Prématurité, de l’hôpital au domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 351 du 01/10/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 351 du 01/10/2018

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR

En France, le taux de prématurité augmente depuis 1995, ce qui représente aujourd’hui 60 000 naissances vivantes par an dans notre pays (1). Anxiogène en soi à l’hôpital, en dépit d’une prise en charge médico-technique de pointe, la prématurité peut l’être davantage lors du retour au domicile. Les soignants libéraux (sages-femmes, puéricultrices, Idels) doivent appréhender toutes les dimensions médico-psycho-sociales de la prématurité afin d’accompagner au mieux le retour à la maison de l’enfant prématuré et de ses parents.

DÉFINITION

Par rapport au terme physiologique de la grossesse, soit 41 semaines d’aménorrhée (SA), un enfant est considéré prématuré s’il naît avant 37 SA, soit à 8 mois et demi de grossesse. Lorsqu’il naît avant ce terme, on distingue trois niveaux de prématurité :

→ la prématurité moyenne : naissance entre la 32e et la 36e SA révolue (entre 7 et 8 mois de grossesse) ;

→ la grande prématurité : entre la 28e et la 32e SA (entre 6 et 7 mois de grossesse) ;

→ la très grande prématurité : avant 28 semaines, soit en deçà de 6 mois de grossesse. L’Organisation mondiale de la santé définit le terme de viabilité à 22 SA ou un poids de 500 g (2). En France, aucune mesure de survie n’est mise en œuvre pour les prématurés d’âge gestationnel inférieur à 23 SA et/ou de poids de naissance inférieur à 500 g car la mortalité avoisine 100 % (3) : seuls des soins de confort sont alors dispensés. Les procédures de réanimation ne sont normalement entreprises qu’à partir de 24 SA.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Au niveau mondial, sur 184 pays, le taux des naissances prématurées varie entre 5 et 18 % des bébés nés (2). En France, la prématurité est passée de 5,9 % des naissances en 1995 à 8 % en 2016, plaçant la France au 10e rang européen (1 ; 4). Cette tendance préoccupante est observée dans la plupart des pays développés. Sur les 60 000 naissances prématurées vivantes enregistrées chaque année en France, 85 % sont des prématurés moyens, 10 % des grands prématurés et 5 % des très grands prématurés. La prématurité et ses complications restent la première cause de mortalité périnatale chez les enfants de moins de 5 ans (2). 20 % des grands prématurés ne survivent pas et environ 2 000 enfants meurent chaque année des suites de leur prématurité. Le taux de survie atteint 99 % à 32-34 semaines, 94 % à 27-31 semaines, 60 % à 25 semaines et moins de 1 % avant 24 semaines (5).

Si, dans 40 % des cas, l’accouchement prématuré est consenti et doit être provoqué par les médecins en raison de la présence de facteurs engageant la survie de la mère (pré-éclampsie, hypertension artérielle gravidique) ou de l’enfant (arrêt de la croissance intra-utérine par exemple), dans 60 % des cas, il est subi car imprévisible (6). Dans ce cas, il est souvent pris en charge dans des établissements de proximité ne répondant pas aux critères d’accueil des prématurés (lire l’encadré de la page ci-contre), ce qui impose le transfert du nouveau-né dans un service compétent et la séparation de la mère et de l’enfant (lire l’encadré ci-dessous).

CAUSES, FACTEURS DE RISQUE

Facteurs sociétaux

« Les deux principaux facteurs de risque sont l’augmentation de l’âge de la mère, elle-même associée à des grossesses compliquées et davantage de grossesses multiples, et la gémellité (elle multiplie par un facteur 7 à 10 le risque de prématurité) en lien avec le recours plus fréquent aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA) et aux stimulations ovariennes. » (7) 50 % des jumeaux naissent prématurément, ce qui représente un tiers des naissances prématurées.

Facteurs materno-placentaires

Antécédents d’accouchement prématuré, pathologies maternelles chroniques (cardiopathie congénitale, greffe cardiaque, diabète, hypertension artérielle…), malformations utérines ou cervicales, anomalies placentaires, infections maternelles (chorioamniotite (8)) constituent des facteurs de risque d’accouchement prématuré.

Facteurs socio-économiques

Travail pénible, durées de transport élevées, tabagisme ou alcoolisme maternel, bas niveau socio-économique favorisent les grossesses prématurées (9). Ainsi, dans les DOM-TOM, le taux de naissances prématurées et de mortalité infantile et maternelle est deux à trois fois plus élevé qu’en Métropole (10).

