L'infirmière Libérale Magazine n° 349 du 01/07/2018

 

COMMUNICATION

Actualité

Hélène Colau  

Le Conseil d’État préconise d’assouplir l’interdiction de publicité applicable aux professionnels de santé. Les Idels pourraient davantage communiquer sur leurs spécialités. Dans les limites de la déontologie.

Il ne s’agit pas d’appâter le client au moyen de spots publicitaires ou de vitrines tapageuses, mais bien de permettre aux patients qui recherchent une compétence spécifique de trouver plus facilement le professionnel de santé le mieux qualifié. Tel est l’esprit de l’étude rendue publique le 21 juin par le Conseil d’État, dans laquelle il se déclare favorable à un principe de « libre communication » des informations applicable aux professionnels de santé. « Nous avons travaillé à la demande du gouvernement, qui souhaitait mieux répondre à la demande du public, détaille Bruno Bachini, rapporteur de l’étude au Conseil d’État. Avec le développement du numérique, beaucoup d’informations circulent sur les professionnels de santé sans qu’elles soient forcément fiables. Si bien que certaines statistiques font apparaître un renoncement aux soins en raison de difficultés d’accès à l’information. Nous avons donc proposé un changement de paradigme, en passant d’un régime d’interdiction absolue à une liberté de principe. » L’idée est aussi de lutter « contre la concurrence déloyale », car certains professionnels, comme les ostéopathes, échappaient à cette interdiction. « Cela va permettre de clarifier les règles, en distinguant bien la publicité de l’information, et de remédier ainsi à la dissymétrie existante entre ceux qui font du référencement sur Internet, qui n’est pas autorisé, et les autres, approuve Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national infirmier (ONI). Par ailleurs, il est important que les infirmières qui se forment régulièrement et acquièrent ainsi des spécialités puissent le valoriser vis-à-vis des patients. » Autre proposition « très intéressante », selon l’ONI : la possibilité d’expliquer aux usagers le périmètre exact du domaine de compétence du professionnel de santé, quand il a obtenu son diplôme hors de l’Union européenne et qu’il ne dispose donc pas du plein exercice en France.

Les dérives commerciales restent proscrites

Concrètement, quels changements pourraient découler de cet avis ? Dans son rapport, le Conseil d’État détaille quinze propositions.

Aujourd’hui, les libérales peuvent afficher leurs coordonnées dans l’annuaire ou sur Internet et apposer sur leur cabinet une plaque portant leur nom, leur numéro de téléphone et leurs diplômes, mais c’est à peu près tout. Elles pourraient désormais proposer une description plus précise de leur parcours, de leurs compétences et pratiques professionnelles - en indiquant si elles ont un public privilégié, comme les enfants, ou la maîtrise d’une langue étrangère - ou encore de leurs conditions matérielles d’exercice, en précisant par exemple si elles acceptent la carte bancaire. En revanche, toujours pas question d’exercer la profession « comme un commerce » - en placardant des affiches dans la rue - ni de se livrer à la publicité comparative, en se prétendant plus experte ou moins chère qu’une autre Idel du secteur. Le Conseil d’État se dit aussi opposé à tout référencement numérique payant, tout en reconnaissant qu’il n’a « pas de solution à apporter aux dérives existantes ». « Juridiquement, les dérives commerciales restent contraires aux principes édictés par le Code de la santé publique et les codes de déontologie, assure Bruno Bachini. Les détails d’application du principe de libre communication seront déterminés sous la responsabilité des ordres professionnels, qui veilleront au respect des bonnes pratiques. » L’application de ces recommandations ne sera donc pas immédiate. « On n’a pas encore de calendrier, confirme Patrick Chamboredon. Il va falloir réfléchir aux diplômes et titres que nous allons labelliser et qui pourront apparaître sur la plaque. Il me semble également indispensable de travailler avec les pays voisins afin d’harmoniser les règles au niveau européen. » Le gros du travail de l’Ordre consistera à adapter son Code de déontologie, dont il estime que le rôle de régulateur est « renforcé » par l’avis du Conseil d’État. Mais aura-t-il les moyens de maintenir un semblant d’équilibre entre les gros cabinets qui pourront s’offrir des sites Internet performants et les autres ? « De toute façon, nos patients sont assez âgés et il existe une réelle fracture numérique, explique Patrick Chamboredon. Je ne pense pas qu’un site coûteux permette de capter énormément de clientèle. Le facteur de proximité reste primordial dans notre activité. »

LA GRANDE LIBERTÉ DU MODÈLE BELGE

L’étude du Conseil d’État s’appuie notamment sur un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par la Belgique, qui a jugé contraire au droit européen une prohibition absolue de la publicité relative aux soins. En effet, outre-Quiévrain, la publicité est autorisée, avec quelques restrictions concernant la mention de la gratuité des prestations de santé ou tout référence à l’intervention de l’assurance soins de santé dans le coût des prestations. Un modèle très libre que la France ne devrait pas rejoindre dans l’immédiat, même si les recommandations du Conseil d’État sont suivies.

INFO +

Pub ou info ?

Le Code de la santé publique interdit la réclame à l’Idel. Mais il l’autorise à diffuser entre autres ses prénoms, nom, adresse, numéros de téléphone, horaires. Des informations “utiles” aux usagers… Fiche à lire sur le site de l’ONI (bit.ly/2tyhucj).

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