L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

LE BLOG

6 h 15, le soleil entre timidement en scène. Quelques fins nuages à l’horizon mais rien qui ne puisse présager un rayonnement gêné. Je démarre la voiture. Cette fois-ci, je sais que les clés ne mettront pas le contact plus de deux ou trois fois avant que je ne retrouve mon “chez-moi”. Il y a peu, elles le faisaient encore plus de trente fois dans une journée…?si ce n’est cinquante. Mon départ s’est fait dans la précipitation : joies de la collaboration libérale qui se transforme, au gré du temps, en subordination à peine masquée. Courage : fuyons ! C’est à peu près ce à quoi se résument ces dernières semaines d’exercice libéral. Pas d’au-revoir déchirant auprès de patients suivis depuis des années, pas de clé rendue la larme à l’œil. Non. Soulagement et angoisse mêlés face à ce qui m’attendait, administrativement et, surtout, financièrement. Je n’ai cessé de travailler, la transition s’est faite en mode juxtaposition jusqu’à ce que je craque après des journées de plus de douze heures, enchaînant tournée du matin et service de l’après-midi. Pourtant, l’idée était plutôt pas mal : honorer mes trois mois de préavis de collaboratrice au long cours (huit ans) et commencer un 80 % en tant que salariée. Faire entrer la trésorerie qui m’aurait permis de clore mon activité libérale rapidement et même mettre un peu d’argent de côté, pour pouvoir pallier la différence importante de revenus pendant les mois suivants. Mais ça, sur le papier, c’était limpide, simple. Trop. La réalité, elle, s’est faite plus complexe.

16 h 30. Grande surface bondée un samedi après-midi. Bloquée à la caisse, je remarque cette petite femme voûtée que je connais, que j’ai bien connue. Elle se retourne, me dévisage… Elle m’a reconnue aussi : huit ans de passages réguliers pour des soins, on oublie certains patients, la plupart même, mais pas elle, non. La dame me dit que je lui manque, plutôt par politesse que par sincérité, me raconte quelques petites banalités et puis son tour arrive. On se salue, je lui souhaite de continuer à bien se porter, elle me sourit et s’en va. Je souris aussi, me rendant compte que ça y est, la page est maintenant définitivement tournée.

Ça fait six mois maintenant.

J’y suis arrivée.

Ça ne me manque pas.

Fin d’exercice…