À noter : dans le cadre de leur rôle propre, les Idels peuvent sensibiliser les femmes enceintes à risque aux précautions à prendre pour limiter les facteurs de risques accessibles à une prévention et les aider à prendre conscience de l’importance de se soumettre rigoureusement à la surveillance médico-gynéco-obstétricale requise. Elles peuvent faciliter la mise en place d’une travailleuse d’intervention sociale et familiale ou d’une auxiliaire de vie sociale pour aider aux activités domestiques et s’assurer que l’établissement prévu pour l’accouchement est adapté à la prise en charge de la prématurité pour que la mère et l’enfant bénéficient de soins optimisés.

CONSÉQUENCES SUR LES ORGANES

L’enfant prématuré présente des organes (cerveau, poumons, tube digestif, canal artériel…) plus ou moins immatures en fonction du terme de sa naissance.

Immaturité du système nerveux central

Entre la 24e et la 32e semaine de gestation, le développement cérébral du fœtus connaît d’importantes évolutions. L’interruption prématurée de ce processus de maturation impose une surveillance régulière par électroencéphalogramme et imagerie (échographie transfontanellaire, IRM à terme dans certains cas) durant les premières semaines, en particulier en cas de grande et très grande prématurité. En effet, cela permet de dépister d’éventuelles lésions ou anomalies cérébrales périnatales (hémorragies intraventriculaires, leucomalacie ventriculaire) susceptibles de compromettre le pronostic neurologique de l’enfant (1 ; 11). « Ces risques peuvent être minimisés par l’administration préventive à la mère de corticoïdes et de sulfate de magnésium. Les premiers améliorent le pronostic en agissant sur la maturation du cerveau et en réduisant le risque d’hémorragie cérébrale chez l’enfant ; le second diminue les infirmités motrices d’origine cérébrale. » (7)

Immaturité pulmonaire

À l’état mature, les alvéoles pulmonaires sont tapissées par une substance produite par les poumons à partir de la 32e semaine (surfactant) qui assure leur bon fonctionnement. L’absence de surfactant chez les prématurés entraîne des difficultés respiratoires (dyspnée, cyanose) et nécessite de leur administrer un substitut exogène par sonde, mais aussi de mettre en place une assistance respiratoire par ventilation nasale en pression positive ou sonde. Celle-ci permet également de pallier l’immaturité de la commande neuro-respiratoire responsable de fréquentes apnées pouvant entraîner une mauvaise oxygénation du sang. Chez les grands prématurés, elle est associée à l’administration systématique d’un dérivé de caféine pour stimuler les centres neuro-respiratoires. La ventilation peut, chez certains enfants, entraîner des lésions nasales et pulmonaires justifiant la recherche de stratégies plus douces. Elle peut également se compliquer d’une inflammation et d’une hyperréactivité bronchique à l’origine d’une dysplasie broncho-pulmonaire (11).

Immaturité digestive

L’absence de réflexe de succion et le manque de coordination des mécanismes de déglutition et de respiration ne permettent pas d’alimenter naturellement les prématurés de moins de 34 semaines. Chez ces nouveau-nés, une nutrition entérale, de préférence avec le lait maternel, voire avec un lait provenant du lactarium ou un lait spécial prématuré, est mise en place (11). « En outre, l’enfant prématuré est exposé à une pathologie grave, l’entérocolite ulcéro-nécrosante, qui peut survenir à trois semaines de vie et entraîner la destruction du tube digestif. » (7)

Immaturité du canal artériel

Pendant la gestation, le canal artériel du fœtus fait communiquer l’aorte et l’artère pulmonaire et ne s’obstrue spontanément et définitivement qu’à la naissance. Chez le prématuré, le canal artériel tarde à se fermer, ce qui peut entraîner un excès de sang dans la circulation pulmonaire. Un traitement médicamenteux, voire chirurgical ou endovasculaire, doit alors être instauré pour accélérer la fermeture du canal artériel. Les enfants atteints de dysplasie broncho-pulmonaire sont à risque de développer une hypertension artérielle pulmonaire qui doit être dépistée et traitée si nécessaire (11).

Autres immaturités

→ Foie : l’immaturité hépatique engendre très fréquemment un ictère traité par photothérapie.

→ Reins : le volume et le contenu des urines doivent être régulièrement contrôlés pour adapter les besoins du nouveau-né en nutriments et en érythropoïétine (1 ; 11).

