L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

PLFSS 2019

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, déjà discuté à l’Assemblée nationale, va passer au Sénat à la mi-novembre, dans un contexte de mobilisation de la profession infirmière. Revue des mesures qui concernent les libérales.

La date de la grande manifestation unitaire de treize organisations infirmières libérales et salariées, le 20 novembre, n’a pas été choisie au hasard. S’il vise surtout l’absence de mention de la profession dans le grand plan du gouvernement “Ma santé 2022”, le mouvement regrette également l’oubli des infirmières dans le projet de loi de financement de la Sécurité sécurité (PLFSS) pour 2019 qui arrivera, à ce moment, à la fin de son marathon parlementaire.

Les organisations signataires de “l’appel à la mobilisation”, dont pour les libérales, la Fédération nationale des infirmiers (FNI), le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) et Convergence infirmière, « demandent instamment au gouvernement de prévoir dans le PLFSS des mesures qui ne répondent pas aux seules préoccupations des médecins mais également des infirmiers et des infirmières qui sont des acteurs incontournables du premier recours dans notre système de santé ».

D’abord les médecins…

De fait, les principales dispositions de ce budget de la Sécu, qui ont notamment vocation à commencer à traduire une première partie des mesures du plan “Ma santé 2022”, tournent effectivement autour des médecins. « Il n’y a aucune mention des infirmières dans ce PLFSS, déplore Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière. Pourtant, un certain nombre de mesures de ce budget concernent la profession mais nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés. » Considérant être « les grandes oubliées » de la politique du gouvernement, les organisations ont pris langue avec des députés et des sénateurs. « Nous en avons rencontré quelques-uns et envoyé des courriers, raconte Ghislaine Sicre. Depuis, nous avons eu pas mal de retours de parlementaires qui ne comprennent pourquoi le texte ne parle pas des infirmières. Certains devraient poser des questions à ce sujet à la ministre pendant les débats. »

… puis tous les autres

Les Idels sont en effet concernées très directement par plusieurs dispositions du projet de loi. Une des mesures les plus emblématiques est la traduction budgétaire de la création du métier d’assistant médical dans les cabinets des généralistes et des spécialistes. « Les Idels savent faire les calculs et ont bien vu que les énormes budgets publics que nécessiteront les créations d’emplois comme les assistants médicaux, principalement dans les centres de santé et les postes administratifs destinés à faire tourner des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) gigantesques, seront financés au détriment des soins et spécialement des soins infirmiers », proteste la FNI.

Essayer, c’est adopter !

Le texte prévoit également la généralisation de l’expérimentation sur la vaccination antigrippale par les pharmaciens d’officine. Les pharmaciens seront rémunérés 4,50 euros pour une vaccination sur prescription et 6,30 euros lorsque le patient présente un bon de prise en charge par l’Assurance maladie. La vaccination en officine avait été expérimentée à l’hiver 2017/18 en Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine* : 160 000 personnes, majoritairement des plus de 65 ans, ont ainsi été vaccinées contre la grippe saisonnière.

Une autre mesure concernant les pharmaciens est actuellement en cours de discussion : la possibilité de prescrire certains médicaments pour des pathologies bénignes dans le cadre d’un protocole. Autant de transferts de compétences qui font grincer des dents les infirmières libérales comme les médecins généralistes.

À quand les négos ?

« Il faut ouvrir une phase de négociation interprofessionnelle sur tous ces sujets de délégations de tâches et de pratiques avancées », a estimé Olivier Véran, neurologue de métier, rapporteur général du PLFSS, et député LREM, qui est conscient des crispations provoquées par ces mesures. En outre, les députés ont également enrichi le texte de plusieurs mesures, notamment la création d’un forfait pour inciter les services d’urgences à réorienter leurs patients vers la médecine de ville (lire p. 10). Ils ont aussi demandé à ce que le ministère de la Santé adresse, avant la fin de l’année 2021, un rapport au Parlement sur le déploiement des pratiques avancées sur le territoire.

Enfin, ils souhaitent que le dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en ville et prévu par l’article 51 du budget de la Sécu de l’année dernière soit aussi souple que possible. « Nous plaidons pour le principe que tout soit expérimentable et qu’il n’y ait aucun frein, a expliqué Olivier Véran. Le ministère de la Santé a déjà reçu plus de 300 lettres d’intention de porteurs de projets. Il faudrait aussi pouvoir inclure le secteur médico-social. »

De manière globale, ce budget, qui marque le retour à l’équilibre des comptes de la Sécu pour la première fois depuis 2001, comporte aussi plusieurs mesures en faveur des patients. Il met notamment en musique le “reste à charge zéro” sur les lunettes, les prothèses dentaires et les audioprothèses. Il prévoit également la suppression de l’aide à la complémentaire santé (ACS) car la complexité du dispositif fait qu’il est actuellement sous-utilisé. À la place, les patients qui en bénéficiaient auront accès à la CMU-C moyennant une contribution d’environ 30 euros par mois. Une mesure qui devrait surtout bénéficier aux retraités modestes.

* L’expérimentation a été étendue par arrêté du 8 juin 2018, modifiant l’arrêté du 10 mai 2017, à deux nouvelles régions : Hauts-de-France et Occitanie.

91,5 MILLIARDS POUR LES SOINS DE VILLE EN 2019

L’Objectif national des dépenses d’Assurance maladie (Ondam) sera en hausse de 2,5 % en 2019 par rapport à cette année. « C’est le taux d’évolution le plus élevé depuis six ans », a fait valoir la ministre de la Santé en présentant ce budget à l’Assemblée nationale. « Les dépenses seront largement orientées vers les soins de proximité », a-t-elle ajouté. L’année prochaine, l’enveloppe de ces soins sera de 91,5 milliards d’euros sur un total de 200,3 milliards. Soit 4,9 milliards de plus que cette année pour les dépenses de santé.

UNE RÉSERVE PRUDENTIELLE, COMME À L’HÔPITAL

C’est une première, et elle n’est vraiment pas de nature à rassurer le monde libéral. Conformément à une recommandation de la Cour des comptes, ce PLFSS prévoit la création d’une “réserve prudentielle” pour les soins de ville, comme cela existe déjà pour les soins hospitaliers. Concrètement, il s’agit de geler une partie de l’enveloppe allouée à la ville, qui ne peut être dégelée en cours d’année que si la trajectoire des dépenses est conforme aux prévisions. Ce sont ainsi 120 millions d’euros qui vont être bloqués en début d’année. « C’est une enveloppe que vous gardez et que vous ne mettez pas à disposition des partenaires conventionnels » lors des négociations entre l’Assurance maladie et les syndicats de libéraux, a expliqué Olivier Véran, rapporteur général du PLFSS devant l’Association des journalistes de l’information sociale, le 23 octobre dernier. « Cela nous inquiète beaucoup, confie Catherine Kirnidis, présidente du Sniil. Cela donne aussi l’impression que c’est nous qui générons la hausse des dépenses alors que l’évolution est liée aux besoins de nos patients. »