CAHIER DE FORMATION
SAVOIR FAIRE
L’Idel peut dépister une BPCO et initier le sevrage tabagique. Elle peut ensuite être sollicitée pour la surveillance et l’éducation thérapeutique des patients de retour à domicile. Sa vision globale est donc capitale pour déceler les problématiques psychosociales des patients : nutrition, addiction, isolement…
La BPCO est une maladie largement sous-diagnostiquée. Le livre blanc de la BPCO(1) révèle d’ailleurs que deux tiers des patients ignorent qu’ils sont touchés ou sont diagnostiqués tardivement car la dyspnée s’installe progressivement et que le patient limite ses activités pour l’éviter. Une consultation pour des comorbidités peut être l’occasion privilégiée d’évoquer la BPCO et orienter le patient vers un médecin en vue d’une spirométrie, tout en le rassurant sur le caractère indolore de l’examen (lire l’encadré de la page ci-contre). « Le parcours de soins BPCO que nous avons élaboré dans le cadre du réseau Asalée (Action de santé libérale en équipe - article 51 de la loi HPST 2009, NDLR) visant à renforcer la coopération entre les médecins et les infirmières inclut le dépistage par le médecin et l’infirmière en ville, où la spirométrie est un acte dérogatoire », explique Françoise Chague, Idel impliquée dans ce parcours à Tarascon-sur-Ariège et Mercus-Garrabet (Ariège).
L’aide au sevrage tabagique n’est pas l’affaire d’un tabacologue qui lui seul pourrait résoudre le problème du tabac, mais celle d’une équipe pluridisciplinaire - médecin traitant, pneumologue, kinésithérapeute, diététiciens… et notamment des infirmières qui jouent un rôle clé pour repérer et initier la prise en charge des patients fumeurs.
Dès qu’on a identifié un fumeur, il est essentiel de l’inciter à l’arrêt du tabac. Ce simple conseil augmente ses chances d’arrêt. Les études randomisées et contrôlées en médecine générale montrent en effet que cette approche aboutit à 2 à 5 % d’arrêts soutenus, taux certes bas mais supérieurs à ceux de l’inaction(2). En pratique, la démarche est de poser, à chaque patient, la question « Est-ce que vous fumez ? » puis « Voulez-vous arrêter de fumer ? ». Dans tous les cas, insister sur les bénéfices de l’arrêt du tabac. Il faut savoir que 60 % des fumeurs réguliers déclarent avoir envie d’arrêter de fumer(3).
Il s’agit d’une méthode de communication et de préparation au changement de comportement. L’objectif est d’augmenter la motivation par un travail d’exploration et de résolution de l’ambivalence (désir et crainte) du patient.
→ Si le fumeur n’accorde pas beaucoup d’importance au changement : « Lui demander ce qui pourrait l’aider à en accorder plus, explique Martine B., infirmière tabacologue à Toulouse (Haute-Garonne). Aider le patient à identifier les conséquences négatives potentielles liées à sa consommation de tabac, lui demander d’identifier les bénéfices potentiels liés à l’arrêt (entourage, santé, etc.). Il s’agit ainsi d’amener le fumeur à verbaliser ses raisons personnelles par rapport à l’arrêt du tabac. Laisser parler la personne sur sa façon de percevoir sa problématique en prenant en compte son expérience, en adoptant une attitude bienveillante, sans jugement, en exprimant son empathie. Toujours valoriser les raisons qui le poussent à arrêter et le féliciter dans sa démarche. »
→ S’il manque de confiance dans ses chances de réussite : c’est souvent le reflet de craintes et de difficultés redoutées. L’Idel peut aider le patient à les identifier : peur des symptômes de sevrage, d’une baisse de moral ou d’énergie, d’une prise de poids, ou la crainte de ne pas résister dans certaines circonstances, etc. Surtout, ne pas minimiser ou nier ces difficultés, mais essayer de trouver des solutions. On peut par exemple essayer d’anticiper les situations à risque en préparant les réponses adaptées : appeler un ami, sortir de la pièce, pratiquer la respiration profonde…
Depuis la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, les infirmières peuvent prescrire des traitements nicotiniques de substitution, médicaments en vente libre mais dont « la prescription permet de bénéficier du forfait à 150 euros d’aide au sevrage tabagique par an et par assuré. Pour l’heure, seuls certains TNS sont remboursés, mais, à terme, le forfait d’aide au sevrage laissera la place à un remboursement classique (65 %) pour l’ensemble de ces produits », indique Martine B. La prescription doit se faire sur une ordonnance simple avec un numéro d’identification RPPS (Répertoire partagé des professionnels de santé)/Adeli. Attention, aucun autre traitement ne doit y figurer.