→ Système immunitaire : l’insuffisance du passage des anticorps maternels et la multiplication des portes d’entrées (cathéter central, voies d’abord) favorisent les infections. « L’impossibilité d’instaurer une antibiothérapie préventive au risque d’entraîner un phénomène de résistance majeur impose de protéger ces enfants des risques infectieux et notamment du risque d’infection à Staphylococcus épidermidis justifiant une rigueur absolue de l’hygiène des mains. » (7)

RISQUES DE COMPLICATIONS

Des risques de mieux en mieux maîtrisés

Comme l’indique l’Étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels 2 (Épipage 2), les enfants nés prématurés entre 25 et 31 semaines survivent mieux et en meilleure santé qu’il y a vingt ans (12). Toutefois, il n’existe pas de marqueurs prédictifs des complications permettant d’établir un pronostic fiable dans le temps (1). Certains facteurs sont néanmoins plus favorables : un âge gestationnel plus avancé, un poids supérieur à la normale pour l’âge gestationnel et le fait d’être une fille (1).

Principales complications

La fragilité induite par l’immaturité des organes, peut, surtout en cas de prématurité extrême, compromettre le pronostic vital du nouveau-né et poser la question du maintien de la réanimation. Elle peut également être responsable de complications, neurologiques notamment, auxquelles les parents doivent être préparés avant ou au décours de l’accouchement en fonction des circonstances.

Les anomalies neurologiques

Fréquentes chez les grands et très grands prématurés, les anomalies neurologiques peuvent se manifester à moyen et long terme par :

→ des troubles moteurs : retard à la marche, difficultés à marcher ;

→ des troubles cognitifs : retard de langage écrit et oral, hyperactivité, troubles de la concentration, troubles du spectre autistique (plus fréquents chez les prématurés) ;

→ des troubles sensoriels, auditifs ou visuels ;

→ des troubles de l’attention ;

→ l’altération des fonctions exécutives : difficultés à réaliser des tâches complexes (7).

La grande prématurité est responsable de 5 % des séquelles neurologiques sévères et de 35 % des troubles neurologiques modérés ou mineurs. La très grande prématurité est à l’origine de 50 % des troubles cognitifs observés chez l’enfant à l’âge scolaire. « Globalement, les troubles de l’apprentissage et les difficultés scolaires sont multipliés par trois à quatre chez les enfants prématurés. C’est la raison pour laquelle la protection du cerveau du fœtus constitue l’un des axes majeurs de la recherche chez les prématurés (lire l’encadré ci-dessus) et beaucoup d’études portent sur l’impact des remédiations (méthode d’entraînement) pour aider l’enfant à compenser les déficits. » (7)

PARCOURS DE SOINS DU PRÉMATURÉ

Différents services

Les prématurés sont systématiquement placés en couveuse pour les maintenir à une température équivalente à celle du ventre de la mère (34/35 °C) et dans une atmosphère humide (80 % d’humidité). Ils ne peuvent en sortir que lorsqu’ils ont atteint un poids de 2 kg (1). Dans la plupart des cas, les mêmes équipes de néonatalogie prennent en charge les soins du nouveau-né prématuré et l’accompagnement des parents en réanimation néonatale, puis en soins intensifs et en service de néonatalogie. Au-dessus de 34 semaines, certains établissements disposent d’unités Kangourou permettant d’accueillir les nouveau-nés modérément prématurés nécessitant des soins particuliers avec leur mère.

Personnel spécialisé

Ces services bénéficient d’un personnel spécialisé dont le nombre est réglementé. Les décrets n° 98-899 et n° 98-900 du 9 octobre 1998 et l’arrêté du 25 avril 2000 ont introduit de nouvelles normes de sécurité relatives aux locaux (proximité physique des soignants) et aux personnels nécessaires au fonctionnement des unités en fonction de la nature et du volume de leur activité. Infirmière et infirmière puéricultrice doivent être exclusivement affectées aux unités à raison d’une infirmière pour deux enfants en réanimation, pour trois enfants en soins intensifs et pour six enfants en pédiatrie néonatale. Cette présence très rassurante contraste ensuite avec l’isolement dans lequel les familles se retrouvent lors du retour à domicile (lire la partie Savoir faire p.39).

COMPÉTENCES DE L’ENFANT PRÉMATURÉ

Compétences sensorielles

→ L’enfant prématuré perçoit le toucher car les récepteurs cutanés sont présents autour de la bouche dès la 7e SA, sur le visage, la paume des mains et la plante des pieds à 11 SA et sur l’ensemble du corps et les muqueuses à 20 SA. Au 6e mois, le processus de maturation des voies nerveuses conductrices s’achève et l’enfant prématuré présente une grande sensibilité au toucher qui nécessite de prendre en compte la douleur engendrée par les soins et les manipulations.

→ L’odorat est fonctionnel dès la 25e SA. L’enfant prématuré peut donc sentir l’odeur de sa mère et de son père lorsqu’il est porté en peau à peau ou dans les bras.

