Le recours à la médiation | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

VOTRE CABINET

FICHE PRATIQUE

Laure Martin*   Louise Massing**  


*médiatrice à l’Institut Curie

En cas de mésentente ou conflit entre professionnels de santé ou avec un patient, il est possible d’avoir recours à un médiateur. Son rôle : aider à trouver la solution au problème et non l’imposer.

Entre désaccord et conflit

La médiation est un mode alternatif de résolution des conflits entre deux ou plusieurs personnes. Elle peut permettre de rétablir la qualité relationnelle, c’est-à-dire un dialogue sain, sans jugement ni a priori entre les individus. La médiation peut être curative lorsque le conflit est déjà ouvert, ou préventive quand il y a des difficultés relationnelles entre des personnes et qu’elles souhaitent prévenir l’arrivée d’un conflit. Attention : un désaccord n’est pas un conflit, il s’agit seulement d’un quiproquo.

Un conflit implique une relation dégradée avec une forte expression émotionnelle, les personnes concernées ne sont plus raisonnées. Le conflit existe si celles-ci sont engagées émotionnellement, c’est-à-dire s’il y a de la colère, des cris, de l’indifférence, une absence d’échange ou de dialogue. Or, le stress et les tensions dans les relations créent un climat délétère, socialement et professionnellement dangereux, d’autant plus pour la prise en charge des patients.

Chercher la solution

Surmonter le malentendu, l’incompréhension ou encore le conflit est tout le but de la médiation, car il n’est pas rare de prêter à l’autre des intentions néfastes. Certaines personnes sont même parfois prêtes à subir des situations qui ne les arrangent pas pour éviter la confrontation.

Le médiateur n’a cependant pas pour rôle de donner la solution. Indépendant, neutre, impartial, il travaille en toute confidentialité. Il intervient comme tiers extérieur pour dépassionner le débat et apaiser les tensions. Il amène les personnes à échanger et à réfléchir ensemble à une solution qui serait satisfaisante pour elles. Il accompagne la reprise d’un dialogue constructif, recueille les points de vue, sans en effacer certains car tous se valent. Il permet aux parties en conflit d’exprimer leurs différends dans un cadre ad hoc. Le médiateur encourage à la verbalisation du conflit pour le résoudre. Le processus doit être volontaire. La médiation doit avoir lieu dans l’altérité, d’un commun accord.

À terme, c’est bien la sécurisation des soins qui est recherchée car, lorsque des professionnels de santé sont en conflit, la transmission des informations peut être mise à mal, générant une perte de chance pour le patient. Il peut être utile de ne pas faire intervenir le médiateur en dernier recours, lorsque les personnes sont déjà en conflit, comme un pompier qui viendrait éteindre un feu. Plus tôt il intervient dans le cadre d’un problème, mieux c’est. Il est d’ailleurs possible d’avoir recours à la médiation d’accompagnement par exemple, en cas de projet d’équipe. Le médiateur devient un facilitateur de projet.

Et en libéral ?

L’appel à un médiateur peut aussi avoir lieu en cas de différend entre professionnels libéraux. Dès lors que l’infirmière exerce dans un cadre collectif, des conflits peuvent apparaître, notamment lorsque les soignants n’ont pas les mêmes valeurs ni la même façon de dispenser les soins.

Le conflit peut aussi naître au travers des patients, par exemple lorsque l’un d’entre eux va dire à l’une des associées que sa collègue reste plus longtemps pour faire les soins ou qu’elle ne les dispense pas de la même manière. Cela peut être générateur de tensions.

Louise Massing, cadre de santé et médiatrice à l’Institut Curie de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), a assuré une médiation pour gérer un conflit entre une infirmière et son associé. Ce dernier avait fait travailler pendant sa tournée son épouse, également infirmière, sans en avoir informé son associée. Celle-ci l’a appris par un patient au détour d’une conversation. Louise Massing est intervenue en tant que médiatrice afin d’évoquer les difficultés de confiance dans le binôme. Mais le dialogue a été difficile à rétablir. À l’issue de la médiation, les deux parties ont convenu qu’elles devaient arrêter de travailler ensemble.

Il est également recommandé de faire appel à la médiation lors de conflits avec les patients ou leur famille. Un choix qui peut s’avérer utile afin d’éviter l’arrêt d’une prise en charge ou, si l’arrêt est acté, pour s’expliquer et ainsi ne pas ternir la réputation du cabinet.

Dans tous les cas, un conflit met du temps à se faire ; il mettra donc du temps à se défaire… Le médiateur n’est pas un magicien !

Formation

• Envie de vous former à la médiation ? Des écoles ou universités délivrent des diplômes ou certificats comme l’École professionnelle de la médiation et de la négociation (EPMN) à Bordeaux (Gironde), l’Institut de formation à la médiation et à la négociation (Ifomene) ou encore l’Université Paris II Panthéon-Assas.