Thrombose veineuse profonde et cancer - L'Infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018

 

Cahier de formation

Savoir faire

La thrombose veineuse profonde est à surveiller particulièrement chez le patient cancéreux en raison de plusieurs facteurs étiologiques qui se cumulent, ou lorsque le patient a été opéré dans le but de mettre en place une prothèse de la hanche ou du genou, cette chirurgie étant à risque thromboembolique élevé.

THROMBOSE ET CANCER

→ Le cancer est un facteur de risque bien connu de thrombose veineuse profonde (TVP). Il apparaît en tant que tel dans le calcul du score de Wells (lire l’encadré p. 38).

→ En cas de cancer, le risque thrombotique peut avoir plusieurs causes : alitement et immobilisations lors des hospitalisations ou au domicile, chirurgie carcinologique, pose d’un cathéter veineux central, chimiothérapies, caractère pro-coagulant donc prothrombotique de la tumeur elle-même… À ceci s’ajoutent des facteurs de risque “classiques” que le patient présente indépendamment de sa maladie : tabagisme, obésité, antécédents familiaux…

→ À l’inverse, une phlébite peut être révélatrice d’un cancer en cours ou à venir, notamment lorsqu’il s’agit d’une forme idiopathique et/ou récidivante.

→ La maladie thromboembolique veineuse (TVP + embolie pulmonaire, EP) est la deuxième cause de mortalité des patients atteints de cancer, après le cancer lui-même.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

→ En préventif, le recours systématique à un traitement n’est pas recommandé. En revanche, lorsque le patient est soumis à un facteur aggravant et en particulier à l’alitement prolongé, un traitement préventif s’impose.

→ Lors d’une TVP, le traitement permet à la fois de résoudre rapidement l’épisode en cours et de limiter le risque de récidive. Le traitement dure au minimum trois mois, idéalement six, voire plus si nécessaire.

→ En préventif comme en curatif, le traitement repose essentiellement sur les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), sans relais vers les molécules per os.

→ En préventif et en phase initiale du traitement curatif (les dix premiers jours), tous les anticoagulants injectables sont utilisables (voir le tableau en haut de la page ci-contre). En revanche, seules les héparines nommées daltéparine (Fragmine) et tinzaparine (Innohep) possèdent une autorisation de mise sur le marché dans le traitement prolongé.

→ Le traitement médicamenteux s’accompagne du port d’une compression veineuse.

LES HÉPARINES

→ Les héparines sont des molécules anticoagulantes d’action rapide, obtenues à partir de tissus d’animaux (on en trouve aussi chez l’homme) et pour lesquelles il existe un antidote, le sulfate de protamine.

→ L’héparine forme un complexe avec l’antithrombine, un inhibiteur physiologique de la coagulation, et en potentialise l’action. L’héparine ne dissout pas le caillot mais l’empêche de s’étendre. Deux grands types d’héparine existent :

→ les héparines standard ou non fractionnées (HNF) : elles s’administrent par voie sous-cutanée ou intraveineuse, constituent le traitement de choix des patients insuffisants rénaux sévères mais nécessitent un suivi biologique étroit de l’efficacité et de la tolérance ;

→ les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sont obtenues par fragmentation des HNF : elles s’administrent toujours par voie sous-cutanée, nécessitent peu de surveillance biologique mais ne doivent en aucun cas être utilisées chez les patients insuffisants rénaux sévères (risque d’accumulation et de surdosage). Les différents effets indésirables sont plus fréquents sous HNF que sous HBPM :

→ hémorragies, notamment chez le sujet âgé, en cas de traitement prolongé, d’interactions médicamenteuses… ;

→ hématomes, en cas d’activités à risque notamment ;

→ thrombopénies induites par l’héparine (TIH) : une forme de thrombopénie (baisse des plaquettes) d’origine immuno-allergique et qui, paradoxalement, augmente le risque thrombotique plutôt que le risque hémorragique. Une TIH impose l’arrêt du traitement ;

→ hyperkaliémie, notamment en cas d’association avec des hyperkaliémiants ou de déshydratation ;

→ ostéoporose en cas de traitement au long cours.

LES AUTRES TRAITEMENTS INJECTABLES

→ Le fondaparinux (Arixtra) est un petit polysaccharide de synthèse correspondant à la fraction active des héparines. C’est une molécule efficace et bien tolérée, qui ne nécessite pas de surveillance biologique particulière, sauf la recherche d’une éventuelle insuffisance rénale avant la mise sous traitement. En effet, le risque hémorragique est augmenté et non négligeable en cas d’insuffisance rénale, chez le sujet âgé ou de petit poids. La prescription de fondaparinux est donc évitée dans ces populations. De plus, il n’existe pas d’antidote en cas de surdosage ou d’accumulation.

→ En milieu hospitalier, d’autres médicaments sont disponibles (non présentés dans le tableau de cette page). Par exemple, le danaparoïde (Orgaran) est un mélange moléculaire anticoagulant mais sans héparine. C’est un médicament indiqué en cas de TIH ou d’antécédent de TIH sous héparine.

L’INJECTION

Pour cet acte réalisé par l’Idel, le patient ou un proche, il faut :

→ varier les sites d’injection (abdomen, cuisse, bas du dos, haut du bras) pour limiter le risque de lipodystrophies (modification de la répartition des graisses souscutanées) et les bleus ;

→ piquer dans un pli de peau en sous-cutané avec l’aiguille à angle droit ;

→ injecter le produit lentement, sans se presser ;

→ utiliser une poche de froid pour limiter les bleus ;

→ jeter le matériel dans un récipient approprié (poubelle Dasri).

Note : l’héparine ne se conserve pas au réfrigérateur.

Cas pratique

Madame S., 65 ans, souffre d’un cancer du côlon qui a été diagnostiqué il y a un an. Elle vient de faire un épisode de thrombose veineuse profonde et vous appelle pour réaliser les injections quotidiennes d’héparine qu’elle a un peu peur de se faire toute seule. Madame S. vous connaît bien, elle vous accueille non sans humour : « Vraiment, il ne manquait plus que ça ! »

Vous lui expliquez que tous les patients atteints de cancer sont à risque élevé de thrombose veineuse profonde. Vous lui dites qu’elle a bien fait de consulter rapidement son médecin généraliste, car la thrombose veineuse profonde expose à de nombreuses complications et notamment à un risque d’embolie pulmonaire. Vous la rassurez au sujet du traitement, ce sont des injections sous-cutanées, relativement simples à mettre en œuvre et qui ne font pas mal.

Je cote à la nomenclature

→ Injection sous-cutanée : AMI 1 + MAU si cet acte est isolé.

→ Surveillance et observation d’un patient lors de la mise en œuvre d’un traitement ou de la modification de celui-ci, sauf pour les patients diabétiques insulinodépendants, avec l’établissement d’une fiche de surveillance, avec un maximum de quinze jours, par jour : AMI 1.

→ Prélèvement par ponction veineuse directe AMI1,5 + MAU (si acte unique).