La vaccination contre la grippe - L'Infirmière Libérale Magazine n° 351 du 01/10/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 351 du 01/10/2018

 

Infection virale

CAHIER DE FORMATION

POINT SUR

Nathalie Belin  

docteur en pharmacie

Si la vaccination antigrippale n’offre qu’une protection partielle, elle est essentielle chez les personnes à risque car elle diminue le danger de graves complications.

Définition

La grippe est une infection virale respiratoire aiguë due à Myxovirus influenzae. Il en existe trois types : A, B et C. Seuls les types A et B sont responsables d’épidémies chez l’homme, voire de pandémie pour le type A, le plus fréquent et le plus virulent. Les virus de type Ase répartissent en plusieurs sous-types (H1N1, H1N2, H2N2, etc.) selon les caractéristiques de leurs deux glycoprotéines de surface : l’hémagglutinine et la neuraminidase. Chez l’homme, les épidémies de grippe saisonnière sont actuellement dues aux sous-types H1N1 et H3N2. Concernant les virus de type B, deux “lignées” circulent chez l’homme : Victoria et Yamagata.

Les virus de la grippe peuvent subir, au cours de leurs milliards de réplications quotidiennes, deux types de modifications génétiques :

→ des glissements antigéniques (ou “drift”) qui provoquent l’apparition de variants à l’intérieur d’un même sous-type. Si la personne a déjà attrapé une grippe précédemment ou si elle est vaccinée, l’immunité acquise la protège au moins partiellement contre cette nouvelle souche ;

→ des cassures antigéniques (ou “shift”) ne concernant que les virus de type A et résultant d’un mélange de gènes issus de deux virus différents cohabitant chez le même hôte. Ces cassures peuvent créer un nouveau sous-type. Dans ce cas, l’immunité acquise lors d’épisodes grippaux antérieurs ou via la vaccination n’est pas efficace. Cette situation est susceptible d’entraîner de grandes épidémies, voire des pandémies.

Les personnes à risque

Il s’agit des femmes enceintes, des nourrissons et jeunes enfants, des personnes âgées, ainsi que celles présentant une pathologie sous-jacente susceptible de se décompenser ou un terrain pouvant favoriser l’extension de l’infection virale : personnes immunodéprimées ou ayant une pathologie cardiaque, respiratoire, rénale ou métabolique.

→ Chez le nourrisson, outre le risque de déshydratation et de convulsions lié à la fièvre, il existe un risque de détresse respiratoire.

→ Chez le sujet âgé, les signes respiratoires peuvent être plus marqués (toux, dyspnée…) et associés à une confusion mentale, des chutes, des troubles digestifs, une déshydratation.

→ Chez la femme enceinte, il existe un risque de forme sévère de grippe, avec notamment un plus grand risque d’hospitalisation au cours des deuxième et troisième trimestres de la grossesse, lié à une détresse respiratoire ou à des complications cardiovasculaires.

→ Les complications respiratoires sont les plus fréquentes : pneumonie aiguë à l’origine d’une détresse respiratoire aiguë potentiellement mortelle (forme maligne de grippe, rare), surinfections bactériennes à l’origine de la plupart des cas de mortalité liés à la grippe saisonnière.

→ Les complications extra-respiratoires (méningites, encéphalites, atteintes cardiaques) sont possibles mais rares ; le syndrome de Reye est une grave encéphalite aiguë avec atteinte simultanée du foie survenant surtout chez l’enfant, et favorisé par la prise d’aspirine au cours d’un épisode viral aigu.

La vaccination

Indications(1)

→ Personnes à risque de complications : en particulier celles âgées de plus de 65 ans, les femmes enceintes, les personnes atteintes de certaines pathologies chroniques (respiratoires, rénales, cardiaques, mucoviscidose, diabète de type 1 ou 2, maladie hépatique notamment) ou présentant un déficit immunitaire (VIH, traitement immunosuppresseur…), les personnes obèses avec un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 40 kg/m2.

→ Personnes en établissement de soins.

→ Entourage des personnes à risque : notamment prématurés, nourrissons de moins de 6?mois présentant une pathologie exposant à un risque de complication de la grippe, et professionnels de santé en contact régulier et prolongé avec des personnes à risque.

Quelle efficacité ?

