L'infirmière Libérale Magazine n° 349 du 01/07/2018

 

DON D’ORGANES

Actualité

Laure de Montalembert  

Face à une famille en état de choc émotionnel après la mort cérébrale d’un proche, les soignants doivent faire preuve d’infinies précautions et d’une méthodologie sans faille pour aborder la question du don d’organes et surmonter les éventuelles réticences.

C’est sur l’un des sujets les plus sensibles qui soient que s’est penché Daniel Maroudy, cadre supérieur de santé et enseignant au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) : comment mener efficacement et humainement un entretien avec les familles de personnes en mort cérébrale en vue du don d’organes.

Devant cet acte complexe, il a, avec le Dr Stanislas Kandelman, modélisé un entretien pluridisciplinaire, au cœur d’un projet de recherche dans une quinzaine d’hôpitaux nord-franciliens. Avec un objectif : disposer d’un outil pédagogique qui permettra, à terme, d’harmoniser les pratiques sur le plan national. Daniel Maroudy a présenté cette démarche au Salon infirmier, fin mai à Paris.

Première étape de cet entretien, que 600 à 800 soignants en France sont aussi à ce jour invités à réaliser : faire admettre la réalité de la mort aux proches d’un patient dont le cœur bat encore, afin d’envisager rapidement le prélèvement d’organes si celui-ci ne s’y est pas opposé. Annonce qui sera préparée en amont en prenant soin de ne pas donner d’espoir vain.

Dialogue avec la famille

L’entretien, véritable acte de soin, sera systématiquement et minutieusement préparé afin de réunir toutes les données nécessaires et d’en prédéterminer le déroulé. Il s’agit d’un véritable “projet à construire” à plusieurs. De même, on veillera à ce que les interlocuteurs soignants (médecin, infirmière, réanimateur) ne soient pas plus nombreux que les proches présents. « On ne fait pas “comme on le sent” », insiste Daniel Maroudy. Les interlocuteurs de la famille disposeront d’éléments de langage prédéterminés afin de bénéficier de repères. Une sorte de guide sur lequel les soignants s’appuient pour diminuer leur propre charge émotionnelle mais qu’ils peuvent adapter à leur guise. L’annonce de la mort en elle-même devra être descriptive, progressive, chronologique dans les explications et intelligible par le commun des mortels. « Il s’agit d’un dialogue, insiste l’orateur. Il est essentiel de s’informer sur ce que sait véritablement la famille et de rester factuels en donnant, par exemple, l’heure exacte de la déclaration de décès. »

Établir un climat favorable

En amont, l’équipe aura vérifié que la personne décédée ne s’est pas inscrite sur le registre des refus de dons. Parfois, les proches sont également dépositaires d’informations orales ou écrites sur les souhaits exprimés par la personne, de son vivant. Celles-ci constitueront une base de réflexion essentielle. Le consentement, désormais présumé, n’empêche pas d’élaborer un dialogue avec l’entourage afin de déterminer sur quoi s’appuient ses éventuelles réticences. Ainsi s’établira un climat favorable à la demande de l’équipe soignante. Et si, malgré toutes ces étapes, la famille persiste à refuser le don, celui-ci n’aura pas lieu. Un outil de recherche statistique associé au projet est adjoint au processus afin de déterminer l’efficacité de cette modélisation de l’entretien visant au don d’organes. Les premiers résultats seront connus en décembre.

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