L'infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018

 

SANTÉ AU TRAVAIL

Actualité

Isabel Soubelet  

Exposés à la toxicité intrinsèque des médicaments cytotoxiques utilisés dans les traitements des cancers, les professionnels de santé doivent mieux se protéger, selon une étude réalisée en établissement.

L’exposition à des médicaments cytotoxiques, même à faibles doses, peut altérer la santé des professionnels qui les manipulent au quotidien et sur le long terme. En effet, la plupart des produits utilisés possèdent des propriétés génotoxiques, reprotoxiques et/ou cancérogènes. Les résultats d’une évaluation de l’exposition aux cytotoxiques publiés dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire(1) montrent que de gros progrès restent à faire.

50 % des soignants exposés à des agents cytotoxiques

Réalisée par des spécialistes de la santé au travail en 2010 et 2016 avec différents médicaments marqueurs(2), cette évaluation a concerné trois catégories de soignants des services d’oncologie : les infirmiers, les aides-soignants et les agents de service hospitalier. La méthodologie s’est appuyée sur deux types d’analyse. Une biométrologie urinaire en début et fin de poste, durant un à trois jours, des soignants volontaires. Elle a été couplée à une mesure de la contamination de l’environnement de travail par les prélèvements de surface. En parallèle, chaque participant a rempli un questionnaire sur son activité (cytotoxiques manipulés, manipulation d’excreta - urines, sueur… -, moyens de protection individuelle utilisés). La campagne de 2010 montre que la moitié des vingt soignants (seize infirmiers et quatre aides-soignants) participant a été exposée à des agents cytotoxiques durant la période de suivi et que 15 % l’étaient au 5-fluorouracile.

Surtout par voie transcutanée ou inhalation

Autre point marquant, le bilan des questionnaires a mis en évidence un port de gants irrégulier chez les infirmiers et les aides-soignants autant lors de l’administration des médicaments que pendant les soins aux patients. Parfois, des gants en vinyle, peu protecteurs dans ce cas, étaient même utilisés. Il est important de rappeler que les contaminations résultent essentiellement d’une pénétration par voie transcutanée ou par inhalation d’aérosols, lors de la manipulation des cytotoxiques ou des excreta des patients. La campagne de 2016, elle, signale que 78 % des participants (quatorze infirmiers, cinq aides-soignants, et quatre agents de service hospitalier) ont été exposés au 5-fluorouracile. Concernant les prélèvements de surface, des contaminations sont apparues sur le sol des salles de soins, le sol des chambres des patients, les paillasses, les potences et les combinés des téléphones. Par ailleurs, le 5-fluorouracile a aussi été détecté sur la face interne des mains de soignants.

Utiliser des gants exclusivement en nitrite

En conclusion, les auteurs indiquent que « la mise en évidence d’une exposition du personnel doit alerter sur les moyens de prévention utilisés et conduire à mettre en place des mesures correctrices ». On peut notamment indiquer la mise à disposition de gants exclusivement en nitrite, l’identification des zones dédiées aux médicaments concernés dans les salles de soins, l’utilisation de champs opératoires à usage unique pour déposer les préparations, la mise en place de procédure de nettoyage de surface et la distribution aux nouveaux arrivants de documents d’information sur le risque cytotoxique.

Demande d’informations

Les professionnels de santé sont demandeurs. En effet, 74 % des infirmiers, 80 % des aides-soignants et 100 % des agents de service hospitalier ont déclaré « ne pas avoir suffisamment de connaissances sur ce risque et sur les précautions à prendre ».

(1) “Évaluation des expositions professionnelles : un levier pour la prévention”, à consulter via le lien raccourci bit.ly/2sIy6Ni.

(2) En 2010, le 5-fluorouracile, le cyclophosphamide, l’ifosfamide, le méthotrexate ; en 2016, uniquement le 5-fluorouracile.

À MANIPULER AVEC PRÉCAUTION

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) vient de sortir un dépliant intitulé “Médicaments cytotoxiques et soignants”*. Il rappelle les règles à suivre pour maintenir un environnement de travail propre, c’est-à-dire réduire et maîtriser la contamination des sols et des surfaces. Il redonne aux soignants les trois grands principes à appliquer : protégez vos mains, protégez votre corps, protégez votre visage. Dans un deuxième temps, il indiqueles sources d’exposition, « que ce soit à l’hôpital ou à domicile », les contaminations et leurs conséquences.

* À consulter via le lien raccourci bit.ly/2IDoCh7.