Préserver l’autonomie des patients - L'Infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

SURVEILLANCE

Le constat est sans appel : dans les six mois suivant une hospitalisation pour BPCO, 43 % des patients sont réhospitalisés. 33 % des patients hospitalisés pour BPCO n’ont pas consulté leur médecin traitant dans les sept jours(1). Pour améliorer la situation, l’Assurance maladie a lancé, en 2015, le Programme d’accompagnement du retour à domicile (Prado) pour les patients hospitalisés en raison d’une BPCO. « C’est un accompagnement spécifique selon un protocole précisé dans le document de sortie adressé au médecin traitant et aux professionnels de santé désignés par le patient, explique Christine Bordes, Idel à Toulouse, membre du réseau régional de santé respiratoire Partn’air (lire l’encadré de la page ci-contre). Ce dispositif prévoit la surveillance des constantes cliniques (dyspnée, fréquence respiratoire, SPO2, cyanose, pression artérielle, fréquence cardiaque, poids, œdèmes…) et d’éducation du patient et/ou de son entourage par les Idels. Il convient notamment de surveiller l’observance des traitements médicamenteux et des mesures hygiéno-diététiques dans la vie quotidienne ainsi que l’adhésion du patient aux traitements. À vérifier également les effets des traitements, leur tolérance et leurs effets indésirables, la bonne utilisation des dispositifs d’automesure tensionnelle et de l’oxygénothérapie éventuellement. Il faut aussi penser au dépistage des complications de la maladie et des traitements. Ne pas oublier enfin le volet « coordination » avec la tenue d’une fiche de surveillance et la transmission des informations au médecin traitant dans les 48 heures par voie électronique sécurisée. »

La surveillance se déroule pendant deux mois pour tous les patients puis, pour les patients en stade II, III et IV de BPCO, une séance bimensuelle a lieu pendant quatre mois (quinze visites au total).

ÉDUCATION

L’éducation thérapeutique, essentielle pour diminuer le nombre de réhospitalisations des patients pour exacerbations de BPCO, est orchestrée par une équipe pluridisciplinaire, notamment par l’Idel qui est en première ligne pour déceler les problématiques propres à chaque patient et dispenser des conseils personnalisés.

Informer sur les signes d’aggravation

« Lors des premières visites, j’aborde toujours avec le patient la physiopathologie de la maladie pour qu’il comprenne ce qui lui arrive et accepte de se soigner, indique Christine Bordes. J’explique également ce que sont les exacerbations et les décompensations pour qu’il puisse reconnaître les signes d’aggravation. » Somnolence, troubles cognitifs, fièvre, toux, crachats verdâtres ou jaunâtres, dyspnée, accélération de la respiration, du rythme cardiaque, douleur thoracique, fatigue, œdème des membres inférieurs… « Toutes ces manifestations doivent être connues du patient pour qu’il appelle son médecin en cas d’alerte et éviter ainsi une réhospitalisation. Les facteurs aggravants doivent également être connus : froid, vent, tabac, feux de cheminée… »

Contrôler l’observance

Autre point de vigilance, il est essentiel de vérifier que le mode d’action et la prise des bronchodilatateurs aient bien été compris. « Aux Idels également de vérifier que les prescriptions sont bien suivies : les personnes âgées, notamment, sous-estiment l’utilité de ces médicaments », note Christine Bordes.

Donner des conseils au quotidien

Nutrition

« À un stade avancé, la BPCO peut entraîner une dénutrition, liée notamment à une augmentation des dépenses caloriques causée par la fonction respiratoire qui demande beaucoup d’énergie », signale Joelle Bega, diététicienne à Toulouse. Très concrètement, au-delà des compléments nutritionnels, « le patient peut rajouter de la crème fraîche, du fromage, de l’huile, du beurre dans les plats salés afin de majorer les apports caloriques sans augmenter le volume de l’assiette. Il est également conseillé de fractionner l’alimentation et de prendre plusieurs collations dans la journée. En cas de corticothérapie au long cours, attention au sel et au sucre ». Côté hydratation, un litre et demi d’eau par jour au minimum est recommandé. Pour inciter les patients à boire, on peut leur recommander de placer en évidence une bouteille et privilégier les petites bouteilles, plus faciles à manipuler que les bouteilles d’un litre et demi. Enfin, attention au surpoids possible chez certains patients aux premiers stades de la maladie, les kilos superflus aggravant l’essoufflement et réduisant la capacité respiratoire. Une orientation vers une diététicienne peut s’avérer précieuse.

Économiser son énergie

Bénéfique pour le souffle, l’activité physique ne doit en aucun cas déclencher d’essoufflement, de douleur thoracique ou musculaire, de palpitations ni de fatigue. Pour éviter les gestes qui essoufflent, il faut proscrire tout mouvement qui comprime la cage thoracique et adapter l’environnement domestique : privilégier les rangements à bonne hauteur, utiliser un tabouret pour les chaussures à lacets… Il faut apprendre aux patients à effectuer les gestes de la vie quotidienne de façon économe. « Pour monter les escaliers, je leur préconise de compter les marches et de s’imposer un arrêt tous les cinq ou trois marches selon leur énergie. Pour passer l’aspirateur, il faut également prévoir des temps d’arrêt. Il faut trouver des solutions au cas par cas, s’adapter au handicap de chacun », souligne Christine Bordes. Selon un sondage NXA, 74 % des patients éprouvent des difficultés à monter les escaliers et 50 % à se lacer les chaussures(2).

