatite B parce qu’elle se rend au domicile de patients et déclare une sclérose en plaques ne sera pas indemnisée par l’Oniam. En effet, elle ne relève pas des catégories de personnes qui doivent être vaccinées (2). Lors du colloque “Vaccination et droit”, organisé à Paris le 27 mars 2018 par l’Institut Droit et santé, Jérôme Peigné, professeur à la faculté de pharmacie de l’université Paris-Descartes, a ainsi souligné que le Conseil d’État a estimé qu’une auxiliaire de vie employée par une association d’aide au maintien à domicile ne relève d’aucune des catégories de personnes limitativement énumérées par l’arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné contre l’hépatite B (décision du 19 février 2016).

L’infirmière devra donc saisir la juridiction compétente contre le producteur du vaccin, le médecin prescripteur ou le médecin vaccinateur, car « les dommages imputables à des vaccinations qui ne sont pas obligatoires relèvent de la responsabilité des acteurs de santé, notamment du régime de responsabilité des producteurs de produits de santé », précise l’Oniam. Encore faut-il prouver la causalité entre la vaccination et la pathologie déclarée. Selon Jérôme Peigné, les contentieux du vaccin contre l’hépatite B montrent qu’il y a autant de décisions en faveur d’un lien entre la vaccination et la maladie (notamment sclérose en plaques) qu’en défaveur de ce lien.

Les sanctions pour les parents qui refusent de vacciner leurs enfants

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a supprimé l’article L3116-4 du CSP qui sanctionnait directement le refus aux obligations de vaccination par les parents ou ceux qui exerçaient l’autorité parentale. Selon Clémentine Lequillerier, maître de conférences à l’université Paris-Descartes, qui est intervenue au colloque “Vaccination et droit” de l’Institut Droit et santé, cette suppression répond à l’objectif de susciter la confiance dans les vaccins. Pour autant, il est toujours possible de sanctionner indirectement les parents qui ne veulent pas que leurs enfants reçoivent les vaccins obligatoires. L’article du L227-17 du Code pénal sanctionne, en effet, la mise en péril des mineurs : « Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » « Il doit alors être prouvé que le parent est bien conscient du danger encouru par l’enfant. L’obligation vaccinale entre parfaitement dans le champ de cette disposition du Code pénal », souligne Clémentine Lequillerier. Une autre sanction est celle de l’exclusion, des structures collectives (crèches, écoles, colonies de vacances…), des enfants non vaccinés. « Soit les parents acceptent cette situation, soit ils auront recours à des faux, relève Clémentine Lequillerier. Mais les médecins qui rédigent de fausses attestations encourent des sanctions pénales pour faux et usage de faux, sans oublier la sanction disciplinaire. Un médecin a ainsi été radié de l’Ordre des médecins en 2017 pour un faux certificat de vaccination. »

(1) « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. »

(2) Pour les professionnels libéraux hors établissement ou organisme de prévention, sont recommandées les vaccinations DTP, coqueluche, grippe saisonnière, hépatite B.