L'infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018

 

Cahier de formation

Savoir faire

RISQUE THROMBOEMBOLIQUE LIÉ À LA CHIRURGIE

→ En milieu chirurgical, le risque de TVP doit systématiquement être évalué en fonction des antécédents et des comorbidités du patient, du type de chirurgie et de la présence d’un éventuel risque hémorragique qui viendrait finalement “contrebalancer” le risque thrombotique. Il existe trois niveaux de risque : faible, modéré ou élevé. Chaque niveau de risque impose la mise en place d’une stratégie thérapeutique préventive spécifique.

→ La pose d’une prothèse totale de hanche (PTH) ou de genou (PTG) est à risque thromboembolique élevé quel que soit le patient : âge, obésité, cancer, antécédents d’événements thromboemboliques ou non… Dans ce cas, la prophylaxie antithrombotique comprend la mobilisation précoce du patient (le jour-même ou le lendemain de l’opération), le port d’une compression veineuse et un anticoagulant prescrit pour une durée allant généralement de trente à quarante-cinq jours. Toutes les molécules administrées par voie injectable sont utilisables. La classe des anticoagulants oraux directs (AOD) représente une alternative désormais régulièrement utilisée dans cette indication et permet de se passer de la voie injectable.

LES ANTICOAGULANTS ORAUX DIRECTS (AOD)

→ Les AOD inhibent de façon directe, compétitive, sélective et rapide un facteur de la coagulation : le facteur Xa pour l’apixaban et le rivaroxaban, le facteur IIa pour le dabigatran.

→ Le principal avantage des anticoagulants oraux directs est l’absence de surveillance de l’anticoagulation en routine, l’INR restant spécifique des AVK. En revanche, l’évaluation de la fonction rénale permet de repérer une éventuelle insuffisance rénale limitant le recours à ces molécules ou du moins imposant des adaptations posologiques en cas d’insuffisance rénale modérée (entre 30 et 50 ml/min).

→ Les AOD sont des médicaments anticoagulants et, de ce fait, exposent à un risque hémorragique (lire l’encadré p. 40). En cas d’oubli, se conformer aux recommandations de la notice : il est en général précisé qu’il ne faut pas doubler la prise suivante pour “compenser” la prise oubliée en raison de l’augmentation du risque hémorragique (exception : dans les trois premières semaines d’un traitement curatif par rivaroxaban, la prise suivante pourra être doublée afin d’assurer une anticoagulation quotidienne suffisante).

→ Des antidotes aux AOD existent mais sont disponibles uniquement en milieu hospitalier (l’idarucizumab, Praxbind, ciblant le dabigatran) ou en cours de développement (comme l’andexanet alfa, ciblant les inhibiteurs du facteur Xa).

LA COMPRESSION VEINEUSE

→ Les bas de compression exercent sur le membre inférieur une pression dégressive du pied vers le haut qui favorise le retour veineux. Il n’y a pas de différence d’efficacité entre chaussettes, bas-cuisses et collants, mais les chaussettes sont souvent plus faciles d’utilisation et conviennent aussi bien aux hommes qu’aux femmes.

→ En préventif, dans le cas d’une chirurgie à risque thromboembolique élevé, la compression est le plus souvent de niveau II (15 à 20 mmHg) et dure quelques semaines. En curatif, une fois la TVP constituée, la compression est logiquement plus forte, de niveau III (20 à 36 mmHg), portée du lever au coucher, tous les jours, et pour une durée minimale de deux ans.

→ Les mesures permettant à la pharmacie de délivrer la bonne taille de bas doivent être prises de préférence le matin. Après chirurgie, la zone opérée est souvent un peu gonflée, notamment en cas de prothèse totale de genou. Il faut donc parfois envisager de prendre la taille supérieure si le patient est à la “limite” entre deux tailles. Une fois la TVP constituée, il faudra de toute façon changer de bas car le niveau de compression n’est pas le même.