(1) Assurance maladie, « Prado, le service de retour à domicile », 2018 (lien raccourci bit.ly/2RERAhq).

(2) Enquête Nxa/Association BPCO. « BPCO & autonomie : impact de la BPCO sur la qualité de vie au quotidien« , 2016.

Cas pratique

Monsieur V. a été hospitalisé pour complication d’une bronchite chronique. À cette occasion, le diagnostic d’une BPCO de stadeI a été posé. Monsieur V., qui vit seul, est toujours en activité professionnelle. Vous avez été contactée par le service Prado mis en place par l’Assurance maladie pour la surveillance clinique et la prévention des exacerbations durant deux mois. Monsieur V. vous fait part d’emblée de ses soucis avec ses collègues et sa hiérarchie : son employeur lui a remis un avis défavorable pour le renouvellement de son poste.

Vous remarquez qu’il est très stressé. Son hygiène de vie - exercice physique et nutrition - n’est pas satisfaisante. Il est traité par TNS. Au-delà de la surveillance des exacerbations, vous intervenez sur différents points d’éducation thérapeutique lors de vos visites.

Entretien Dr Daniel Bajon, pneumologue, et Yann Darolles, coordinateur du réseau, enseignant en activité physique adaptée (APA), co-fondateurs du réseau de santé respiratoire de Partn’air

Réhabilitation respiratoire à domicile

Pourquoi avoirs créé ce réseau ? À quel besoin répond-il ?

Dr Daniel Bajon : Nous sommes partis de deux principaux constats. D’abord, la BPCO est un problème de santé publique majeur qui touche un nombre croissant de personnes. En 2003, date de la création du réseau, en région Midi-Pyrénées, on comptait près de 30 000 patients BPCO requérant un programme de réhabilitation respiratoire, mais 800 seulement pouvaient en bénéficier. Ce qui entraînait une perte de chance pour un grand nombre. Deuxième constat : la discontinuité du parcours de soins. Les patients BPCO se sentent souvent seuls face à leur maladie et ont des difficultés à modifier leurs comportements (vis-à-vis de la sédentarité, du tabac, de leur nutrition…). Leur prise en charge par les médecins et paramédicaux est répétée mais ponctuelle. Le réseau a pour objet d’améliorer la continuité des soins et de promouvoir l’accessibilité à la réhabilitation respiratoire.

Quelles sont les solutions proposées aux patients ?

Yann Darolles : Deux programmes de réhabilitation respiratoire sur prescription sont proposés : l’un individuel, à domicile, et l’autre collectif, de proximité. Le premier propose un plan de santé individualisé comparable à ceux proposés en soins de suite et de réadaptation (SSR). Se déroulant sur douze semaines, il associe reconditionnement physique, éducation thérapeutique, kinésithérapie respiratoire, accompagnement psychologique et/ou tabacologique et/ou diététique. Le programme collectif a été développé pour aider les patients à maintenir la dynamique de la primo-réhabilitation et pérenniser des comportements favorables à la santé tels que la pratique d’une activité physique régulière. Dans douze villes d’Occitanie ouest, Partn’air propose un programme associant activités physiques adaptées et éducation thérapeutique, à raison de deux heures hebdomadaires. Lieu de ressources et d’apprentissage, la personne est accompagnée par une équipe composée essentiellement de libéraux (pneumologues, Idels, kinésithérapeutes, enseignants en Activité physique adaptée (APA), tabacologues, diététiciennes, psychologues) formés en éducation thérapeutique, en lien avec le médecin référent.

Quelle est la place du réseau par rapport aux centres de rééducation fonctionnelle spécialisés ?

Dr Daniel Bajon : Le programme à domicile s’adresse aux patients ne pouvant pas être hospitalisés (enfants à charge, conjoint dépendant ou/et poursuite d’une activité professionnelle). Par ailleurs, le nombre de places en SSR est limité et ne peut répondre à tous les besoins. L’hospitalisation est également plus onéreuse. Elle reste pour autant indiquée pour tous les patients dont l’état de santé est instable, isolés socialement ou ayant besoin d’une rupture. Au final, les centres de réhabilitation respiratoire spécialisés proposant des programmes en hospitalisation complète ou en ambulatoire et les réseaux de santé agissent en complémentarité et en synergie pour offrir des soins adaptés aux besoins du patient au meilleur coût pour notre système de santé.

Je cote à la nomenclature

→ La prise en charge spécifique dans le Prado de patients BPCO de retour à domicile après une hospitalisation pour exacerbation est assortie d’un nouvel acte à la NGAP, paru dans le Journal officiel en juin 2017, rémunérée à AMI 5,8, tarif le plus élevé dans l’histoire de la nomenclature.