L'infirmière Libérale Magazine n° 351 du 01/10/2018

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

EXPLIQUER

La distanciation éprouvée par les parents est d’autant plus déstabilisante qu’ils ont désiré cet enfant et qu’ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Il est donc important de leur expliquer qu’être parent et se reconnaître comme tel relève d’un processus qui se construit tout au long de la grossesse pour devenir une réalité à la naissance de l’enfant. « En cas de naissance prématurée, l’enfant fait irruption dans le parcours psychique des parents et vient interrompre brutalement ce processus de parentalisation, explique Myriam Dannay. En outre, la séparation physique et parfois géographique et, surtout, la peur de perdre l’enfant peuvent engendrer un mécanisme de défense/protection qui amène les parents à désinvestir la relation à l’enfant. Cela peut engendrer des problèmes d’attachement et des répercussions sur tous les actes concrets de la vie quotidienne. » Il faut donc les rassurer quant au fait qu’il s’agit d’une réaction post-traumatique et que rien n’est perdu. « Les mères en particulier ont besoin de prendre conscience que leur capacité à être une bonne mère est présente mais ne s’est pas exprimée d’emblée en raison des circonstances, poursuit la psychologue. Il est donc essentiel que les soignants les aident à faire le deuil d’une naissance normale avec son rite d’accueil (félicitations, visites, fleurs et cadeaux), et à considérer l’enfant comme un bébé à part entière et non comme une petite chose “pas finie” pour qu’ils puissent enfin se sentir parents. »

RASSURER

Il faut aussi rassurer les mères sur le fait qu’elles peuvent rattraper ce temps “manqué” et qu’elles ont toute leur vie pour donner à leur enfant l’amour et l’attention dont il a besoin pour grandir. De fait, ainsi que l’explique Valérie Daugé, directrice de recherche au CNRS*, « si le moment de la naissance est important car c’est une période critique pour la formation du lien d’attachement, il y a vraisemblablement des processus de réparation ou de substitution qui interviennent lorsque la mère et l’enfant sont séparés à la naissance grâce au langage et aux comportements culturels, sociaux et surtout affectifs. Les échanges par la parole viennent probablement réparer, combler les brèches qui se sont creusées quand il n’y a pas eu de corps à corps mère/nouveau-né ».

VALORISER

Redonner confiance aux mères passe par la valorisation de leurs compétences maternelles. « Elles ont un besoin énorme d’entendre de la part des soignants qu’elles font “bien”, car cela les aide à se sentir de “bonnes mères”, commente Élise Chenel. Ce besoin que nous ressentons à l’hôpital prend une nouvelle dimension à la maison car il convient de confirmer leur aptitude à satisfaire l’ensemble des besoins physiques et affectifs de l’enfant. » Les soignants qui sont amenés à les accompagner doivent les valoriser dans leurs fonctions de parents afin qu’ils puissent prendre confiance en leur capacités à exprimer leurs sentiments et à exercer pleinement leur rôle parental.

* Valérie Daugé, Biologie de l’attachement, Assises PremUp 2012 (bit.ly/2MYKUMs).

Cas pratique

Longuement séparée de son enfant à la naissance du fait de sa grande prématurité, madame S. vous explique qu’elle ne comprend pas pourquoi elle se sent anormalement distante de son enfant sur le plan affectif. Elle en conçoit de la culpabilité et se reproche d’être une “mauvaise mère”.

Vous lui expliquez qu’une naissance prématurée perturbe le processus de parentalité, et que beaucoup de parents sont dans le même cas. Tout va très vite rentrer dans l’ordre, mais, si elle le souhaite, elle peut se faire aider en contactant la psychologue de SOS Préma.

Paternité et prématurité…

En cas de prématurité, le père est le premier à reconnaître l’enfant au travers de l’incubateur. Il apporte de ses nouvelles à la maman et doit exposer la réalité de la situation sans accroître l’angoisse maternelle. Parallèlement, il doit maintenir l’équilibre familial, gérer le quotidien et sa vie professionnelle. C’est une période de doute et d’angoisse au cours de laquelle il occupe un rôle crucial souvent négligé. Pourtant, des études internationales montrent que les pères n’échappent pas au risque de développer un état de stress post-traumatique et que le sentiment de manque de contrôle serait l’élément le plus difficile à gérer par les pères. La recherche d’informations précises sur l’état de l’enfant serait un moyen de réassurance pour eux, souvent perdus dans un univers quasi exclusivement féminin.

Source : M. Clémence, Mémoire pour le diplôme de sage-femme, “Le père et l’épreuve de la prématurité, étude du vécu lors de naissances après 30 semaines d’aménorrhées” (bit.ly/2oNj4nX).