→ Dès la fin du 3e mois de gestation, le système gustatif est fonctionnel et le nouveau-né différencie le sucré, le salé, l’acide et l’amer.

→ Le système auditif est anatomiquement complet à la naissance du prématuré et fonctionnel dès la 24e SA. Il peut donc reconnaître les voix de ses parents.

→ Le système visuel est le dernier à se former. À 30 SA apparaît le réflexe des pupilles à la lumière, à 32 SA le réflexe des yeux à l’éblouissement. À 37 SA, le nouveau-né peut orienter les yeux et la tête vers une lumière douce et poursuivre une cible contrastée (13).

Compétences motrices

La motricité spontanée du prématuré se matérialise par des décharges motrices involontaires et des phénomènes tonico-moteurs qui parasitent la motricité volontaire (13).

Capacité à communiquer

Les modes de communication habituels (regard, cris, pleurs, sourires) de l’enfant avec son entourage peuvent être amoindris chez les nouveau-nés prématurés. Or ils participent à la création du lien d’attachement à travers la capacité des parents à décoder les besoins et les émotions qu’ils expriment. Pour aider les parents dans cet apprentissage, les soignants ont recours à l’observation. Certains services utilisent l’échelle d’évaluation neuro-comportementale de Brazelton (lire l’encadré en haut de la page ci-contre). Elle permet de mieux objectiver les aptitudes du prématuré, d’axer les espoirs sur les acquis et les progrès et de pouvoir affronter et adapter la manière d’appréhender les vulnérabilités et les risques de handicap.

SOINS DE DÉVELOPPEMENT

Principe

Ces soins regroupent l’ensemble des stratégies environnementales et comportementales visant à optimiser le développement neurocomportemental harmonieux du nouveau-né prématuré en favorisant les comportements d’autorégulation et de stabilité (14). Ces effets peuvent être obtenus par la réduction des stimuli nocifs en diminuant notamment le niveau lumineux et le bruit ambiant et en regroupant les soins le plus possible afin de respecter le rythme veille-sommeil de l’enfant. De même, le positionnement, la délicatesse des manipulations, les méthodes d’enveloppement, le maintien des postures en flexion, le recours au peau à peau et à la succion non nutritive (tétine, mise au sein), ainsi que la présence et l’implication permanente des parents auprès de l’enfant permettent de limiter les facteurs de stress et la douleur (lire l’encadré de cette page) générés par les activités de soins.

Méthodes

« La philosophie du Nidcap (Neonatal Individualized Developmental Care and Assessment Program) (15) a considérablement fait progresser la qualité de la prise en charge des enfants prématurés en posant les bases des soins de développement centrés sur la famille et en reconnaissant la place capitale jouée par la présence des parents, aujourd’hui considérés comme des partenaires à part entière du soin. » (7) Toutefois, le Nidcap reste une méthode dont il faut dissocier les principes des modalités de mise en œuvre. « Si ses principes font globalement consensus, en revanche, les moyens à mettre en œuvre pour l’appliquer, en termes de personnel dédié, de formation et d’infrastructure, font discussion car ils sont inaccessibles à la plupart des établissements qui ne peuvent assumer les coûts supplémentaires induits. » C’est la raison pour laquelle l’association SOS Préma déplore l’inégalité des soins donnés aux prématurés (lire le témoignage de la page ci-contre).

CRITÈRES AUTORISANT LA SORTIE ET LE RETOUR À DOMICILE

Conditions relatives à l’enfant

« L’état général de l’enfant doit être stable. Il ne doit présenter aucune maladie justifiant un suivi rapproché (apnée, bradycardie, infection), doit s’alimenter de manière autonome au sein ou au biberon sans signe de fatigue, avoir une régulation thermique normale, peser 1 800 g (les enfants du Samu social ne sortent pas avant 2 500 g) et prendre régulièrement 25 g par jour en moyenne. » (16) En général, ces conditions sont remplies à la date à laquelle le bébé aurait dû naître, mais il n’est pas rare que l’enfant sorte une à deux semaines avant le terme gestationnel dès lors qu’il remplit tous les critères de sortie et que les parents sont prêts. Des expériences de sorties précoces en hospitalisation à domicile (HAD) spécialisée, à l’instar de ce qui est proposé en Suède, sont conduites à Toulouse (Haute-Garonne) et Caen (Calvados) sous l’égide de la Société française de néonatalogie (SFN) et des Agences régionales de santé.

