L'infirmière Libérale Magazine n° 349 du 01/07/2018

 

PERSONNES ÂGÉES

Actualité

Sandra Mignot  

Face à la dépendance, qui demeure un risque relativement récent sur le plan de la prise en charge par la solidarité, les pays développés s’organisent différemment.

Que proposent les autres pays développés pour la prise en charge des personnes âgées à domicile ? Afin d’apporter des éléments de comparaison internationale, la chaire Gestion des services de santé du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) a organisé, le 5 juin à Paris, une journée consacrée à l’innovation.

Cash for care

Aux États-Unis, s’est ainsi développé le concept de soins autogérés pour aider les personnes âgées à conserver leur indépendance. Il s’agit de leur allouer une somme (cash for care) et de les guider dans le choix des services dont elles peuvent bénéficier, comme dans le cadre du programme Medicaid. « L’idée est que plus les personnes sont impliquées dans le choix des services, mieux elles bénéficieront de ce dont elles ont vraiment besoin », résume Jean-Philippe Viriot-Durandal, professeur de sociologie à l’Université de Lorraine et spécialiste des questions du vieillissement. Le “consommateur” reste néanmoins totalement libre d’utiliser ce budget comme il le souhaite. D’autres pays comme l’Allemagne ou le Japon se penchent également sur le cash for care. Mais ces dispositifs peuvent poser divers problèmes : nécessité (et difficulté) d’assumer soi-même la comptabilité des dépenses, ou encouragement au développement du travail clandestin en matière d’aide à domicile.

Une autre option, réservée aux plus aisés, est la mise en place des “seniors villages” créés sur le mode du bénévolat. Ils sont destinés à des retraités qui décident de mutualiser les services dont ils ont besoin en cotisant pour s’offrir un manager des services à domicile.

Enfin, une autre initiative intéressante est la mise en place de Villes amies démence *. Particulièrement développé en Belgique, le concept consiste à engager la ville et ses acteurs dans une démarche d’inclusion de ses citoyens concernés par la maladie d’Alzheimer ou d’une pathologie apparentée, via la sensibilisation, la formation d’agents de proximité, des organes d’information en direction des malades et de leurs proches, des activités spécifiques pour les personnes atteintes…

L’exemple du Japon

Mais le pays développé le plus concerné par le processus de vieillissement de la population (faute notamment de renouvellement générationnel) demeure le Japon. En 2035, un tiers de la population du pays aura plus de 65 ans. Longtemps pourtant il s’est contenté d’hospitaliser ses personnes âgées, faute d’une politique adaptée. « En 1994, les plus de 75 ans affichaient en moyenne 35 jours d’hospitalisation par an, contre dix en France », observe Philippe Viriot-Durandal. La donne a changé lorsque le pays a décidé de créer une assurance dépendance obligatoire (comme il en existe également en Allemagne) au début des années 2000, souscrite par tout actif à partir de la 40e année. Désormais, l’aide à domicile y est très développée, même si les co-résidents doivent encore faire beaucoup. Quelque 85,1 milliards d’euros y sont consacrés (contre 23,5 en France). Et les plafonds sont bien supérieurs aux sommes par individu dépensées en France (jusqu’à 3 000 euros contre 1 715, au niveau de dépendance le plus avancé). Un processus d’évaluation et de prise en charge existe au niveau national, qui permet de définir un plan d’aide (sélectionnant parmi une liste de services prédéfinis) en fonction de la situation médicale et d’une grille d’évaluation. Le Japon est aussi désormais à la pointe en matière de développement de la robotique, ce qui permettrait de compenser la diminution (liée à sa démographie) de sa population active. En 2025, en particulier, le Japon sera en manque de 4 millions d’aides-soignants et d’infirmiers. Cette évolution vers la robotisation inquiète beaucoup les professionnels de santé occidentaux. Pourtant, selon Sandra Bertezène, professeur, titulaire de la chaire Gestion des services de santé au CNAM, le robot n’est pas nécessairement une menace : « Il faut se former toujours plus pour avoir une vision globale de notre environnement, valoriser nos connaissances tacites, celles qui sont difficilement codifiantes, les compétences relationnelles. » L’“être bienveillant” ne peut en effet pas être mécanisé. « Il ne faut pas craindre le changement, mais sans cesse déconstruire nos pratiques pour mieux les reconstruire, en fonction des évolutions de notre environnement professionnel », résume Sandra Bertezène.

* Lien raccourci : bit.ly/2BPDFQm

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