→ L’enfilage du bas n’est pas toujours aisé. En témoigne la situation, fréquemment constatée, du patient qui “tire” sur son bas et qui veut le faire monter le plus haut possible. Il faut d’abord retourner le bas complètement jusqu’au talon avant de l’enfiler et de le dérouler progressivement. Ne pas faire monter la chaussette jusqu’au pli du genou, cela risque de conduire à un “effet garrot” et à une gêne. Un enfilebas peut être proposé.

→ Quelques règles d’entretien sont à connaître : lavage à 30° (voire à 40° pour certaines marques) ou à la main, séchage à plat loin de toute source de chaleur. Il convient de proscrire les adoucissants, les fers à repasser et les sèche-linge. Laver ou du moins mouiller les bas tous les jours permet de resserrer les fibres élastiques et de maintenir leur efficacité.

→ Parmi les alternatives possibles, citons la compression pneumatique intermittente qui, par un jeu de pompes et de pressions, augmente le rythme sanguin et réduit la stase veineuse. Elle consiste à utiliser une pompe à air pour gonfler et dégonfler un sac étanche entourant la jambe. Citons aussi les bandes posées par l’Idel, par exemple en cas de lésion cutanée empêchant le recours au bas.

→ Compression ou contention ? Les deux termes sont souvent utilisés de façon équivalente. Pourtant, la compression comprime par un dispositif élastique, elle est efficace au repos comme à l’effort ; la contention contient par un dispositif non élastique, elle est efficace uniquement au moment de l’effort.

Cas pratique

Monsieur V., 76 ans, a été opéré pour mettre en place une prothèse totale de genou (PTG) du côté droit et il vous appelle pour les soins post-opératoires. Immédiatement après l’opération, il a démarré un traitement par voie orale à base d’apixaban (Eliquis) et a porté des bas de contention. Ou presque : au bout de quelques jours, monsieur V. s’est mis à oublier de prendre ses comprimés et a cessé de mettre ses bas car, selon lui, « ça donne trop chaud et puis ça serre beaucoup trop ». Le résultat ne s’est pas fait attendre : il a fait une TVP au niveau du membre opéré.

Vous lui expliquez que certaines chirurgies sont plus à risque que d’autres et doivent faire l’objet d’un traitement strict, même si cela peut sembler rébarbatif. Vous insistez sur le port de la compression veineuse.

Prescription IDE

Prescrire les bas de compression

Les bas de compression sont des dispositifs médicaux pouvant être prescrits par une infirmière libérale dans le cadre d’un renouvellement à l’identique. Il faut notamment veiller à respecter le degré de compression initialement prescrit, et éventuellement la marque si le médecin prescripteur en a précisé une. D’autres éléments peuvent être mentionnés, en fonction des préférences du patient : « pieds ouverts » en été, matière naturelle comme le lin, le bambou en cas d’allergie ou de forte transpiration…

Si le patient ne sort pas de son domicile, c’est à l’Idel ou à la famille de prendre les mesures qui permettront à la pharmacie de délivrer la bonne taille, comme suit :

→ pour des chaussettes : mesurer le tour de cheville (la partie la plus fine, au-dessus de la malléole) + le tour de mollet (la partie la plus large) + la hauteur sol-creux poplité (derrière le genou) ;

→ pour des bas ou des collants : mesurer le tour de cheville + le tour de mollet + le tour de cuisse (la partie la plus large) + la hauteur solentrejambe (sous la fesse) ;

→ pour les patients âgés parfois sources de mensurations “atypiques”, il est possible de délivrer deux paires de deux tailles différentes pour s’adapter à chaque jambe, ou de faire du sur-mesure. Ne pas oublier de prescrire les bas sur une ordonnance à part. Concernant le rythme de prescription, on peut retenir que le patient peut bénéficier de nouveaux bas si la taille a changé ou si les précédentes paires sont abîmées dans un délai raisonnable de six mois (durée de la garantie).

Pour en savoir plus, lire notre Mémento de la prescription de novembre 2017, ou sa prochaine édition réactualisée, en décembre.