Conditions relatives aux parents

« L’hospitalisation parfois longue (deux à trois mois) du prématuré est éprouvante sur les plans émotionnel et physique pour les parents. Ils sont souvent fatigués en raison des trajets multiples, du stress chronique et de la gestion du quotidien d’autant plus lourde qu’il existe une fratrie. Il est donc important de les préparer à cette étape à la fois attendue et anxiogène, de s’assurer que les liens d’attachement sont créés et que les parents sont en mesure d’assumer pratiquement et matériellement (organisation en place, maîtrise de l’alimentation, des soins de maternage, des techniques de portage…) la transition hôpital-domicile. » (17) Cette préparation s’élabore tout au long de l’hospitalisation en les faisant participer activement aux soins de leur enfant. « Un travail de valorisation des compétences parentales et des évolutions positives de l’enfant est réalisé en amont de la sortie pour mettre les parents en confiance et les rassurer quant à leurs compétences parentales et à leur aptitude à gérer le retour à la maison. » (17)

Conditions relatives au suivi post-hospitalier

Il n’existe pas, comme pour les enfants nés à terme, de Programme d’accompagnement du retour à domicile (Prado) (lire à ce sujet notre “Point sur” de notre prochain numéro) pour les prématurés. Dans ce cas, les modalités du suivi médical et de l’accompagnement ambulatoire doivent être prévues, discutées et convenues entre le médecin référent en néonatalogie et les parents afin d’établir un cadre de suivi post-hospitalier aussi rassurant que possible. Ces modalités font appel aux équipes soignantes des centres de Protection maternelle et infantile (PMI), des réseaux périnatalités, des HAD, des Centres d’action médico-social précoce (CAMSP, structures en charge des problématiques de handicap chez les enfants âgés de 0 à 6 ans), mais aussi, parfois, aux soignants libéraux (infirmières libérales, puéricultrices libérales et sages-femmes libérales).

UN DISPOSITIF AMBULATOIRE PERFECTIBLE

Globalement, l’organisation et la coordination des soins et du suivi ambulatoire des prématurés restent très hétérogènes d’une région à l’autre, expliquant, comme le souligne Charlotte Bouvard, directrice de SOS Préma, que « près de la moitié des prématurés ne sont pas suivis correctement ». Le rapport Jourdain-Menninger (18) souligne en effet « les disparités de fonctionnement des PMI d’un département à l’autre ainsi que dans les prestations offertes et la performance des services ». Concernant les réseaux de périnatalité, « tous ne sont pas financés de la même façon et certains territoires, Martinique par exemple, en sont aujourd’hui dépourvus alors que cette région d’outre-mer recense 12 % de prématurés (19). Par ailleurs, faute de moyens, certains CAMSP sont dans l’impossibilité de suivre les prématurés de plus de 28 semaines, ce qui génère, pour les familles qui les sollicitent à la sortie de l’hôpital, pour des prématurés nés à 29 ou 30 SA, des délais de prise en charge de plus d’un an ». Quant aux soignants libéraux (infirmières libérales et puéricultrices notamment), ils constituent des ressources pour accompagner les familles au quotidien mais doivent souvent déployer beaucoup d’énergie auprès des différentes structures de prise en charge pour faire valoir leur complémentarité. En outre, lorsqu’elles sont sollicitées, les puéricultrices ne bénéficient d’aucune reconnaissance des soins de puériculture spécifiques qu’elles dispensent (lire le témoignage ci-contre).

(1) Inserm, “Prématurité : ces bébés qui arrivent trop tôt”, mis à jour en décembre 2015 (lien bit.ly/2waNF5y).

(2) Organisation mondiale de la santé, “Les naissances prématurées”, février 2018 (bit.ly/2CwvYAC).

(3) L. Desfrere et col. “Prise en charge des prématurés entre 24 et 28 SA - Critères de réanimation des prématurissimes en salle de naissance : quel discours en anténatal ?”, mars 2008 (bit.ly/2MYy8h2).

(4) Inserm et Dress, “Enquête nationale périnatale, rapport 2016, Les naissances et les établissements, situation et évolution depuis 2010”, octobre 2017 (bit.ly/2wUB985).

(5) Inserm, “La survie des enfants grands prématurés en France s’améliore : premiers résultats de l’étude Épipage 2”, communiqué de janvier 2015 (bit.ly/2oMXAaX).

(6) Étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels 2 (Épipage 2), “État des connaissances en 2010” (bit.ly/2M6Sak8).

(7) Entretien avec le Pr Jean-Christophe Rozé, chef du service de médecine néonatale du CHU de Nantes (Loire-Atlantique).

(8) Infection du placenta et du liquide amniotique.

(9) C. Michel, “Le père et l’épreuve de la prématurité : étude du vécu lors de naissances après 30 SA”, mémoire pour l’année universitaire 2014-2015 (bit.ly/2oNj4nX).