Voir le tableau ci-dessus.
Elle est déterminée en posant les deux questions du test de Fagerström simplifié (voir le test ci-contre). Elle devra être réévaluée dans les 24heures. En cas de consommation habituelle de cigarette roulée, le besoin en nicotine pourrait être supérieur.
Voir le tableau en bas de la page ci-contre.
Les traitements nicotiniques de substitution (TNS) administrés sous forme transdermique (patch, timbre) ont une faible vitesse d’absorption et permettent un apport de nicotine lent et constant. Ceux administrés par voie orale (gomme à mâcher, comprimé sublingual, pastille, inhaleur, spray buccal) ont une action rapide.
→ Privilégier l’association des TNS transdermiques et des formes orales (efficacité supérieure).
→ Attention aux symptômes de sous-dosages qui peuvent conduire à un échec de sevrage. Les surdosages sont plus rares (voir le tableau en bas de la page ci-contre).
→ Ne pas substituer les patchs de nicotine.
Elle peut être assurée par le médecin traitant ou les réseaux spécifiques d’aide au sevrage. À l’Idel de bien connaître, sur son territoire de vie, les consultations de tabacologie et d’addictologie, les Équipes de liaison et de soins en addictologie (Elsa), les Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).
D’autres outils en plein essor proposent un accompagnement à distance :
→ le soutien téléphonique d’un tabacologue de Tabac Info Service (service gratuit + prix d’un appel, du lundi au samedi de 8 à 20 heures) ;
→ les applications sur smartphone, notamment Tabac Info Servic et stop-tabac.ch qui permettent un e-coaching personnalisé selon les situations.
→ Les groupes Facebook « Moi (s) sans tabac » et « je ne fume plus ».
L’activité physique, l’acupuncture, l’hypnothérapie peuvent être proposées (les bénéfices ne sont pas démontrés mais sont reconnus dans la pratique). Quant au vaporisateur personnel, ou cigarette électronique(4), il constitue un outil d’aide à l’arrêt du tabac adapté et efficace dès lors qu’il est utilisé dans le cadre d’un dispositif d’aide au sevrage(5).
Cet outil ne produit pas de monoxyde de carbone (CO), de produits cancérigènes, et ne dégage qu’en quantités très limitées les autres substances chimiques présentes dans la cigarette (9 à 450 fois moins). Dans le cas où un fumeur a un vaporisateur personnel et/ou souhaite en utiliser un, il est recommandé de ne pas le décourager.
En complément des traitements, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) peuvent être proposées. Thérapies habituellement brèves de quinze à vingt séances, elles sont ciblées sur des comportements posant problème, avec pour objectif de les transformer et de les remplacer par d’autres plus appropriés.
Chaque comportement est appris en lien avec une pensée, une émotion, influencée par l’environnement. Ce comportement est renforcé par les sensations agréables ou les ressentis désagréables à éviter. Ainsi, lors de l’apprentissage du comportement « fumer », l’environnement (l’entourage, le milieu festif, etc.), les sensations perçues de bien-être et de plaisir créent des stimuli agréables par rapport au tabac (renforcement positif du comportement).
De plus, le fort caractère addictif du tabac crée le manque et la personne fume pour ne pas ressentir ce manque (renforcement négatif). Ces renforcements vont induire une persistance du comportement.
(1) Livre blanc de la BPCO, « Faire de la BPCO une urgence de santé publique pour le quinquennat » (bit.ly/2NpgHS8)
(2) Tabac Info Service, « Repères pour votre pratique. La prise en charge du patient fumeur en pratique quotidienne » (bit.ly/2NzbwiQ).
(3) INPES, « Les essentiels de l’INPES. Aide au sevrage tabagique : renforcer la motivation » (bit.ly/2BZWYXj).
(4) Public Health England, Electronic cigarettes, 2014 (bit.ly/20PyN4M).
(5) Respadd, réseau de prévention des addictions, « Premiers gestes en tabacologie, livret d’aide à la pratique pour les professionnels de santé » (bit.ly/2zmyF5W).
Monsieur R., 59 ans, fume depuis très longtemps. Il présente un diabète instable. Vous intervenez à son domicile pour une plaie du pied. Il est essoufflé, tousse et crache. Il se plaint de bronchites à répétition. Son logement est chargé d’effluves de fumée de cigarette.
Vous l’informez qu’il est anormal de faire des bronchites à répétition, même si on fume. Vous lui proposez une orientation vers une consultation médicale pour mesurer son souffle.
