LA BLOGUEUSE
Le réveil sonne, j’ouvre un œil puis l’autre. Je me redresse péniblement et étire mes muscles endoloris. Je regarde mon réveil, me dis que ce n’est pas humain de se lever à des heures pareilles et pense à tous ceux qui, comme moi, font les mêmes gestes au même moment en se répétant que se lever aux aurores (voire bien avant) équivaut à se faire rouler dessus par un trente-huit tonnes (tous les matins, cela fait mal) ! Je mets un pied par terre puis l’autre et la machine se met enfin en marche. Une demi-heure plus tard, je franchis la porte, agenda sous le bras, clés-portable-thermos-paquet de chocos en équilibre sous l’autre bras. Je démarre mon bolide et débute mon premier jour de boulot, le premier d’une longue série. L’été, les vacances, le farniente sont déjà loin pour moi mais encore bien présents pour ma collègue qui se trouve pile-poil au milieu de ses congés. Et comme en libéral, la règle d’or est de ne jamais (ô grand jamais) penser que tout va se dérouler comme prévu, il va de soi que les vacances des uns ne sont pas synonymes de calme pour les autres. Ce premier jour commence donc dès le lever du soleil à prendre des allures de catastrophe nucléaire : le téléphone se met inlassablement à sonner et, à peine arrivée chez mon patient number one, je suis déjà pendue au bout du fil à me dépatouiller avec une prise de sang urgente à caser entre deux prises de sang tout aussi urgentes, le tout en prenant en compte le facteur kilométrique non négligeable dans mon cas (la téléportation n’existant pas encore). Une heure après, j’ai enchaîné sans souci les visites et commence à caresser l’idée que cette matinée ne va peut-être pas si mal se passer. Je m’apprête à gonfler le torse en me répétant « you are a warrior » jusqu’à ce qu’une alarme se mette à sonner sur l’ordinateur de bord de ma (nouvelle) compagne de route. Je me gare sur le côté et regarde de plus près ce que ce petit (et insignifiant) sigle veut dire : nom d’un petit bonhomme, cela ressemble dangereusement à un pneu à plat ! Je pousse un grognement (digne d’un loup-garou enragé) : « Purée, ne manquait plus que cela ! » Après une demi-seconde de réflexion (par expérience, une voiture neuve = des écrous serrés +++, et comme je ne suis pas Musclor…), je préfère m’arrêter au garage le plus proche. Après inspection, discussion (la chaleur pourtant loin d’être caniculaire étant pour le garagiste la source de mes ennuis) et regonflage, je repars avec une bonne demi-heure de retard et la désagréable impression d’avoir été prise pour une truffe. Je continue mon chemin et essuie quelques réflexions au passage (« je commençais à avoir faim », « je me demandais si vous n’aviez pas oublié »…). Vers 10?heures, je me dirige vers le prochain (et nouveau) lieu de soins : un chemin de terre, une maison, des chiens qui n’ont pas l’air ravi de me rencontrer (ouh, les belles quenottes que voilà !). Faire connaissance, commencer un premier soin, prendre tout simplement ses marques, cela demande du temps. Or, ce matin, le temps manque à l’appel et je repars avec un retard vertigineux. La tournée avance tant bien que mal, je tente de rester zen et concentrée jusqu’à ce que le petit sigle se remette à clignoter. Ne pas céder à l’hystérie, ne pas s’effondrer en pleurnichant « j’en ai maaaarrrrre ! », conserver un semblant de bon sens, retourner au garage, attendre que la roue soit réparée (enfin) et continuer comme si de rien n’était (bon, ce n’est pas toujours facile, je vous l’accorde). Je termine cette matinée avec un soulagement non dissimulé en priant intérieurement pour que la tournée du soir ne continue pas sur la même lancée. Comme en libéral, la règle d’or est de ne jamais (ô grand jamais) penser que tout va se dérouler comme prévu, on ne sait jamais, avec un peu de chance, cela peut très bien se passer. ?