(10) Société française de néonatologie, communication à la suité des États généraux de la prématurité en octobre 2013 (bit.ly/2oLsTmm).

(11) E. Zana-Taïeb, “Parcours de soins des extrêmes prématurés”, mai 2017 (bit.ly/2Qbprhm).

(12) Inserm, “Suivi à 2 ans : les enfants nés prématurément survivent mieux et sont en meilleure santé qu’il y a 20 ans”, communiqué du 30 août 2017 (bit.ly/2Q9DlAx).

(13) F. Vanthier, “Le retour à domicile du bébé prématuré : comment l’infirmière puéricultrice peut-elle soutenir les parents dans la construction de leur parentalité en service de néonatologie ?”, projet professionnel 2011 (bit.ly/2MTp64R).

(14) Services de néonatalogie, Prs Picaud et Cambonie, CHRU de Montpellier, “Soins de développement en néonatalogie - Guide pratique à l’attention des soignants” (bit.ly/2FBQAaG).

(15) www.nidcapfrance.fr

(16) Entretien avec le Pr Valérie Biran, chef du service de pédiatrie et réanimation néonatale (hôpital Robert-Debré, AP-HP).

(17) Entretien avec Élise Chenel, infirmière puéricultrice dans le service de pédiatrie et réanimation néonatale (hôpital Robert-Debré, AP-HP).

(18) Inspection générale des affaires sociales, “Étude sur la protection maternelle et infantile en France - Rapport de synthèse”, novembre 2006 (bit.ly/2NrKDRE).

(19) Entretien avec Charlotte Bouvard, directrice de SOS Préma.

Maternités : faire le bon choix

Au 15 mars 2016, la France comptait 517 maternités. Celles-ci sont actuellement réparties en quatre types correspondant à des niveaux de spécialisation des soins en fonction du terme et du poids de naissance.

→ Type I = enfant à terme.

→ Type IIa = enfant + 34 SA et + 1 600 g.

→ Type IIb = + 32 SA et + 1 200 g.

→ Type III = - de 32 SA et - de 1 200 g. Seules les maternités de type III disposent de l’ensemble des services (néonatalogie, soins intensifs, réanimation néonatale).

En métropole, 43 % de maternités sont de type I, 28 % de type IIa, 17 % de type IIb et 12 % de type III.

Source : Inserm et Dress, “Enquête nationale périnatale, rapport 2016, Les naissances et les établissements, situation et évolution depuis 2010”, octobre 2017 (lien raccourci : bit.ly/2wUB985).

Témoignage

Le préjudice de la séparation

Séparée de son enfant juste après sa naissance, Carole S. témoigne de ce qu’elle a vécu et ressenti.

« Transféré dans un autre établissement dès sa naissance, mon fils m’a été arraché et ces quatre jours de séparation manquent à ma vie de mère et à ma vie tout court. Je me suis enfermée dans une bulle car je ne comprenais pas ce qui m’arrivait et pourquoi mon enfant se retrouvait en réanimation à l’autre bout de Paris. Durant ces quatre jours, je ne me suis pas du tout sentie mère. Je ne le suis devenue qu’à son contact physique, à partir du moment où j’ai pu le prendre dans mes bras. Même si je n’ai pas le sentiment d’avoir rencontré des problèmes d’attachement à mon enfant, je regrette que nous n’ayons pas pu effectuer, comme cela se pratique dans quelques services très évolués dans les soins de développement (Brest, Toulouse, Strasbourg, Valenciennes), ce transfert tous les deux en peau à peau. Aujourd’hui, la séparation même d’un étage n’est plus acceptable, et si la mère n’est pas médicalement en mesure d’accompagner son enfant, le père devrait pouvoir la remplacer : les premiers instants sont primordiaux et déterminants en termes d’attachement. »

Recherche : protéger le cerveau, l’enjeu majeur

Le cerveau du fœtus est l’organe qui souffre le plus à la naissance et aucun traitement ne permet actuellement de le protéger efficacement des risques infectieux et inflammatoires. C’est la raison pour laquelle des chercheurs tentent entre autres de valider l’intérêt neuroprotecteur de l’administration prénatale chez la mère de certaines molécules comme la mélatonine. Toutefois, pour l’heure, « les doses éthiquement acceptables en administration chez la mère ne semblent pas suffisantes pour apporter un bénéfice protecteur au nouveau-né. D’autres équipes, britanniques notamment, étudient son utilisation en administration post-natale chez le prématuré, mais les résultats à ce jour ne sont pas concluants ». *

* Entretien avec le Pr Valérie Biran, chef du service de pédiatrie et réanimation néonatale (hôpital Robert-Debré, AP-HP).