Vous l’encouragez en le rassurant sur le caractère indolore des explorations fonctionnelles respiratoires. Et lui posez la question du tabac avec empathie sans discours moralisateur.
La spirométrie est un examen sans danger et indolore. Il est prescrit pour mesurer :
→ les volumes pulmonaires (la quantité d’air dans les poumons) ;
→ les débits expiratoires (le débit de l’air expulsé lors d’une expiration « forcée »).
Préparation
Le test se déroule dans un laboratoire d’explorations fonctionnelles respiratoires, choisi sur les conseils du médecin prescripteur. Il dure environ trente minutes, mais peut être prolongé. En effet, des analyses complémentaires se révèlent parfois nécessaires, selon les résultats obtenus en cours d’examen. Le patient doit en tenir compte, lorsqu’il prend rendez-vous.
→ Si une affection respiratoire aiguë se déclare (bronchite, sinusite), il doit le signaler dès que possible, car le rendez-vous peut être reporté.
→ En cas de traitement par bronchodilatateurs, le médecin décidera s’il faut les arrêter en vue de l’examen.
Le jour du rendez-vous, le patient doit éviter de :
→ consommer un repas moins de deux heures avant le test (inutile d’être à jeun) ; qconsommer de l’alcool moins de quatre heures auparavant ;
→ fumer moins d’une heure avant ;
→ se livrer à un exercice intense trente minutes avant les analyses ;
→ porter des vêtements qui pourraient gêner la respiration.
Lorsqu’il arrive au laboratoire, on note son poids, sa taille et son âge, utiles pour le calcul des résultats. Un pince-nez lui est remis pour qu’il respire seulement par la bouche, puis un embout buccal à usage unique muni d’un filtre, relié à un spiromètre, appareil associé à un ordinateur, qui restitue les résultats sous forme de chiffres et de courbes.
1. Il respire d’abord tranquillement, puis à fond (mesures des volumes pulmonaires).
2. Il inspire le plus d’air possible, puis souffle aussi fort et aussi longtemps qu’il peut, afin de vider complètement ses poumons, pour évaluer les débits expiratoires. L’appareil mesure la quantité d’air qu’il expire, et la vitesse à laquelle il le fait. Cette expiration forcée est répétée au moins deux ou trois fois, afin d’obtenir le meilleur résultat possible.
Analyses complémentaires
Durant l’examen, d’autres analyses peuvent être nécessaires, notamment pour exclure le diagnostic d’asthme.Elles se déroulent en deux temps :
→ le test de provocation bronchique : le médecin demande au patient d’inhaler un médicament qui contracte les bronches. Après cette prise, il répète les mesures déjà effectuées, pour apprécier l’effet du médicament ;
→ le test inverse, ou de « réversibilité » : après le premier test, le médecin fait inhaler au patient un bronchodilatateur. Il réitère aussi les mesures par la suite.
Après l’examen
Les résultats sont communiqués au patient et transmis au médecin prescripteur. Le patient peut retourner immédiatement à ses activités.
Martine B., infirmière tabacologue à Toulouse (Haute-Garonne)
« L’un des freins dans la prise en charge des fumeurs est que nous n’avons pas de nomenclature pour valoriser l’accompagnement à l’arrêt du tabac. La prescription des traitements nicotiniques de substitution (TNS) est une porte d’entrée pour lutter contre le tabagisme, mais la plupart des infirmières libérales ne prescrivent pas de TNS car elles ne sont pas formées. »
Différents tests permettent d’évaluer le niveau de dépendance. Une version simplifiée du test de Fagerström en deux questions au lieu de six est aisément utilisable sans support, au lit du patient.
→ Interprétation des résultats : 0-1 : pas de dépendance
2-3 : dépendance modérée
4-6 : dépendance forte
Les cigarettes roulées sont plus nocives que les cigarettes manufacturées.
VRAI. Leur rendement en monoxyde de carbone et en goudron est estimé de trois à six fois supérieur. Leur rendement en nicotine est également supérieur.
La chicha permet d’inhaler moins de fumée.
FAUX. Elle entraîne une inhalation beaucoup plus importante de fumée qu’avec une cigarette manufacturée.
Le tabac à chauffer (Iqos, Ploom, Glo) sont peu toxiques.
FAUX. Les nouveaux tabacs à chauffer qui font l’objet d’un immense marketing sont élaborés pour maintenir un niveau élevé de dépendance à la nicotine chez le fumeur. Les données disponibles montrent que les tabacs chauffés libèrent autant de produits toxiques que les tabacs traditionnels fumés.