Acheter ou louer ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

LOCAL PROFESSIONNEL

VOTRE CABINET

Isabel Soubelet  

Avant de déterminer le type de bail ou les modalités d’achat d’un futur local professionnel, il est important de passer en revue les avantages et les inconvénients des différentes options en fonction de son projet professionnel.

S’installer en libéral, c’est être titulaire d’un cabinet et en assumer toutes les conséquences en termes de responsabilités administrative et financière.

Les obligations

L’article 51 de la Convention nationale(1) précise les obligations légales liées au local professionnel : « Les infirmières sont tenues de faire connaître aux caisses le numéro d’inscription à l’Ordre des infirmiers de leur département d’exercice, ainsi que l’adresse de leur lieu d’exercice professionnel principal et/ou secondaire. Le cabinet professionnel peut être soit un cabinet personnel, soit un cabinet de groupe, soit une société. Il doit être réservé à l’exercice de la profession d’infirmière. »

Par ailleurs, le cabinet doit répondre aux normes en vigueur, notamment en matière de construction et d’habitation (électrique, incendie). Selon le Code de la santé publique(2), l’Idel « doit préserver autant qu’il lui est possible la confidentialité des soins dispensés ». Il faut donc mettre en place une organisation qui permette de respecter le secret professionnel au sein du cabinet, notamment l’existence d’une salle d’attente pour accueillir les patients pendant que le professionnel dispense des soins à une autre personne.

Enfin, depuis la loi de 2005 sur les droits des personnes handicapées(3), le local professionnel doit être aux normes en matière d’accessibilité.

La location plébiscitée

La location est souvent plébiscitée car elle engage moins. C’est le choix fait par Sébastien Dahu, Idel à Marseille (Bouches-du-Rhône). « Cela a été une évidence, c’est la solution la plus simple, précise-t-il. Je partage le cabinet avec mon remplaçant et deux médecins. Cela nous permet de diviser le loyer. Et comme je me suis installé en zone franche urbaine (ZFU), c’est intéressant. Je bénéficie d’une exonération totale d’impôt durant cinq ans si je réalise au moins 25 % de mon chiffre d’affaires avec des patients de la zone, puis une exonération dégressive. Donc, pour le moment, acheter ne m’intéresse pas. »

Le choix du bail est une étape importante. Il doit être professionnel ou mixte, si un partage de pièces est envisagé pour un usage d’habitation (toujours avec l’accord écrit du propriétaire). Si le cabinet se situe dans une copropriété ou s’il existe un syndic de gestion, il est nécessaire d’obtenir son accord par écrit. La durée minimale légale est de six ans pour un bail professionnel. Elle peut être supérieure sous réserve d’un accord commun du propriétaire et du locataire. Arrivé à son échéance finale, le bail est reconduit tacitement sans la moindre formalité, pour la même durée que le précédent.

L’Idel du cabinet peut quitter les lieux à convenance sous réserve d’un congé avec préavis de six mois envoyé au propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception. Le bailleur (ou propriétaire) est obligé d’attendre la fin du bail. Le loyer payé par l’Idel est déductible en frais professionnels. Ainsi que toutes les charges du local : électricité, gaz, assurance, eau, téléphone et éventuels travaux. Toutes les charges (y compris la taxe foncière, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la taxe municipale de balayage…), ainsi que les éventuels travaux à effectuer sur le local et l’entretien des parties communes sont librement répartis à la signature du bail professionnel. Mais, comme toute location, le loyer du cabinet infirmier est versé à fonds perdus.

S’engager dans un achat

Il est possible d’acquérir son local professionnel à titre professionnel, à titre privé ou par l’intermédiaire d’une société civile immobilière (SCI) en fonction de ses objectifs. « Je me pose aujourd’hui la question d’acheter un local professionnel avec un ostéopathe et une sage-femme par exemple afin d’augmenter ma visibilité, souligne Julie Cayuela, Idel à Auriol (Bouches-du-Rhône), associée avec une amie. Ensuite, il faudrait que je détermine sous quelle forme acheter le local, en SCI ou non. Se poser la question d’investir, c’est un état d’esprit, c’est aussi une façon de se questionner sur l’exercice de son métier. Et puis c’est une manière d’acquérir du patrimoine et de capitaliser pour sa retraite. »

Dans le cas d’un achat à titre privé, il est possible de se louer professionnellement le bien à soi-même. Le loyer payé est déductible, ce qui permet de financer les mensualités du crédit contracté. Mais les charges de propriété ne sont pas déductibles. Cette option permet de se constituer un patrimoine personnel, qu’il est possible de garder, de louer à un tiers ou de revendre, en fonction de ses besoins et de l’évolution de sa situation professionnelle.

Dans le cas d’un achat à titre professionnel, les incidences fiscales diffèrent. Ici, les charges de propriété (amortissements, intérêts d’emprunt…) et les charges d’utilisation sont déductibles.

Opter pour une SCI

La SCI est une personne morale qui a pour objectif d’acquérir un bien immobilier, de l’administrer, de l’exploiter par la location et de l’entretenir. Elle est constituée de deux associés au minimum, dont l’Idel qui devient alors le locataire. Ce dernier paie un loyer, toujours déductible. « Les infirmiers libéraux sont rarement dans un logique patrimoniale, constate Lilia Bariki, avocate du cabinet Novalliance Avocats à Marseille. Je conseille la SCI car c’est une forme de levier patrimonial qui permet de protéger ses biens personnels. C’est en effet la SCI qui est détentrice du prêt. Cette forme juridique permet aussi de partager les risques avec au minimum un associé qui peut être par exemple une personne de sa famille. »

Jean-François, Idel à Marseille, a fait ce choix. « Acheter mon cabinet a toujours été un objectif, souligne-t-il. J’ai loué pendant plusieurs années au début, histoire d’établir ma situation professionnelle, puis j’ai acheté sous forme de SCI familiale. Mon local professionnel de 60 m2 peut accueillir trois à cinq places. Aujourd’hui, je suis associé avec un autre Idel, qui est locataire, et il y a une psychologue. Je suis parfaitement satisfait de ce choix. Je peux sortir le loyer de mes frais professionnels, réduire ainsi mes charges et rembourser mon prêt. L’investissement de départ est très largement supérieur au choix de la location, mais cela évite de payer un loyer à fonds perdus. Pour que cela fonctionne, il faut avoir une activité en conséquence, faire preuve d’une grande rigueur de gestion, avoir un intérêt pour la gestion locative et une appétence pour l’investissement immobilier. Je m’occupe de tout… Mais, comme je le dis souvent, je m’entends bien avec mon locataire, et j’aime mon bailleur ! »

Quelle que soit la solution choisie par les Idels, il est important de formaliser les choses par écrit, de border toutes les clauses afin de pouvoir exercer en toute tranquillité. Il est également judicieux de se faire conseiller afin d’opter pour la solution la plus adaptée à sa situation personnelle et professionnelle ainsi qu’à ses objectifs financiers et patrimoniaux.

(1) Convention nationale destinée à organiser les rapports entre les infirmières et infirmiers libéraux et l’Assurance maladie, (à consulter via le lien raccourci bit.ly/2yaJHbA).

(2) Consulter l’article via le lien bit.ly/2g5ILfA.

(3) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (bit.ly/2nxj9wj).