Douleur et prématurité : évaluation et traitements

Les recherches ont montré que les prématurés perçoivent les stimulations douloureuses cutanées de manière plus intense que les nouveau-nés à terme. Il est donc nécessaire d’évaluer et de traiter la douleur induite par les nombreux actes nécessités par la surveillance et les soins dans le contexte de la prématurité. Des échelles d’évaluation de la douleur spécifiques aux nouveau-nés sont utilisées par les infirmières afin d’objectiver et de coter l’intensité de la douleur pour adapter les stratégies antalgiques.

→ L’Échelle de douleur et d’inconfort du nouveau-né (Édin) (1), spécialement élaborée pour les nouveau-nés à terme ou prématurés, repose sur l’observation par l’infirmière de l’expression du visage et du corps de l’enfant et les signes relatifs au sommeil, à la relation et au réconfort. Elle est réalisée quatre fois par jour au même titre que la surveillance des constantes. Elle peut être réalisée toutes les trois heures lorsque l’enfant est particulièrement douloureux. Un score compris entre 17 et 22 témoigne d’une douleur et d’un inconfort possibles ; entre 23 et 30, il signe une douleur certaine (2).

→ L’Échelle Comfort Behavior est plus particulièrement utilisée chez les prématurés intubés pour lesquels la cotation observationnelle de la douleur et de l’inconfort est plus difficile. Elle évalue le niveau d’éveil, le comportement (calme ou agité), la ventilation, les mouvements, le tonus musculaire et la tension du visage. Un score compris entre 17 et 22 témoigne d’une douleur et d’un inconfort possibles et, entre 23 et 30, c’est le signe d’une douleur certaine (2).

→ En cas de douleur aiguë causée par un geste diagnostique ou thérapeutique, l’analgésie doit être systématique. La cotation de la douleur peut être réalisée par l’échelle “Douleur aiguë du nouveau-né” (DAN) (3) créée par le Pr Ricardo Carbajal, chef du service des urgences pédiatriques à l’hôpital Armand-Trousseau (AP-HP).

→ Les protocoles antalgiques reposent sur :

- des antalgiques médicamenteux par voie générale adaptés à l’intensité de la douleur (paracétamol, morphine, hypnotiques) ;

- les anesthésiques locaux (Emla) ;

- le Meopa chez les enfants de plus de 34 semaines sans détresse respiratoire en cas de gestes invasifs (myélogramme, ponction lombaire) ;

- les stratégies comportementales : tétine, solutions sucrées, peau à peau, allaitement maternel.

(1) pediadol.org/IMG/pdf/EDIN.pdf

(2) www.pediadol.org/IMG/pdf/comfort_b.pdf

(3) pediadol.org/Grille-d-evaluation-de-la-douleur,11.html

Source : entretien avec le Pr Valérie Biran, chef du service de pédiatrie et réanimation néonatale (hôpital Robert-Debré, AP-HP).

L’échelle de Brazelton (Neonatal Behavioural Assessment Scale, NBAS)

Cet outil d’évaluation du comportement du nouveau-né dès la naissance et dans les toutes premières semaines de vie permet d’aider les parents à reconnaître les signaux exprimés par leur enfant à travers ses comportements. Ils peuvent ainsi y répondre, ce qui favorise l’élaboration des liens d’attachement et les renforce dans leur rôle de parents. L’évaluation est réalisée à partir de :

→ 28 items comportementaux relatifs, entre autres, à la qualité du sommeil, la consolabilité, la robustesse, la fatigabilité, la sensibilité, les réponses visuelles et auditives, l’intérêt pour l’échange interactif, l’autonomie et le besoin de protection ;

→ 18 réflexes permettant d’objectiver l’état neurologique de l’enfant ;

→ un groupe d’items destinés à mieux saisir le répertoire et la qualité du comportement du nourrisson fragile et à apprécier l’aide que peut lui apporter le soignant ou le parent.

Source : Fiche descriptive, outil d’évaluation pédiatrique (lien raccourci bit.ly/2O1uAXG).

Témoignage

Optimiser la prise en charge des prématurés

Charlotte Bouvard est mère d’un enfant prématuré et directrice fondatrice de SOS Préma (www.sosprema.com). Son association reçoit quotidiennement des appels de parents dont le parcours et l’expérience lui permettent de témoigner qu’aujourd’hui encore les « meilleurs soins ne sont pas donnés à tous les enfants prématurés ».

