En trente-cinq ans d’exercice libéral, cela ne lui était jamais arrivé : pendant un soin, Nathalie* a oublié ses clefs de contact sur son scooter.
« Il y a quelques jours, épuisée par une matinée chargée, je me trouve chez mon dernier patient, un diabétique avec une suspicion d’ostéite, pour un nouveau pansement sans ordonnance de matériel. Je reste dix minutes de trop qui permettent à un individu mal intentionné de s’apercevoir que le feu stop de mon scooter brille : le contact est mis… Lorsque je m’en rends compte que mon scooter s’est envolé, je cours au commissariat faire ma déclaration de vol. Ont disparu : mon scooter, mon casque, l’agenda du cabinet, des ordonnances, des piluliers, et… la pochette des clefs des patients ! J’exerce dans le centre de Toulouse où, pour accéder aux patients, il faut une télécommande de portail, un Vigik pour passer la porte du hall, un code pour faire monter l’ascenseur et une clef de sûreté pour ouvrir une porte qui parfois est blindée ! Un véritable parcours balisé de contraintes de sécurité. Afin d’éviter toutes ces manipulations à ma patientèle, très âgée donc un peu sourde et/ou diminuée, et pour leur éviter les chutes et le stress de « galoper » pour nous ouvrir une à trois fois par jour, j’avais décidé de garder leurs clefs dans cette pochette. J’appelle les familles pour les informer de mon infortune. Évidemment, j’annonce que je prendrai à ma charge le remplacement des éléments qui m’ont été confiés. Je suis dévastée, je vois la note qui grossit à vue d’œil… Le fils d’une patiente particulièrement inquiète et stressée par la situation souhaite ainsi changer la serrure de l’appartement. Pourtant, le trousseau de clefs ne comporte aucun nom ni adresse… Bref ! La famille me présente une facture de 450 euros. Malheureusement, je ne peux rien demander à ma responsabilité civile professionnelle… Je ne suis pas assurée (perte et vols) pour les biens que mes patients m’ont confiés. Aussi, demain, je ferai un courrier à ma patientèle pour m’engager à prendre grand soin des clefs qu’on m’aura confiées mais en aucun cas à en être responsable. Pour les patients qui ne souhaiteront pas signer ce document, je préciserai qu’au-delà de cinq minutes d’attente, je repartirai, et le soin ne sera pas fait. Cela ne me ressemble pas, mais je n’ai pas le choix. Bonne journée à tous, et faites attention aux clefs. »
* Le prénom a été modifié
« En ce qui concerne le vol, dont la survenance est imprévisible et extérieure au comportement du soignant, la responsabilité sera écartée car la faute est extérieure à l’Idel. Toutefois, cet événement devra faire l’objet d’une plainte afin que la police d’assurance du professionnel ou du patient, le cas échéant, offre sa garantie. Si la disparition de la clé tient à un égarement de la clé ou une soustraction consécutive à une négligence ou une maladresse, l’Idel devra répondre de la conséquence de cette perte. A minima au coût du remplacement de la clé ou encore, le cas échéant, au vol et à la dégradation des biens du patient. En effet, selon l’article 1241 du Code civil : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » Cette règle de responsabilité est d’ordre public et ne peut y être dérogée par un quelconque contrat passé avec le patient. Si la contrainte est évidente pour l’Idel, la solution consistant à ne pas patienter au seuil du logement d’un patient, alors qu’il est parfaitement connu de la soignante sa perte d’autonomie, risque, si un dommage survenait, de transformer le péril de la responsabilité civile en celui d’une responsabilité pénale. »