Les pénuries de médicaments et de vaccins inquiètent de plus en plus en France. Le Sénat a mis en place une mission d’information qui a débuté son travail le 25 juin dernier.
En 2017, 530 médicaments se sont retrouvés en rupture de stock (soit 30 % de plus qu’en 2016), selon l’ANSM, notamment pour les médicaments anticancéreux, ceux pour lutter contre la maladie de Parkinson. Côté vaccins, des tensions existent depuis 2015 sur les immunisations contre la diphtérie, le tétanos, la polio, la coqueluche et l’Haemophilus influenzae de type b. L’année dernière, c’étaient le BCG et le vaccin contre l’hépatite B qui se trouvaient en rupture de stock ; et cet été, ce sont les produits contre la rage qui on fait défaut. Ils ne sont d’ailleurs plus disponibles en pharmacie, mais dans les hôpitaux et centres de vaccination spécialisés.
Devant ces difficultés à répétition, les sénateurs ont donc décidé d’enquêter et d’auditionner tous les acteurs de la chaîne du médicament. Premiers mis en cause, les industriels, qui ont avancé de multiples arguments pour expliquer les problèmes : augmentation de la demande mondiale de produits de santé (+ 6 % par an), hypersécurisation des processus de fabrication qui implique une rupture totale de la chaîne de production lorsqu’une anomalie est constatée, voire des tarifs trop bas en France et une concentration de la production sur les produits les plus rentables… « Prenons l’exemple du Lovenox, qui est un anticoagulant injectable, explique ainsi Patrick Rojo, délégué syndical (CGT) Sanofi Winthrop industrie. Ce produit est vendu à un prix bas sur le marché français, mais élevé en Allemagne ou aux États-Unis. Alors que les deux usines qui en assurent la production sont situées en France, nous constatons une tension pour ce produit sur le marché français. L’entreprise a fait le choix d’alimenter les marchés les plus rémunérateurs. » D’ailleurs, Catherine Simonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer, a aussi rapporté des pénuries organisées par les laboratoires pharmaceutiques pour faire monter les prix. « Notamment pour le BCNU qui soigne les hémopathies et les glioblastomes – les cancers du sang et du cerveau. Il coûtait 30 euros les 100 grammes. Avec cette pénurie, quatre ans après, il est passé à 900 euros, puis 1 450 euros les 100 grammes… Les prix d’autres chimiothérapies per os ont été multipliés par trois à cinq après le rachat par d’autres laboratoires. »
Les représentants du personnel des industries de santé ont également souligné que leurs employeurs privilégiaient une production à flux tendus, pour limiter les coûts liés à la constitution et la gestion de stocks.« Enfin, une [autre] raison résulte des stratégies mises en œuvre par les entreprises pharmaceutiques, qui choisissent de ne pas investir dans la création d’usines doublons qui permettraient de pallier la défaillance d’un site de production », résume Yann Tran, délégué syndical chez Sanofi Recherche et Développement.
Autre problème rencontré, la concentration de la production des principes actifs dans un très petit nombre d’entreprises. Lorsqu’un problème de qualité apparaît dans la chaîne de production, il faut l’interrompre, parfois pendant plusieurs semaines, afin d’identifier le problème, puis relancer les processus de test qui permettront de rentrer à nouveau dans les normes de qualité exigeantes du secteur sanitaire. Sur ce point d’ailleurs, les représentants des entreprises du médicament (LEEM) réclament « des mesures fiscales pour inciter au rapatriement d’un certain nombre d’unités de fabrication de matières premières en Europe ».
Depuis 2016, des dispositifs législatifs prévoient la mise en place de plans de gestion des pénuries pour les médicaments dont la carence entraînerait un risque vital pour les patients : contingentement de la distribution, substitution des prescriptions, amélioration du cycle de production, etc. Selon les représentants de l’ANSM, ces plans ne sont encore pas tous efficaces, et l’agence travaille à leur amélioration.
Pour l’heure, les travaux de la commission ne sont pas achevés.
Freestyle Libre, le glucomètre sans piqûre, est disponible sur le marché français depuis quatre ans. Remboursé depuis l’été 2017, il semble victime de son succès puisque de nombreux patients font remonter auprès de la Fédération française des diabétiques leurs difficultés à s’approvisionner. Le dispositif est composé d’un capteur collé sur la face externe du bras, qui se change tous les quatorze jours.La lecture de la glycémie peut être réalisée à tout moment avec un smartphone ou un appareil de lecture spécifique. Or, depuis mai, ce capteur fait parfois défaut en pharmacie. L’ANSM et les laboratoires Abbott ont annoncé un retour à la normale de l’approvisionnement pour fin août/début septembre.