L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

COUR DES COMPTES

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, publié début octobre, la Cour des comptes appelle à poursuivre les efforts pour permettre de garder les comptes à l’équilibre en misant sur la prévention et en accélérant le virage ambulatoire.

Les magistrats de la Cour des comptes ne sont jamais contents. Le gouvernement a pourtant présenté, fin septembre, le premier budget de la Sécurité sociale à l’équilibre depuis 2001. Mais, quelques jours plus tard, lors de la présentation du rapport annuel de la Cour sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS), Didier Migaud, son premier président, a rappelé que cette « trajectoire doit être pilotée fermement afin d’inscrire cet équilibre fragile dans la durée ».

La Cour rappelle que la branche “maladie” de la Sécu est toujours dans le rouge. Contrairement aux retraites ou à la famille, son solde s’est même détérioré en 2017, atteignant 4,9 milliards d’euros. « Comme en 2015 et 2016, on observe un important dépassement de l’enveloppe prévisionnelle des soins de ville, de 600 millions d’euros, a exposé Didier Migaud. À la différence des années précédentes, ce dépassement a été pour partie compensé par un fort ralentissement de l’activité hospitalière qui n’avait pas été anticipé. Et cette moindre activité a un revers car l’évolution des tarifs hospitaliers a été arrêtée en fonction d’une prévision d’augmentation de leur volume d’activité. Le fait que cette augmentation ne soit que partiellement produite a conduit à accroître le déficit des hôpitaux publics. » Ceux-ci sont ainsi passés de 439 à 835 millions d’euros entre 2016 et 2017.

Dans ce contexte, la Cour estime qu’il n’est « pas souhaitable de continuer à tolérer des dépassements importants de l’enveloppe des soins de ville ». Elle suggère même de créer, comme pour les hôpitaux publics, un dispositif de “réserve prudentielle” (lire pp. 8-9), soit de gager une partie de l’enveloppe sur le respect de l’objectif maximal de dépenses. S’agissant de la rémunération des professionnels de ville, le président conseille également que, désormais, « chaque nouvelle augmentation versée aux acteurs du système de santé comporte des contreparties mesurables au bénéfice des patients et de la collectivité », notant que « cela n’a pas été le cas dans l’histoire conventionnelle récente ».

Des compétences élargies

À la suite de ces constats, les magistrats de la Cour des comptes ont rédigé 43 recommandations à destination du gouvernement pour faire de nouvelles économies. Ils plaident notamment pour une accélération du “virage ambulatoire”. Celui-ci se heurte aujourd’hui, selon eux, « au défaut d’organisation de la médecine de ville et à la place encore réduite des professions paramédicales dans les soins primaires ». À ce titre, la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) intéresse la Cour à condition que celles-ci soient « bien structurées » et associent « médecins généralistes, spécialistes et auxiliaires médicaux ». « Il convient de reconnaître plus largement aujourd’hui aux auxiliaires médicaux, notamment les IDE, des compétences plus étendues, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons, sous réserve d’un approfondissement de leur formation », a insisté Didier Migaud. Dans le rapport, la Cour appelle en particulier « à faire des pratiques avancées des IDE une composante significative de l’offre de soins de premier recours, par le nombre de professionnels concernés comme par la nature des actes qu’ils effectuent, en s’inspirant des meilleures pratiques internationales ».

Afin de plaider pour un meilleur partage des compétences, le rapport se penche plus particulièrement sur les orthoptistes qui soulagent les ophtalmologues libéraux dont la crise démographique est particulièrement criante. Selon la Cour, les orthoptistes et les ophtalmologues devraient même « être admis, sous condition de formation, à effectuer en toute autonomie des consultations de premier recours », voire à prescrire des lunettes.

Miser sur la prévention

Enfin, la Cour appelle à mettre davantage le paquet sur la question de la prévention, « premier levier d’efficience de notre système de santé ». Elle salue notamment les premiers résultats de la hausse du prix du tabac sur sa consommation et appelle à « une action vigoureuse utilisant le levier fiscal pour réduire les consommations d’alcool et de boissons sucrées ». Les auteurs du rapport ont en effet calculé que les maladies cardiovasculaires, qui touchent 4,5 millions de Français, ont représenté un coût financier de 16 milliards d’euros pour l’Assurance maladie en 2016.