« Si les données de l’Étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels 2 (Épipage 2) montrent que la prise en charge médico-technique des prématurés est satisfaisante et plutôt bien dotée, en revanche, concernant les soins de développement et la place donnée aux parents en particulier, la prise en charge globale des nouveau-nés vulnérables en France ne souffre pas la comparaison avec celle proposée dans certains pays comme la Suède, par exemple. Certains établissements montrent pourtant l’exemple et mettent en place des unités d’accueil parents-enfants, à l’instar des CHRU de Brest, de Montpellier, de Toulouse ou de Caen. De même, de plus en plus de services avancent concrètement sur les soins de développement, mais globalement, les 270 services de néonatalogie sont loin d’être à niveau, et le paysage français montre des disparités inacceptables qui sont autant de pertes de chance pour les enfants prématurés auprès desquels les parents, faute de structures adaptées, ne peuvent pas assurer une présence continue. Celle-ci est pourtant capitale pour favoriser le développement cognitif, sensoriel, moteur et affectif optimal du prématuré, comme le montre la métaanalyse des essais réalisée au CHU de Caen. Ses résultats confirment l’impact positif du Nidcap sur la réduction du temps d’hospitalisation et le développement des enfants prématurés à l’âge de 2 ans. C’est la raison pour laquelle, face à l’ignorance des pouvoirs publics vis-à-vis de ces problématiques, l’ensemble des professionnels s’est constitué en un collectif *. Ce collectif réclame un plan gouvernemental de la prématurité visant, entre autres, à optimiser les soins de développement partout en France car les prouesses techniques ne pourront jamais apporter les bénéfices que la présence des parents et les soins de développement bien conduits apportent à ces enfants. »

* Ce collectif, constitué lors des États généraux de la prématurité, en octobre 2013, regroupe les principales sociétés savantes d’obstétrique, de périnatalité et de pédiatrie françaises (Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Société française de pédiatrie, Société française de médecine périnatale, Association française de pédiatrie ambulatoire) autour de la Société française de néonatalogie (SFN) et de SOS Préma.

Témoignage

Quelle place pour les infirmiers puériculteurs libéraux dans la prise en charge des prématurés à domicile ?

Paradoxalement, alors que les infirmiers puériculteurs libéraux sont les plus qualifiés en termes de soins et d’accompagnement des prématurés à domicile, leur spécialisation n’est pas reconnue, comme l’explique Florent Brault, président du Syndicat national des infirmiers puériculteurs libéraux (SNIPuerLib).

« Lorsqu’ils ont la chance d’être identifiés par un service de néonatalogie comme des acteurs à part entière de la prise en charge ambulatoire des prématurés, les infirmiers puériculteurs libéraux sont généralement sollicités, soit pour accompagner temporairement (de une à trois semaines) le retour à domicile lorsque des soins quotidiens ou bi-quotidiens (pansements, injections, prélèvements) sont nécessaires, soit pour soutenir les équipes de l’HAD en cas de prise en charge lourde (sonde naso-gastrique, gastrostomie, perfusion). Nous présentons en effet l’avantage d’être disponibles, de pouvoir réaliser des soins techniques que les puéricultrices de PMI ne peuvent pas réaliser et de pouvoir, grâce à notre spécialisation, accompagner les parents pour tout ce qui relève des soins spécifiques de puériculture (préparation des biberons, accompagnement à l’allaitement maternel, position du bébé à la mise au sein, techniques de portage, suivi de l’évolution de la prise de poids, renforcement de la parentalité…). Toutefois, si nous pouvons facturer les soins infirmiers répertoriés à la NGAP, tout ce qui relève de l’exercice de notre métier de puériculteur n’est pas facturable car il n’existe pas de nomenclature propre aux soins de puériculture. Certains infirmiers puériculteurs libéraux parviennent à les faire prendre en charge en AIS, voire à se faire rembourser les kilomètres, par le biais d’une DSI dès lors que la CPAM reconnaît la plus-value des compétences en puériculture et l’intérêt qu’elles représentent pour la prise en charge globale des prématurés. Mais toutes les CPAM ne raisonnent pas de la même manière. J’en ai fait personnellement l’expérience à Bordeaux, où la CPAM m’a répondu que la DSI est réservée aux patients présentant une incapacité associée à leur pathologie (ce qui n’est pas le cas du prématuré puisqu’il est par définition “dépendant” vu son jeune âge), que la nomenclature prévoit le remboursement des soins de puériculture pour les sages-femmes libérales et qu’il n’est donc pas possible de rémunérer plusieurs catégories de professionnels sur un même type de soin. C’est la raison pour laquelle les infirmiers puériculteurs libéraux dans notre région ont de moins en moins d’appels pour ces prises en charge spécialisées car les services orientent directement vers les sages-femmes si besoin. »