→ Les modifications constantes des virus imposent d’ajuster, chaque année, la composition du vaccin. L’efficacité de la vaccination est ainsi notamment conditionnée par la similitude entre les souches du vaccin (composition fixée par l’OMS) et celles circulant. Les vaccins antigrippaux injectables sont des vaccins inactivés comportant trois ou quatre souches de virus : deux de type A et un de type B pour les vaccins, deux de type A et deux de type B pour les vaccins tétravalents. Ces derniers visant à améliorer la protection avec l’introduction d’une deuxième souche virale de type B.

→ La vaccination est moins efficace chez les personnes âgées ou immunodéprimées, du fait de l’affaiblissement de leur système immunitaire, et chez les très jeunes enfants. Mais elle permet d’éviter 2?500?décès chaque hiver chez les plus de 65?ans, et ce, en dépit d’une couverture vaccinale faible(2).

→ Chez la femme enceinte, la vaccination protège la mère mais aussi le nouveau-né pendant les six premiers mois de sa vie, sachant que la vaccination antigrippale est contre-indiquée chez le nourrisson de moins de six mois, ainsi protégé par les anticorps de la mère vaccinée.

Conseils aux patients

L’immunité

Il est important d’expliquer que, même si elles attrapent la grippe, les personnes vaccinées ont moins de risque de présenter des complications. Il faut une quinzaine de jours pour que se mette en place l’immunité conférée par le vaccin et que la personne soit protégée. Les anticorps persistent entre six à neuf mois en général.

Les bons gestes

Les “mesures barrières” diminuent l’ampleur de la dissémination du virus : se laver souvent les mains, se couvrir le nez et la bouche en cas de toux ou d’éternuement, jeter les mouchoirs en papier dans une poubelle fermée. Nettoyer les objets utilisés (poignées de porte, clavier d’ordinateur…) à l’alcool à 90° ou à l’eau de Javel (dilution à 0,1 %). Le port d’un masque évite les projections du patient qui ne doit pas approcher les personnes à risque à moins d’un mètre. En période d’épidémie intense, voire de pandémie, il vaut mieux éviter les lieux très fréquentés : transports en commun, centres commerciaux, salles de spectacle…

(1) Ministère des Solidarités et de la Santé et Direction générale de la santé, “Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales” (bit.ly/2CVya4Q).

(2) Bulletin épidémiologique hebdomadaire 32-33,| 13 octobre 2015, “Impact de la vaccination contre la grippe saisonnière sur la mortalité des personnes âgées en France, de novembre 2000 à avril 2009” (bit.ly/2oLZxnR).

* HAS, “Extension des compétences des professionnels de santé en matière de vaccination, vaccination contre la grippe saisonnière”, juillet 2018 (bit.ly/2OgvShe)..

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

La vaccination à l’officine

→ L’objectif des pouvoirs publics est d’augmenter la couverture vaccinale antigrippale pour atteindre idéalement 75 % de la population à risque (contre moins de 50 % actuellement). Les pharmaciens concernés sont ceux ayant suivi une formation, sur la base du volontariat, dans les régions Auvergne Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine sur la saison 2017-2018, auxquelles s’ajoutent Hauts-de-France et Occitanie pour la saison 2018-2019.

→ En 2017-2018, les personnes éligibles à la vaccination étaient les adultes (18 ans et plus) ciblés par les recommandations vaccinales à l’exception des femmes enceintes et des primo-vaccinations. Les personnes immunodéprimées, celles ayant eu une réaction à une vaccination antérieure ou présentant des troubles de la coagulation ou sous traitement anticoagulant ne pouvaient être prises en charge à l’officine. Le rapport de la Haute Autorité de santé (HAS) précise que près de 160 000 vaccinations ont ainsi été réalisées en 2017-2018. La HAS* recommande que la vaccination antigrippale puisse à l’avenir être réalisée, sans prescription médicale préalable, par les sages-femmes, les infirmiers et les pharmaciens participant à l’expérimentation, chez toute personne de plus de 18 ans éligible aux recommandations vaccinales.

Info +

Il existe aussi un vaccin antigrippal par voie nasale : Fluenz Tetra, non remboursé et non disponible cette année en France, réservé aux 2-17 ans. C’est un vaccin vivant atténué tétravalent qui permet chez l’enfant une meilleure réponse immunitaire.