L'infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018

 

RESTE À CHARGE ZÉRO

Actualité

Adrien Renaud  

En juin dernier, le gouvernement s’est mis d’accord avec les professionnels et les assureurs pour que les patients n’aient plus à payer de leur poche les restes à charge en optique, dentaire et audioprothèse. Mais rien ne dit que les complémentaires ne devront pas répercuter la réforme sur leurs tarifs.

« S’AGISSANT DES LUNETTES, DES PROTHÈSES DENTAIRES ET DE L’AUDITION, NOUS FIXONS L’OBJECTIF DE 100 % DE PRISE EN CHARGE POUR 2022 (…), SANS AUGMENTER LE PRIX DES MUTUELLES. » Tel était la mesure phare du programme d’Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle de 2017. À l’issue de longues négociations qui ont abouti, en juin dernier, à une série d’accords avec les complémentaires et les professionnels de santé, cette prise en charge à 100 % est en train de devenir une réalité… du moins pour un panier de soins bien circonscrit. Et pour supporter les restes à charge que les patients ne devront plus débourser, tout le monde devra mettre la main à la pâte. L’Assurance maladie va, par exemple, investir plus de 800 millions d’euros sur cinq ans en nouveaux actes sur le dentaire. Les audioprothésistes ont, pour leur part, accepté un tarif plafond de 950 euros par oreille pour les appareils les plus basiques. Et les complémentaires seront également mises à contribution.

« Oui, elles vont augmenter »

Il existe, en effet, une loi d’airain dans le monde de l’assurance, assez bien résumée par Claude Le Pen, professeur d’économie de la santé à l’université Paris-Dauphine : « En général, quand on augmente les prestations, il faut augmenter les cotisations. » Un point de vue confirmé par le cabinet de conseil Mercer, qui a publié, en juin dernier, une étude évaluant l’impact de la réforme du reste à charge sur la hausse des cotisations pour les contrats d’entrée de gamme à une fourchette comprise entre 5,6 et 8,9 %. Pour les contrats haut de gamme, celui-ci anticipe un impact plus limité : + 1,6 %.

Des résultats que Thierry Beaudet, le président de la Mutualité française, ne tente même pas de nier. « Il faut dire les choses sincèrement, confiait-il à Hedwige Chevrillon le 20 juin dernier sur le plateau de BFM Business. Est-ce que [les cotisations] vont augmenter ? Oui, elles vont augmenter. » Le représentant des mutuelles précisait toutefois qu’historiquement, les cotisations des mutuelles augmentent de toute façon au même rythme que les autres dépenses de santé. Il est donc, d’après lui, « trop tôt » pour déterminer quelle sera à l’avenir la responsabilité de la réforme sur cette augmentation. « On va vérifier dans la vraie vie si les dépenses supplémentaires en dentaire, en audioprothèses seront compensées par des moindres dépenses en optique », a-t-il plaidé.

Reste qu’en dehors de ces savants calculs, on ne peut que constater une importante hausse des tarifs des mutuelles ces dernières années. L’UFC-Que choisir a chiffré celle-ci à 47 % depuis 2006 dans une étude sortie en juin dernier. Si elle a finalement un impact sur les cotisations, la réforme du reste à charge zéro ne fera donc qu’amplifier un phénomène déjà bien en place.