L'infirmière Libérale Magazine n° 349 du 01/07/2018

 

La vie des autres

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Laure Martin  

Depuis maintenant neuf ans, Laurent Kalensky exerce le métier d’infirmier au parc d’attraction de Disneyland Paris. Avec une grande autonomie : il peut intervenir sans la présence systématique du médecin.

« Adolescent, j’étais pompier volontaire, et c’est en voyant les équipes du SMUR (Service mobile d’urgence et de réanimation) intervenir que j’ai voulu être infirmier », explique Laurent Kalensky, 35 ans. Il intègre l’IFSI de Lagny (Seine-et-Marne), dont il sort diplômé en 2005. « Mes études et mon stage aux urgences m’ont fait comprendre que je n’étais pas fait pour l’hôpital. J’ai besoin d’être sur le terrain, au contact des gens. »

À l’école des urgences

Laurent Kalensky débute l’exercice de son métier aux urgences de Lagny, « une très bonne école pour apprendre à être autonome ». En parallèle, il intègre le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) 77 en tant qu’infirmier sapeur-pompier. « C’était mon objectif de carrière, la raison pour laquelle je suis devenu infirmier », confie-t-il. Les infirmiers sapeurs-pompiers travaillent au sein d’un véhicule léger de secours médicalisé (VLSM), sur protocoles. « La plus-value repose sur le temps gagné dans la prise en charge du patient avant l’arrivée du SMUR », explique-t-il. En plus de ses deux activités, il exerce au sein d’une entreprise d’ambulances paramédicalisées pédiatriques et néonatologiques, Ourson bleu. « J’ai toujours aimé la pédiatrie car il n’y a pas de place pour l’erreur. Quand il s’agit d’un enfant, on se donne à 200 %. Avec eux, il n’y a pas de filtre, le contact est vrai. » Pendant cette période, il consacre tout son temps à son activité professionnelle. Jusqu’à saturation. « J’avais toujours plaisir à travailler au SDIS et pour Ourson bleu, mais plus aux urgences, je n’étais pas loin du burn-out. » C’est un confrère pompier, par ailleurs infirmier à Disneyland Paris, en Seine-et-Marne, qui lui parle du métier au sein d’un parc à thème. « Ils recherchaient des profils comme le mien : des infirmiers autonomes, qui connaissent le milieu des urgences, le pré-hospitalier et qui font preuve de réactivité face à une situation. » Il est embauché en 2009, et continue en parallèle son activité au sein des pompiers.

Surtout des malaises et des chutes

Disneyland Paris est composé de deux parcs à thème et d’un village. Le service “first aid”, organisé autour de trois structures, a son pôle central au cœur du parc principal, le deuxième au parc Walt Disney Studios et le troisième à Disney Village. Le manager des premiers soins collabore quotidiennement avec l’un des quinze médecins urgentistes du parc et avec l’équipe paramédicale, composée d’une douzaine d’infirmiers répartis sur les trois sites. Ils peuvent être plus ou moins nombreux selon la saison et l’affluence au sein du parc. Chaque structure dispose de salles de soins, de salles de repos et d’une salle d’urgence. Le service “first aid” dispose également d’un véhicule d’intervention similaire à celui du SMUR. Les équipes travaillent en étroite collaboration avec les pompiers de Disneyland et « avec le service des relations visiteurs, précise Laurent Kalensky. Ce sont eux qui assurent la partie non médicale de la prise en charge, afin de proposer une aide et une assistance pour la suite du séjour des visiteurs ayant eu des problèmes de santé. »

Les infirmiers effectuent principalement des prises en charge de petite traumatologie liée à des malaises ou à des chutes. « Les visiteurs viennent au parc avec leurs problèmes médicaux, poursuit Laurent Kalensky. Dans le cadre des premiers soins, nous prenons parfois en charge des crises d’asthme, des infarctus, des embolies. »

Si des médicaments doivent être administrés, c’est uniquement « sur le moment ». Aucune ordonnance n’est délivrée, l’équipe conseille d’aller voir un médecin traitant si nécessaire ou réoriente vers les urgences à proximité si besoin.

Une prise en charge de type préhospitalier

Le travail de l’infirmier se fait sur protocoles, comme chez les pompiers, ce qui lui permet d’intervenir sans la présence systématique du médecin. « Notre prise en charge est pré-hospitalière, indique l’infirmier. En raison des protocoles, nous sommes des acteurs concrets de la prise en charge du patient et anticipons les problèmes à venir. Nous assurons son examen et décidons si nous allons avoir besoin, ou non, de l’intervention du médecin. » Et de poursuivre : « Ce fonctionnement est stimulant car nous avons des missions qui vont un peu plus loin que celles d’autres infirmiers en structures. » Ce qui plaît à Laurent, c’est cette prise en charge « structurée, pensée, qui ne laisse pas de place au hasard et requiert une vigilance de tous les instants ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on demande aux infirmiers d’avoir une expérience chevronnée. « L’avantage d’un tel fonctionnement, c’est que nous pouvons prendre le temps avec nos patients, conclut Laurent Kalensky. Nous évoluons dans un environnement bienveillant, nous avons à cœur de nous occuper des visiteurs et des employés. »

Formation continue

L’équipe paramédicale de Disneyland bénéficie d’une formation en interne dispensée par les médecins de l’équipe, tous issus du SMUR. «  Nous suivons des formations sur les pathologies d’urgence tous les mois, pendant une heure environ, indique Laurent Kalensky. Nous effectuons des manœuvres en interne, nous manipulons les drogues, analysons différentes situations d’urgence. » L’équipe suit également des formations dispensées par des organismes privés sur l’urgence appliquée, sur le “Pre Hospital Trauma Life Support”. Et depuis cette année, ils peuvent passer un diplôme universitaire d’oxyologie sur la médecine de catastrophe. «  Toutes les formations sont orientées sur l’urgence car, même si nous n’en faisons pas forcément quotidiennement, nous devons offrir aux visiteurs cette qualité de prise en charge, explique Laurent Kalensky. Nous devons donc nous maintenir à niveau, avoir les bons réflexes. »

Il dit de vous !

« Les infirmières libérales ont une proximité avec les patients qu’il est difficile de mettre en place à l’hôpital. À domicile, il est plus facile de cibler, d’identifier et d’anticiper les besoins du patient, mis en exergue par cette prise en charge. Le libéral est un mode d’exercice qui pourrait me correspondre car l’infirmier a du temps à consacrer au patient. Un vrai échange est instauré, il est possible de discuter, c’est ce qui est très important pour moi. Le fait d’être dans son intimité permet d’appréhender la situation autrement. Le côté brut de cette prise en charge qui n’est pas édulcorée me plaît également car ce sont de vraies relations soignant-soignés qui s’établissent. À l’hôpital, les relations sont davantage impersonnelles, le patient est décontextualisé, cela me dérange. C’est à l’opposé de mes convictions sur l’humanité. »