Le Comité consultatif national d’éthique a publié le 16 mai un avis qui pointe l’âgisme de la société française et interroge sur le sort qu’elle réserve aux personnes âgées.
« Quel sens a la concentration des personnes âgées entre elles, dans les établissements dits d’hébergement ? » C’est cette question qui est à l’origine de la réflexion du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Ce dernier s’est auto-saisi du sujet en octobre 2016 et vient de publier un avis
On y parle de “maltraitance”, de “ghettoïsation” et “d’exclusion collective”… « Nous avons modestement essayé de nous placer du point de vue de la personne âgée, ce qui est nouveau, et non pas du point de vue de ce qu’elle peut coûter ou générer, comme c’est le cas lorsqu’on évoque la silver économie, souligne Régis Aubry, chef du service des soins palliatifs du CHU de Besançon (Doubs), membre du CCNE et co-rapporteur de l’avis du comité
Le texte rappelle que plus les personnes vieillissent, plus elles souffrent, et il pointe un pic de suicide autour des décisions d’institutionnalisation pour la personne âgée. Les personnes âgées entrées en Ehpad ont la « sensation d’être en trop, d’être un poids et d’être inutiles à la société, poursuit-il. Elles sont mises en dehors des éléments de vie ». L’institutionnalisation, revendiquée au nom de principes de bienveillance et dans le but d’assurer la sécurité de ces personnes vulnérables, se fait souvent sous la contrainte, forcée, faute d’alternative. « C’est un vrai problème éthique, notamment en termes de respect dû à la personne, car la liberté de la personne est anéantie au profit de la sécurité », estime Régis Aubry.
Ce sombre tableau pourrait être compris comme une critique des Ehpad et des soignants qui y travaillent. Régis Aubry le réfute. « Il ne s’agit pas de critiquer le personnel des Ehpad, qui font du mieux qu’ils peuvent avec le peu qu’ils n’ont pas bien souvent, précise-t-il. Nous interrogeons le système de santé et ses effets, notamment les situations qu’il produit pour les plus vulnérables d’entre nous. Il faut refondre le système de santé et de formation, et créer des formations interdisciplinaires entre professionnels, qui vont permettre d’apprendre la construction d’une réflexion éthique, le travail en équipe et la communication en situation complexe. »
Sur le terrain, les choses bougent déjà avec les équipes mobiles de soins palliatifs. Mais, incontestablement, Régis Aubry compte sur « une impulsion politique très forte ». Alors que des rendez-vous sont en cours avec le gouvernement, reste à savoir si cet avis sera suivi d’effets concrets pour développer les démarches d’inclusion des personnes âgées dans la société actuelle.
(1) L’avis est consultable via le lien raccourci bit.ly/2k0R8dW.
(2) Par ailleurs co-auteur de notre cahier de formation du n° 341 de novembre 2017 consacré à la fin de vie.
Les personnes âgées de 75 ans et plus représentent aujourd’hui 9 % de la population française, soit 6,1 millions d’individus, dont 61 % de femmes et 39 % d’hommes. En 2050, on estime qu’ils représenteront 16 % de la population. Selon un rapport de la Fondation de France
* À consulter via le lien raccourci bit.ly/2Ha4k9D